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Viviane Stulz : La chronique juridique d’avosial

Chroniques | publié le : 05.03.2018 | Viviane Stulz

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Viviane Stulz : La chronique juridique d’avosial

Crédit photo Viviane Stulz

L’extension du contrat de chantier

Parmi les mesures souhaitées par le gouvernement pour fluidifier le marché du travail figure l’extension des contrats de chantiers. Ceux-ci étaient auparavant uniquement conventionnels, essentiellement dans les branches du bâtiment et des travaux publics. Il est maintenant possible de conclure des « contrats d’opération »(1).

Le contrat de chantier ou d’opération

peut être défini comme un contrat de travail à durée indéterminée par lequel un employeur, qui exerce dans une branche d’activité où cet usage est constant, engage un salarié en précisant que cette embauche est strictement liée à la réalisation d’un ou plusieurs chantiers mais dont la durée n’est ni prévue ni nécessairement prévisible.

Un frein majeur a été mis à cet élargissement du contrat de chantier néanmoins. Son usage est limité aux branches qui ont conclu un accord collectif en ce sens, ce dernier devant ensuite être étendu. À défaut, le contrat de chantier peut être conclu dans les secteurs où son usage est habituel et conforme à l’exercice régulier de la profession qui y recourt au 1er janvier 2017.

Sans être un CDD

(contrat de travail à durée déterminée), ce contrat s’achève avec la réalisation de son objet ; c’est l’un de ses avantages, il n’est pas nécessaire de prévoir une durée précise et l’employeur n’est pas bloqué par les durées maximales et les renouvellements applicables aux contrats temporaires. L’autre avantage de ce type de contrat est la relative facilité de sa rupture : celle-ci est considérée comme reposant automatiquement sur une cause réelle et sérieuse, dès lors que l’objet du contrat est rempli(2). Néanmoins, le contrat ne prend pas fin automatiquement au terme du chantier ou de l’opération, une procédure de licenciement doit être effectuée. Cependant, pour faciliter ces ruptures, la procédure est soumise au régime du licenciement pour motif personnel (normalement limité aux motifs qui tiennent au salarié : performance, faute…) et non aux motifs qui relèvent de l’organisation de l’entreprise (économiques). La procédure habituelle doit être suivie et le salarié bénéficie de ses droits habituels : entretien préalable, notification du licenciement, préavis et indemnité de licenciement, solde de tout compte, contestation du licenciement (l’indemnité de précarité n’est pas due, s’agissant d’un CDI).

La qualification de licenciement pour motif personnel n’est pas anodine ; il en ressort notamment que les personnes licenciées pour fin de contrat d’opération ou de chantier ne sont pas prises dans le nombre de suppressions d’emploi, en cas de licenciement collectif pour motif économique intervenant parallèlement. Néanmoins,afin d’échapper à la qualification de licenciement économique, certaines conditions doivent être remplies : le licenciement doit avoir un « caractère normal » selon la pratique habituelle et l’exercice régulier de la profession considérée, sauf dérogation déterminée par accord collectif. Selon l’administration, en ce qui concerne les contrats de chantier(3), doit être considéré comme tel

– le licenciement de personnes dont le réemploi ne peut être assuré lors de l’achèvement des tâches qui leur étaient confiées, lorsque ces personnes ont été employées sur un ou plusieurs chantiers pendant une période continue inférieure à deux années ;

– le licenciement de personnes engagées sur un chantier de longue durée dont le réemploi ne peut être assuré lors de l’achèvement sur ce chantier des tâches qui leur étaient confiées ;

– le licenciement de personnes qui, quelle que soit leur ancienneté, ont refusé à l’achèvement d’un chantier l’offre faite par écrit d’être employées sur un autre chantier, y compris en grand déplacement, dans les conditions conventionnelles applicables à l’entreprise.

La procédure de licenciement

pour motif personnel ne peut bien entendu s’appliquer que pour les salariés employés pour une opération ou un chantier. Il est donc nécessaire de bien faire la distinction entre, par exemple, le personnel administratif, amené à poursuivre son activité indépendamment de la fin de l’opération ou du chantier, et le personnel employé pour une mission déterminée dans le temps.

Il est dommage que le gouvernement ne soit pas allé plus loin et limite les contrats d’opération aux secteurs où son usage est habituel et conforme à l’exercice régulier de la profession qui y recourt et aux branches ayant conclu un accord en ce sens. Il serait intéressant d’imaginer la généralisation de ce type de contrats aux opérations purement ponctuelles, dans tous les domaines d’activité, pour remplacer les CDD et contrats intérimaires lorsque l’employeur a besoin d’adapter la durée du contrat au projet pour lequel il recrute sans avoir à en prédéterminer la durée. Espérons en tout cas que les branches professionnelles se saisiront rapidement de cette opportunité.

1) Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 (JO, 23 septembre).

2) Article L. 1236-8 du Code du travail.

3) Circulaire n° 89/46 du 1er octobre 1989 concernant les contrats de chantiers.

Auteur

  • Viviane Stulz