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Le fait de la semaine

Rémunération : Les budgets d’augmentation de salaires en hausse

Le fait de la semaine | publié le : 05.03.2018 | Sophie Massieu

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Rémunération : Les budgets d’augmentation de salaires en hausse

Crédit photo Sophie Massieu

Une première depuis 2011 : les budgets de hausse des salaires progressent, de 2 % en moyenne. Reprise économique, poussée de l’inflation, baisse du chômage comptent parmi les facteurs d’explication. Mais l’individualisation des rémunérations joue aussi un rôle non négligeable et porte des enjeux pour l’avenir.

Elle a pointé le bout de son nez en septembre. Cabinets de recrutement et organisations patronales font le même diagnostic : la reprise est là. « La tendance s’est inversée, puis accélérée, à compter du deuxième semestre 2017 », résume Philippe Vidal, fondateur du cabinet Vidal Associates. Et cette reprise tant attendue conditionne la politique des augmentations de salaires. Elle repart à la hausse pour la première fois depuis 2011, selon une étude Deloitte parue le 20 février (lire l’encadré ci-contre). Elle devrait s’établir à 2 % en 2018.

Le premier impact du rebond économique se traduit par une pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs, comme l’informatique et les hautes fonctions commerciales, indique Philippe Vidal. « Le recrutement extérieur sur ces fonctions en tension conduit les entreprises à faire monter les salaires, quitte parfois à les mettre en difficulté. On sent que, désormais, alors que ce n’était pas le cas auparavant, la rémunération devient un facteur clé dans le souhait de mobilité chez les candidats. »

La part croissante de l’individualisation

Dès lors, pas étonnant que, selon Deloitte, les trois quarts du budget d’augmentation de salaires aille vers des coups de pouce individuels, le reste seulement venant nourrir les hausses collectives. Un phénomène accentué par la reprise, explique Xavier Timbeau, directeur de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) : « Lors d’un ralentissement, les démissions pour prendre un autre emploi diminuent nettement. Or, ces démissions sont l’occasion d’augmentations individuelles conséquentes. Ainsi, en phase de reprise, les individus bénéficient de plus d’opportunités. Ils les utilisent pour demander, et surtout obtenir, des augmentations. »

Résultat, en interne, comme lors de mobilités et de recrutements externes, l’individualisation des hausses de rémunération progresse également : « En tant que manager, je considère que cela permet de garder les meilleurs éléments qui feront l’entreprise de demain, et de développer nos projets », confie Karine Doukhan, vice-présidente de Robert Half. Bénédicte Caron, responsable des affaires économiques à la CPME, revendique ce choix avec plus de verve encore : « La rémunération individuelle va royalement prendre le pas sur la rémunération collective. »

Quitte à engendrer quelques risques, une part de subjectivité dans les évaluations, particulièrement sur les fonctions supports, juridiques ou de ressources humaines, prévoit Philippe Vidal. Quitte, aussi, à renforcer les inégalités, selon Xavier Timbeau, qui se demande si cette individualisation va se généraliser en France comme c’est le cas aux États-Unis.

Pour prévenir le phénomène, Gérard Mardiné, secrétaire national CFE-CGC en charge de l’économie, de l’industrie et du développement durable, en appelle au maintien d’un budget d’augmentations générales socle : « L’engagement est individuel mais la performance est collective. À trop individualiser, on en arrive à des salariés qui jouent les uns contre les autres au lieu de faire avancer l’entreprise. »

Reprise et inflation : des facteurs clés

Au sein des entreprises, la pénurie de personnels et l’individualisation de leurs rétributions, qu’elle accentue, influencent l’augmentation des budgets de hausse de salaires cette année. Des données microéconomiques que renforce le contexte macroéconomique.

À commencer par la reprise elle-même : « La performance économique des entreprises et une meilleure visibilité sur les années à venir me semblent être les premiers facteurs d’augmentation des budgets de hausse des salaires. De plus, pendant la crise, elles se sont restructurées et se trouvent maintenant bien dimensionnées et organisées pour bénéficier de la reprise », décrypte Jean-Philippe Gouin, associé conseil capital humain chez Deloitte. « Nos carnets de commandes sont pleins, confirme Bénédicte Caron, de la CPME. Le moral des chefs d’entreprise remonte. Plus confiants, ils investissent à nouveau, et relancent la croissance. » Un cercle vertueux, en somme.

Autre facteur économique qui influence directement la hausse des salaires : la poussée de l’inflation. C’est même, selon Jean-Philippe Gouin, le changement le plus important survenu en 2018 par rapport à l’année précédente sur le plan macroéconomique. Jean-Paul Charlez, président de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), souligne qu’avec 1,2 % en 2017, elle atteint son plus haut niveau depuis 2012. Il note que le Smic, revalorisé de 1,24 % au 1er janvier, connaît lui aussi un bon coup de pouce. De quoi créer un contexte plus favorable aux augmentations générales de salaire que les années précédentes, résume-t-il. « Dès lors, en 2018, les syndicats démarrent la discussion à 3 % en général. Et donc, sauf problème particulier dans une entreprise, on s’accorde sur des augmentations entre 1,25 % et 2 %. »

Le redémarrage de l’emploi compte aussi parmi les éléments macroéconomiques qui influencent la reprise de la hausse des salaires, explique Xavier Timbeau : « Avec la continuation de la baisse du chômage, on devrait observer une diffusion de ces hausses à l’ensemble des salariés. » Mais il observe toutefois que ce phénomène n’est pas mécanique : la création d’emplois s’est aussi faite grâce à une flexibilisation qui a pu, de son côté, engendrer des baisses de salaire.

Et demain ? Tout le monde s’accorde à dire que la reprise va s’installer, que le chômage va continuer de baisser et l’inflation de reprendre. Autant de facteurs favorables à l’augmentation brute des salaires. Mais qu’en sera-t-il réellement du net perçu ? Les entreprises elles-mêmes s’en inquiètent : en 2019, les prélèvements des impôts à la source pourraient avoir un effet psychologique assez désastreux sur leurs salariés qui regardent « la ligne du bas », explique Jean-Paul Charlez, vent debout contre cette mesure. Elle pourrait, en 2019, peser lourd sur le climat social…

Auteur

  • Sophie Massieu