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Viviane Stulz : La chronique juridique d’avosial

Chroniques | publié le : 16.07.2018 | Viviane Stulz

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Viviane Stulz : La chronique juridique d’avosial

Crédit photo Viviane Stulz

Représentants du personnel : expiration de la protection

Une décision de la Chambre sociale de la Cour de cassation vient rappeler, ce 20 juin, que l’expiration de la période de protection d’un représentant du personnel n’autorise pas nécessairement l’employeur à procéder immédiatement à son licenciement sans utiliser la procédure protectrice.

On sait bien entendu

que les représentants du personnel sont protégés. Ils le sont durant la vie du contrat de travail puisqu’aucune modification, même mineure, de leurs conditions de travail, ne peut être unilatéralement imposée par l’employeur et requiert leur accord. Ils le sont en cas de transfert « partiel » de leur entreprise – c’est-à-dire lorsqu’une partie seulement des activités de l’entreprise ou de l’établissement se trouve transmise à un tiers accompagné du transfert du personnel affecté à celle-ci (cession partielle de fonds de commerce, apport partiel d’actifs, transfert d’une entité économique autonome, par exemple) –, leur transfert ne pouvant être effectué qu’après accord de l’inspection du travail qui vérifie l’absence de discrimination. Ils le sont enfin, à l’évidence, en cas de rupture de leur contrat de travail par l’employeur ou d’un commun accord (licenciement pour motif personnel ou économique, mise à la retraite ou rupture conventionnelle), la rupture du contrat de travail ne pouvant avoir lieu qu’après autorisation expresse de l’inspection du travail.

De nombreux salariés

d’une entreprise peuvent être protégés et notamment : salariés demandant l’organisation des élections, candidats aux élections professionnelles, représentants du personnel élus (membres du CE/CHSCT, DP ou nouveau CSE/membres de la DUP, etc.), représentants du personnel désignés (délégués et représentants syndicaux), salariés détenteurs de mandats et postes à l’extérieur de l’entreprise…

La durée de la protection varie selon les mandats ; elle peut être longue (un an après l’expiration du mandat pour le délégué syndical qui a exercé son mandat pendant au moins un an, par exemple). La tentation peut donc être grande pour un employeur d’attendre l’expiration de la protection puis se précipiter pour entamer une procédure de licenciement afin d’éviter d’avoir à demander l’autorisation de licenciement, au risque de se la voir refuser.

Cependant,

l’expiration de la protection des représentants du personnel ne permet pas nécessairement de procéder immédiatement au licenciement. Il faut rester prudent comme le rappelle la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt tout récent.

Dans sa décision du 20 juin dernier, la Chambre sociale a jugé qu’« une cour d’appel ne saurait débouter le salarié de ses demandes au titre de la discrimination syndicale et de la nullité de son licenciement alors qu’elle constate que l’intéressé a été licencié le lendemain de l’expiration de sa période de protection pour les mêmes motifs qui avaient donné lieu à 3 refus d’autorisation de licenciement de l’administration, ce dont elle aurait dû déduire qu’il existait des faits laissant supposer l’existence d’une discrimination, et qu’il incombait en conséquence à l’employeur de prouver que le fait de n’avoir proposé au salarié, occupant les fonctions de médecin, qu’un reclassement sur un poste d’agent à l’entretien et à la désinfection des locaux était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ». (Cass. soc. 20-6-2018 n° 17-16.555 F-D).

Déjà par un arrêt de février dernier (Cass. soc., 28 février 2018, n° 16-19.562), elle rappelait que le licenciement du salarié le surlendemain de l’expiration de la période de protection pour des faits survenus uniquement durant cette dernière, constituait un détournement de la procédure de protection, rendant ainsi le licenciement nul.

Il est donc inutile

d’attendre l’expiration de la période de protection pour licencier un salarié, si le motif n’est pas postérieur à celle-ci ; et s’il l’est, mieux vaut ne pas se précipiter dès l’expiration de la protection.

Ces décisions

ne constituent ni une révolution ni un revirement de jurisprudence, elles sont classiques. Il n’est cependant pas inutile de rappeler les règles car les conséquences d’un non-respect de la protection d’un salarié protégé, notamment et surtout en cas de licenciement, sont sévères : la nullité de la rupture du contrat de travail emporte : le paiement des salaires dus depuis la rupture du contrat de travail jusqu’à l’expiration de la période couverte par la nullité ; le droit à réintégration (avec paiement des salaires dus jusqu’à la date de la réintégration) ou si le salarié ne la demande pas ou si celle-ci s’avère impossible, une indemnité forfaitaire qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois (article L. 1235-3-1 nouveau du Code du travail). Ces paiements sont dus en sus du préavis et de l’indemnité de licenciement normalement déjà réglés (si le salarié n’est pas réintégré).

Auteur

  • Viviane Stulz