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“La norme sociale passera par un dialogue social de qualité”

Actu | Entretien | publié le : 07.02.2018 | Jean-Paul Coulange

La métallurgie a engagé en 2016 un gros travail de révision de l’ensemble de ses textes conventionnels, qui pourrait aboutir à la fin de l’année. À travers ce chantier, la branche veut conserver une longueur d’avance en matière sociale.

Quel est, aujourd’hui, le rôle d’une branche professionnelle ?

Depuis un an, nous avons mené un gros travail de réflexion sur les missions de l’UIMM. Nous avons redéfini notre façon de travailler pour traiter tous les enjeux en respectant deux priorités : la compétitivité de l’entreprise et l’emploi. Il n’y aura pas d’économie forte si l’industrie ne tient pas toute sa place. Pour preuve, chaque emploi créé dans l’industrie en génère trois dans les autres secteurs d’activité. Chez nous, les salaires sont 13 % au-dessus de la moyenne nationale ; 92 % des contrats proposés sont en CDI. Jusqu’en 2025, la branche va recruter 110 000 personnes chaque année. Le principal défi, en 2018, sera de trouver les compétences dont les entreprises ont besoin. L’autre message fort est que la branche veut donner du sens, créer des impulsions, et être une source de réflexions sur de grands enjeux sociaux. Pour résumer le rôle de la branche, nous affirmons que la norme sociale ne peut s’établir qu’à travers un dialogue social de qualité.

Ce sont néanmoins les syndicats qui se sont battus pour que le rôle de la branche soit réaffirmé ?

On ne peut pas reprocher à l’UIMM de ne pas avoir donné une place prépondérante au dialogue social. Avec les organisations syndicales, nous avons démontré qu’il est possible de conduire des politiques sociales de qualité à travers des échanges de qualité.

La réforme du Code du travail a-t-elle changé la donne ?

Bien avant que ce gouvernement soit en place, nous avons décidé de mener un travail de concertation avec les entreprises, puis avec les organisations syndicales. Il était temps d’arrêter d’appliquer les agendas sociaux des autres. Nos agendas étaient mobilisés autour de priorités qui n’étaient pas les nôtres. Il y a trois ans, nous sommes arrivés à la conclusion qu’on ne pouvait pas critiquer la complexité du Code du travail ou de la loi sans prendre nos responsabilités. Nos soixante-seize conventions collectives et nos textes, nationaux et territoriaux, représentent sept mille pages alors que le Code du travail en fait plus de mille ! La plupart remontent à plusieurs décennies. Elles sont aujourd’hui inadaptées ou obsolètes. Après deux ans de discussions entre nous, nous sommes donc allés voir toutes les organisations syndicales, qui ont accepté d’entamer ce travail ambitieux. Négocier une telle refondation sociale n’était pas une évidence. Néanmoins, nous avons conclu le 27 juin 2016 un accord de méthode pour enclencher ce travail que peu de branches ont entrepris. Certaines ont revu quelques dispositions, mais pas l’ensemble de leurs textes. Force est de constater que les cinq organisations syndicales ont été d’accord pour ouvrir ce chantier historique.

Quel bilan pouvez-vous dresser aujourd’hui ?

Nous avons décidé de traiter neuf thèmes en essayant de boucler les négociations à la fin de l’année 2018 ou au début de 2019. Le rythme est soutenu, avec une réunion de négociation tous les quinze jours et deux thématiques traitées en alternance. Nous avons terminé la négociation sur l’architecture et les principaux généraux, qui ont fait l’objet d’un texte « mis en réserve » en mars 2017. À chaque fois qu’on achève une discussion sur un sujet, le texte est mis en réserve, ce qui veut dire que les parties considèrent qu’il est susceptible de recueillir une majorité d’avis favorables. Chaque sujet doit être « stabilisé » avant d’aborder le thème suivant. Sur l’architecture et les principes généraux, il a été décidé de mettre en place un socle commun de principes et de règles applicables nationalement. Y a-t-il lieu en effet d’avoir des règles différentes sur la période d’essai ou le préavis à Lille, Strasbourg, Toulouse ou chez moi, en Auvergne ? Quand ce socle commun aura été constitué, il sera intégré à chaque convention territoriale. Nous tenons néanmoins aux négociations territoriales pour pouvoir répondre aux besoins spécifiques d’un bassin d’emploi.

Avez-vous abouti sur les classifications ?

Le texte a abouti mi-novembre. C’est un sujet structurant car nos accords datent de 1972-1975 et de 2000-2001. Nous avons un texte « stabilisé », qui a recueilli trois avis favorables sur quatre, la CFTC n’étant plus représentative dans la branche au plan national depuis le 1er janvier. Dès les premières réunions, la CGT a livré son analyse sur la philosophie générale d’une classification qui n’était ni celle de l’UIMM ni visiblement celle des autres organisations syndicales. Mais elle a participé activement à toutes les réunions et tous les groupes de travail.

Que contient cet accord ?

Le texte répond à plusieurs principes. D’abord, la simplification. Sur un format A4, n’importe quel salarié doit pouvoir comprendre comment cela fonctionne, de l’opérateur en début de carrière jusqu’au cadre dirigeant. Ensuite, le système de classifications est ancré à la réalité opérationnelle de l’emploi. Demain, les entreprises de la branche, petites, moyennes ou grandes, devront rédiger des fiches descriptives d’emploi et consulter les salariés. Chaque classification devra faire l’objet d’une explication précise au salarié qui le demande. Parmi les six critères classants, quatre sont nouveaux : la connaissance requise par l’emploi, l’analyse du niveau de contribution de l’emploi au fonctionnement général de l’entreprise, la coopération et la communication. Nous allons coter un emploi en fonction du niveau de coopération requis pour le bon fonctionnement de l’équipe, de l’atelier, de l’usine, de l’entreprise et du groupe. Dernier critère classant, la communication. Aujourd’hui, certains opérateurs échangent quotidiennement des données, discutent avec la qualité, les études, le client final. Le dernier principe général est celui de l’équité. À partir du moment où un employeur exige un diplôme ou un niveau de formation initiale, il est tenu de proposer un emploi en cohérence avec ces diplômes, de niveau Bac+5 pour les cadres et Bac+2 pour les non-cadres. Nous avons également fait disparaître les appellations traditionnelles telles que « ouvriers », « employés », « techniciens et agents de maîtrise ». Nous avons en effet laissé le choix à l’entreprise de nommer ses groupes d’emploi.

Ce travail de reconstruction peut-il être percuté par les négociations au plan national ?

Avec les organisations syndicales, nous avons évidemment les yeux rivés sur ce que produit le pouvoir politique. En l’état actuel des travaux, je n’ai pas d’inquiétude. Malgré tout, nous réaliserons un « arrêt sur image » quand nous disposerons de la photo finale. Si nous nous apercevons, en décembre, que des choses ont bougé, nous réajusterons certains éléments.

Un sujet comme la fusion des instances représentatives du personnel peut-il impacter vos propres négociations ?

Le dialogue social sera le dernier thème de négociation. Nous aurons alors des textes totalement clarifiés. Quand on a commencé à travailler, on ne savait pas qu’il y aurait une nouvelle réforme du Code du travail, mais nous avons volontairement gardé le dialogue social pour la fin. Notre objectif est d’aboutir à un texte global et satisfaisant pour tous. Sinon, nous continuerons jusqu’à ce qu’on y arrive. Malgré la difficulté de l’exercice, je suis confiant sur le résultat final de ce travail.

Cette refondation peut-elle vous aider à recruter alors que vos adhérents se plaignent de manquer de main-d’œuvre ?

En 2017, le solde net d’emplois est positif dans l’industrie, et pour la première fois depuis une quinzaine d’années, le solde net entre disparitions et créations d’entreprise est également positif. Mais nous ne ferons pas l’économie d’un débat de fond sur l’image et l’attractivité de nos métiers. Plus aucun salarié ne croit que l’on va l’accompagner tout au long de sa carrière. Par contre, les Français cherchent une structure qui les aide à construire leur employabilité, qui leur permette de grandir, de répondre à leurs enjeux personnels, familiaux. Cela passe par un CDI, un salaire de bon niveau et un accompagnement social. Bonne nouvelle : les industriels savent répondre à tous ces critères-là et nous les accompagnons pour le faire savoir.

Hubert Mongon, délégué général de l’UIMM

Juriste de formation, titulaire d’un DESS de GRH, Hubert Mongon a travaillé dans les RH chez Bouygues, Valeo et Mac Donald’s France, dont il est devenu vice-président RH. Il a reçu le titre de DRH de l’année en 2009. Depuis avril 2016, il occupe la fonction de délégué général de l’UIMM succédant à Jean-François Pilliard. Un retour aux sources car il a commencé son parcours en tant que juriste au Groupement des industries métallurgiques.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange