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Idées

Coopération et autonomie : la « mère » des injonctions paradoxales

Idées | Bloc-notes | publié le : 05.02.2018 | François Dupuy

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Coopération et autonomie : la « mère » des injonctions paradoxales

Crédit photo François Dupuy

Pourquoi autant d’injonctions paradoxales ?

Il est de bon ton d’attribuer à la complexité croissante des organisations la multiplication des injonctions contradictoires. Ce n’est qu’en partie vrai. Celles-ci en effet procèdent bien davantage d’un management défaillant pris entre une méconnaissance de la réalité et la tentative d’y pallier par des formules ou des recettes toutes faites, exonérant ceux qui les utilisent d’un investissement sérieux dans la connaissance. On peut observer que les « victimes » prioritaires de cet état de fait sont les encadrants de premier niveau ou intermédiaires, tenus de mettre en œuvre des décisions parfois incohérentes, auxquelles eux-mêmes n’adhèrent pas. Dès lors, on peut toujours expliquer à cet encadrement la nécessité fructueuse de ces injonctions et qu’après tout, il leur appartient de s’en débrouiller, leur seul résultat concret est d’altérer sérieusement la crédibilité de ceux qui les émettent.

La « mère » de toutes les batailles

Parmi ces injonctions, il en est une porteuse d’un grand désarroi et parfois de souffrance pour ceux qui s’y trouvent confrontés : elle consiste à demander d’une part toujours plus de coopération entre les individus ou les unités et en même temps à appeler tout un chacun à développer son autonomie. L’appel à la coopération se comprend. On sait depuis longtemps qu’elle permet d’améliorer la qualité en réduisant les coûts. Répondre à la demande en apparence contradictoire d’un client voulant toujours plus pour moins devient alors possible. Mais on sait tout aussi bien que cette coopération n’a rien de naturel. Elle est au contraire exigeante, difficile, porteuse de conflictualité et surtout elle met ceux qui la pratiquent dans des situations de dépendance, constituant précisément ce à quoi une majorité d’individus cherchent à échapper. Dès lors, leur demander en même temps de devenir autonomes donc de réduire leur dépendance vis-à-vis des autres voire d’atteindre par leurs propres moyens les objectifs qui leur sont fixés apparaît à juste titre comme contradictoire avec l’impérieuse nécessité de coopérer toujours davantage. Il se trouvera toujours de fameux rhéteurs pour expliquer comment peut se résoudre cette quadrature du cercle. Il n’en demeure pas moins qu’elle crée aujourd’hui un grand désarroi chez ceux qu’elles concernent. Mais surtout elle traduit une grave absence d’éthique de la part de ceux émettant ces injonctions. Car la contradiction ainsi véhiculée rend totalement aléatoire l’évaluation des résultats obtenus et surtout des comportements qui les produisent. Cette imprévisibilité inhérente à la contradiction des injonctions détruit la confiance qui devrait être la base d’un management responsable.

Et pourtant, ce n’est pas inéluctable

Redisons-le : ce n’est pas tant la mauvaise foi des individus qui conduit aux injonctions paradoxales que leur méconnaissance de la réalité dont ils ont la responsabilité. Elle les amène à une segmentation des problèmes, au court-termisme, à la gestion dans l’urgence ou au contraire à l’application mécanique et sans discernement de pseudo-solutions. Tout cela amène bien sûr à un management qui, sous couvert de « rationalité », est perçu comme toujours plus erratique. La connaissance « élaborée », celle qui permet de mettre à jour une réalité complexe, permet de progresser dans sa maîtrise et d’adopter la prudence nécessaire lorsqu’il s’agit de demander quelque chose à ceux dont on a la responsabilité. C’est pourtant une exigence majoritairement refusée : elle est néanmoins une condition pour rendre au management tout ou partie de sa crédibilité.

Erratum

Contrairement à ce qui est mentionné dans le Bloc-Notes de LSM n° 188 de janvier 2018, Bénédicte Tilloy n’est plus DGA chargée des RH de SNCF Réseau mais associée chez Schoolab. L’actuel directeur général adjoint RH de SNCF Réseau est Georges Ichkanian.

Auteur

  • François Dupuy