C’est le thème du 9e cycle de formation de l’Institut des Hautes Études de Protection Sociale (IHEPS). 3 questions à Marine Boisson-Cohen, conseillère scientifique de l’IHEPS.
Huit sessions d’une journée et un séjour d’études au Royaume-Uni, où nous menons l’enquête pour aller au-delà des idées reçues, avec des intervenants aux profils très variés. Un premier axe est de se départir d’une vision de toute-puissance de la technique. La substitution des humains par l’automatisation et l’intelligence artificielle n’est pas l’hypothèse privilégiée par les spécialistes des technologies, qu’il s’agisse de Didier Roux, titulaire de la chaire innovation technologique au Collège de France, ou des experts de France Stratégie. Nous rendons aussi compte des réflexions au sein de l’État et des organismes de protection sociale : le Conseil d’État, la Cour des Comptes, Pôle Emploi, les instituts de prévoyance etc. Enfin, nous sollicitons des “makers” comme Pierre Pezziardi, développeur à l’origine de la « Bonne boîte » pour l’Emploi Store, ou Jérôme Pimot du Collectif des Livreurs Autonomes de Paris (CLAP), qui porte aujourd’hui un projet de coopérative de livreurs à vélo.
L’idée reçue, c’est le remplacement de l’Homme par la machine. Nos intervenants ont plutôt insisté sur la dimension transformative, avec un déplacement de l’activité vers des tâches plus complexes, vers la relation aux usagers. S’il y a besoin de « geeks », de développeurs, de data-analyst, paradoxalement, les compétences socio-émotionnelles sont aussi revalorisées. Il y a enfin un questionnement sur le positionnement des managers intermédiaires : si les tâches routinières sont plus automatisées, ils seront moins dans une fonction de contrôle des agents que d’animation d’équipe.
Si on schématise, certains actifs, comme les chauffeurs ou les livreurs, ont un faible pouvoir de négociation, car les plateformes peuvent supporter le turnover. Ils sont renvoyés à des statuts comme celui de micro-entrepreneur, pensé pour des actifs avec une autre activité, donc avec déjà une protection sociale suffisante. Ils n’ont pas forcément accès à d’autres statuts. De l’autre côté, Il y a des free-lances dont les compétences sont plus rares, qui font le choix de l’indépendance et ont un pouvoir de négociation plus important. Il n’y a pas de réponse simple car ces publics n’ont ni les mêmes besoins, ni les mêmes capacités de négociation.