« Je ne sais pas si on peut dire qu’on fonctionne de façon anarchique… mais il y a un peu de ça quand même ». Pour les fans d’aviation, Julien Bottenmuller est surtout connu pour son blog « Comment ça vole ? », voué à la vulgarisation aéronautique. Mais depuis le 9 mai dernier, ce pilote de ligne alsacien vient de coiffer une casquette différente de celle qu’il porte habituellement : celui de fondateur et porte-parole du collectif Tous Air France. Un rassemblement de salariés et d’usagers de la compagnie, excédés par le blocage du dialogue social de la compagnie aérienne par des syndicats « jusqu’au-boutistes ». Né cinq jours après la démission de Jean-Marc Janaillac, P-DG d’Air France-KLM dont le projet d’accord salarial venait d’être rejeté à 55,4 % après consultation des employés, le collectif a poussé ses premiers gazouillis sur le réseau social à l’oiseau bleu avec l’ambition de devenir la « voix de l’équilibre » entre direction et syndicats.

Premier tweet anonyme… et premier raté au décollage. Il n’en a pas fallu plus à certains internautes pour voir derrière la création du collectif une manœuvre de la direction destinée à embrigader une partie des salariés contre une autre. « Notre erreur a été d’apparaître de façon anonyme, ça a entraîné un sentiment de défiance à notre égard » reconnaît le porte-parole de Tous Air France. La faute, peut-être, à la spontanéité quelque peu chaotique de sa fondation. « Dans la forme, on a monté le collectif un peu instinctivement, autour d’un noyau dur d’une trentaine de salariés. Mais c’est le seul moyen qu’on ait trouvé pour faire entendre notre inquiétude sur l’avenir de la compagnie », explique Julien Bottenmuller. De quoi, aussi, faire tiquer les syndicats installés. « Vu la proximité temporelle entre le référendum d’entreprise sur l’accord salarial et la création de ce collectif, son existence ne peut qu’apparaître suspecte » confirme Christophe Maloggi, secrétaire général de Force Ouvrière Air France.

D’une manière générale, d’ailleurs, les syndicats du groupe aéronautique n’ont guère souhaité s’exprimer pas sur l’existence des Tous Air France, sans qu’on sache s’il s’agisse de gêne ou d’indifférence. Silence radio, également, du côté du SNPL, le puissant syndicat national des pilotes de ligne. Pas un mot de la part de la CGT. Mutisme également chez les réformistes CFTC, Unsa et CFDT avec lesquels le collectif est accusé d’entretenir de coupables relations. Quant à la direction, elle évacue toute hypothèse de proximité d’un revers de main. « Il s’agit d’une initiative spontanée de certains salariés qui semblent vouloir exprimer leur sentiment sur la situation de l’entreprise » indique-t-on laconiquement dans l’entourage de Gilles Gâteau, le DRH du groupe.

Le collectif, lui, rejette toute idée d’affiliation à qui que ce soit, revendique sa neutralité et insiste sur le caractère « positif » du message porté. Son questionnaire, diffusé sur Internet, avait, quatre jours après sa mise en ligne, recueilli quelques 680 réponses. « Dont 70 % provenaient de salariés et 30 % de clients ou d’amoureux d’Air France », détaille Julien Bottenmuller. Fort de ce soutien, Tous Air France entend faire entendre « une autre voix » et va jusqu’à proposer un nouveau modèle de gestion pour la compagnie, inspiré de celui de KLM. Avec quelle légitimité ? « Aucune. Pour nous, ce collectif n’est pas un interlocuteur » assène Christophe Maloggi, chez FO. Décollage laborieux, donc.

Collectif de salariés et d’usagers de la compagnie

4 mai 2018

Rejet du référendum sur l’accord salarial d’Air France. Démission du P-DG

9 mai 2018

Création du collectif Tous Air France. Hashtag #TousAirFrance sur Twitter

14 mai 2018

Lancement des premiers groupes de travail du collectif