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Les assistantes sociales, une fonction support pour les RH

Décodages | publié le : 07.06.2018 | Marina Al Rubaee

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Les assistantes sociales, une fonction support pour les RH

Crédit photo Marina Al Rubaee

Les assistantes sociales n’interviennent pas que dans le monde associatif ou le secteur public. Une partie (infime) d’entre elles travaille pour les entreprises dans des domaines tels que le handicap, la conciliation vie privée-vie professionnelle, les mobilités ou la souffrance au travail…

S’il y a un sujet sensible pour les entreprises, c’est bien la vie privée de leurs collaborateurs. Or, « aujourd’hui, la porosité entre vie privée et vie professionnelle n’a jamais été aussi forte. Les salariés emmènent au travail leurs problèmes personnels et sont, de ce fait, moins productifs. Les entreprises qui ignorent cette situation risquent d’en subir économiquement les conséquences », prévient Sébastien Cathelin, gérant de CS Conseil, un service social indépendant à Metz. La vie personnelle et ses interactions avec le travail, c’est le champ d’action des assistantes sociales. Mais sur les 33 500 professionnelles en activité, elles ne sont que 5 % à avoir choisi le monde de l’entreprise, selon la dernière étude disponible de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la Santé, qui date de septembre 2014. Directeur technique au service social interentreprises du cabinet Social Inter, qui compte une équipe de 80 assistantes sociales sur l’Île-de-France, Pierre Chiron constate que « les directions des ressources humaines, qui doivent inspirer les politiques managériales, gérer des accords, être une force de propositions, sont parasitées par les problèmes personnels des collaborateurs. Ce qui représente en moyenne 20 % de leurs interventions ». Éloïse Renaudot, gérante du cabinet Ressources Sociales à Nantes, confirme : « Les DRH ont besoin d’interlocuteurs neutres qui servent d’interfaces, capables de gérer les difficultés sociales de leurs employés. »

Au-delà du réglementaire.

« Notre valeur ajoutée, c’est de mettre de l’humain là où il en manque. Nous sommes là pour chercher des solutions qui arrangent tout le monde, entreprises et collaborateurs », estime Sébastien Cathelin, qui gère quatre assistantes sociales. Les entreprises de plus de 250 salariés sont, d’après le Code du travail, dans l’obligation de recruter une assistante sociale. « En réalité, ce n’est pas l’obligation réglementaire qui guide les entreprises mais bien une volonté réelle de mettre en place une politique sociale adaptée », insiste Béatrice Belabbas, dirigeante associée du cabinet Sociobel. Ce sont souvent les services RH eux-mêmes qui sont à l’origine de la création d’un service social. Les assistantes sociales s’intègrent alors dans une démarche RSE – responsabilité sociétale de l’entreprise. « Nous intervenons en véritable soutien en les conseillant et les accompagnant dans les actions à mettre en place », précise Stéphanie Ladel, la fondatrice de Cabinet Social. Les « AS » sont capables d’intégrer les enjeux économiques de l’entreprise tout en y insufflant de l’humain. Le cœur de leur métier restant celui de la relation d’aide, donc elles sont avant tout au service des salariés.

« Nous sommes au carrefour de quantité de sujets, en étant pour les salariés un véritable appui », reprend Caroline Gontier, responsable d’assistantes sociales et responsable technique de l’agence Focsie Centre à Orléans. Pour Aurore Blain, assistante sociale au service « action sociale » de la banque BNP Paribas à Rennes, on associe trop souvent le rôle de l’assistante sociale à la prise en compte de la précarité. Or « les problèmes financiers arrivent bien loin derrière. Notre palette d’interventions est large et nous sommes sollicitées dans tous les domaines », explique-t-elle.

Les sujets sur lesquels elles interviennent sont extrêmement variés : garde d’enfants, problèmes de logement, informations sur le droit social, changements de situation familiale, maladies, handicaps… Chaque intervention débute la plupart du temps par une demande d’informations, ce qui ne représente que la partie visible de l’iceberg. « En grattant un peu, on s’aperçoit que se cachent d’autres problèmes que les intéressés n’osaient pas aborder. Tout le monde peut rencontrer dans sa vie des difficultés momentanées. Nous sommes là pour aider », ajoute Aurore Blain. Chacune de ces professionnelles rencontre en moyenne 10 % de l’effectif total d’une entreprise. Quel que soit le mode d’intervention, présence physique et/ou échange téléphonique, les assistantes sociales sont tenues au secret professionnel et, en aucun cas, les services des ressources humaines ne sont informés. « C’est une condition indiscutable, sinon cela ne marche pas ! Nous garantissons, quoi qu’il arrive, la confidentialité des échanges. C’est de notre responsabilité d’instaurer cette confiance », souligne Céline Fredericq, co-gérante du cabinet Interface. Ainsi, rien n’est divulgué aux RH sans l’accord explicite du salarié. Toutefois, elle insiste sur la nécessité d’un travail de collaboration avec les services de l’entreprise, basée sur la confiance et un travail en commun au profit des salariés dans le respect absolu de la déontologie du travail social.

Selon Sébastien Cathelin, les salariés acceptent, dans 95 % des cas, de transmettre les informations au RH, lorsque leurs difficultés impactent directement leur vie professionnelle. « Nous servons alors de médiateur pour débloquer les situations », dit-il. Les thématiques traitées ? Relations dans le travail, souffrances et reclassements professionnels, handicaps, liens entre l’entreprise et le salarié en arrêt-maladie, départs à la retraite, aménagements de poste… « Il s’agit d’informer les RH sur l’évolution de la situation sans entrer dans les détails, tout en précisant l’objet de la demande du salarié uniquement lorsque celui-ci donne son accord pour en échanger, notamment s’il s’agit de problématiques liées au travail telles que le maintien en emploi ou le reclassement par exemple », explique Éloïse Renaudot.

Les assistantes sociales jouent un rôle de conseil et mettent en évidence des problèmes qui auraient pu passer inaperçus au sein de l’entreprise. Danielle Legros, responsable du pôle « action sociale France » pour le groupe BNP Paribas, qui gère les quarante assistantes sociales de la banque, le confirme : « Elles apportent leurs expériences du terrain et font remonter de manière pragmatique les besoins des collaborateurs à la direction du groupe ». Un exemple concret ? La signature d’un accord d’entreprise, en 2015, sur les dons de jours de repos à des collègues salariés parents d’enfants gravement malades.

Cette remontée d’informations utiles a permis à Gérard Mayer, DRH du groupe Edeis, une société spécialisée dans l’ingénierie et la gestion d’infrastructures, de repérer chez les jeunes ingénieurs un vrai besoin de conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle. « Contrairement aux idées reçues, ils sont très demandeurs d’un accompagnement social. Certains, au bord du burnout, hésitent à en parler aux DRH, de peur d’être catalogués. Avec le service social extérieur et donc non assimilé à la hiérarchie, nous avons pu, par exemple, mettre en place un accompagnement adapté pour l’un d’entre eux. Ce qui lui a permis de redevenir un salarié performant », raconte-t-il.

Véritables couteaux suisses.

Depuis un an et demi, Gérard Mayer a recours au service d’un cabinet de service social extérieur, Sociobel, avec qui il a mis en place un « baromètre social ». L’objectif est de mesurer le bien-être des salariés et de mettre ainsi en place les bons outils de prévention, notamment autour de leur santé au travail. « Le retour du terrain reste le meilleur des indicateurs », dit-il. Reste à sensibiliser les managers eux-mêmes. Beaucoup d’entre eux considèrent encore ce service comme un « gadget ». « C’est compréhensible. Il faut qu’ils se l’approprient afin de considérer cette offre comme un véritable plus qui facilitera leur travail », poursuit le DRH. « Nous apportons un soutien aux managers pour qu’ils ne soient pas parasités dans leurs missions et sachent vers qui orienter leurs collaborateurs en cas de difficultés », complète Caroline Gontier, de l’agence Focsie Centre.

Les « AS » doivent faire face à deux injonctions paradoxales : rester sur leur réserve tout en étant visibles, et être au service de l’entreprise et des collaborateurs tout en assurant leur indépendance. Elles ont donc intérêt à se positionner en tant qu’expertes pour lever toute tentative d’instrumentalisation et éviter toute confusion, quelles que soient les parties concernées. « Nous devons clarifier tout de suite le cadre », assure Stéphanie Ladel, la fondatrice de Cabinet Social. Les assistantes sociales doivent mener un vrai travail de sensibilisation auprès des différents services et des salariés afin de se faire connaître et de faire tomber les méfiances. Elles sont, par essence, de véritables couteaux suisses. « Nous sommes généralistes tout en étant spécialisées dans de nombreux domaines à l’interface de la vie privée et de la vie professionnelle », résume Céline Fredericq. Leur métier se professionnalise de plus en plus, notamment en matière de veille sur la législation du travail. Cette montée des compétences se fait par des formations en interne, par le partage de bonnes pratiques, par un service technique dédié à ces expertes… Dans un monde du travail en pleine mutation, les assistantes sociales constituent un repère autant pour les ressources humaines que pour les salariés. « Idéalement, conclut Antoine Guillet, de SecretPro.fr, assistant social de formation qui encadre une équipe d’assistants sociaux au sein d’un service social interentreprises lyonnais, il serait bon que la présence des assistantes sociales soit reconnue et rendue obligatoire au même titre que celle des médecins du travail. »

Prestataire ou salarié ?

L’assistante sociale est-elle plus efficace en tant que prestataire ou comme salariée de l’entreprise ? « Ce ne sont pas les mêmes enjeux, estime Sébastien Cathelin, gérant de CS Conseil, un service social indépendant messin. Lorsqu’une assistante sociale est salariée d’une même organisation, elle est collègue avec les autres et donc une certaine défiance peut s’installer. Alors qu’en tant que prestataire, elle est considérée comme plus neutre, dans la mesure où elle est extérieure à l’entreprise. »

Un point de vue que partage Éloïse Renaudot. Selon elle, ne pas avoir de lien hiérarchique permet une plus grande autonomie et une marge de manœuvre plus importante : « Nous sommes reconnus par les RH comme de véritables partenaires. Chaque année, nous produisons un rapport d’activité qui leur permet de réajuster leurs besoins. » Il s’agit surtout d’une question de moyens. En effet, toutes les entreprises ne peuvent pas se permettre de salarier une assistante sociale à plein-temps, contrairement à de grands groupes tels que BNP Paribas. Salariée de la banque, Aurore Blain vit parfaitement bien cette situation : « Bien que partageant le même employeur, nous n’avons pas de rapport de collègues avec les autres collaborateurs. Le fait d’être rattachée à la direction du groupe assure notre indépendance. Par ailleurs, les collaborateurs ont un accès direct au service social sur toute la France et nous possédons une connaissance fine du secteur bancaire ainsi que des dispositifs mis en place par le groupe. Ce qui ne serait pas le cas avec un prestataire. »

Auteur

  • Marina Al Rubaee