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À chaque entreprise son accord

Dossier | publié le : 07.06.2018 | Valérie Auribault

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À chaque entreprise son accord

Crédit photo Valérie Auribault

Management de proximité, télétravail, amélioration des postes de travail et diminution de la pénibilité. Quel que soit le contenu d’un accord sur la qualité de vie au travail, l’écoute et la concertation sont de mise.

Chez Caib, une entreprise de menuiserie et d’aluminium implantée à Cholet, la QVT est une vieille affaire. « Dans les années 1990, nous rencontrions de grandes difficultés à recruter, se souvient Jean-Louis Bossard, délégué CFDT. Nous avons proposé d’embaucher des femmes en atelier. Mais pour les attirer, il fallait améliorer les postes de travail et diminuer la pénibilité. » Les délégués syndicaux mettent alors en place des « rencontres de progrès », laissant la parole aux salariés afin de connaître leurs difficultés quotidiennes et les points à améliorer. Un travail de concertation mené aux côtés de la direction, du CHSCT et de l’Agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail des Pays de la Loire. « La direction nous a permis de passer du temps sur ces questions afin d’établir un rapport et d’aller jusqu’à un accord final. Nous avons vraiment écrit l’accord sur la qualité de vie au travail en concertation avec notre direction », insiste le délégué syndical. Suite à cela, des outils d’aide à la manutention ont été mis en place et des plans de déroulement de carrière ont été instaurés. « Ces accords ont bénéficié à tous. Les femmes comme les hommes », souligne Jean-Louis Bossard.

Management de proximité

Aujourd’hui, 29 % des 442 salariés sont des femmes. En 2016, sur les 36 recrutements effectués (apprentis, CDD ou CDI), 31 % ont concerné des femmes. Chaque mois, les représentants du comité d’entreprise et le chef de production se réunissent afin de régler les problèmes de terrain. « Une implication qui permet d’améliorer les conditions de travail, de donner envie aux salariés de venir chaque matin et de dégager des résultats », constate Jean-Louis Bossard.

À l’instar de Caib, les entreprises qui ont fait le choix d’une réelle démarche de qualité de vie au travail ont constaté un véritable changement. En janvier 2013, le groupe La Poste a signé un accord avec tous les syndicats mettant en avant la dimension humaine, la pénibilité et le management de proximité. Le groupe a favorisé le télétravail sur la base du volontariat, de nouvelles organisations de travail cinq jours sur sept pour permettre au personnel de bénéficier de deux jours de repos par semaine ainsi qu’une nouvelle organisation permettant d’appréhender au mieux les remplacements. Ceci dans le but de permettre aux postiers de bénéficier de leurs congés dans les meilleures conditions. Des mesures qui ont pu faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie privée. Dans un même temps, le groupe a développé l’encadrement et la fonction RH de proximité. Les nouveaux encadrants intégrant l’entreprise sont, depuis, systématiquement accompagnés durant six mois d’un manager référent expérimenté. Des responsables RH de proximité sont identifiés dans la totalité de l’entreprise afin d’apporter aux managers et aux postiers des réponses précises et rapides en termes de gestion individuelle ou de conseils concernant l’évolution des carrières.

Vie privée et vie professionnelle

L’écoute au sein d’une entreprise reste primordiale. Présente sur 40 sites du territoire français et partout dans le monde, la société d’assurances April a décidé de dématérialiser son assistance sociale. « Les sollicitations des salariés ont été multipliées par trois, souligne Fabienne Ernoult, déléguée générale à la RSE & Fondation April. Il est parfois difficile d’aller, devant ses collègues, dans le bureau de l’assistante sociale. Par téléphone, la démarche est plus confidentielle. » Divorce, maladie, addiction… autant de soucis qui ont un coût et des retombées pour l’entreprise. Cette dernière a mis en place la carte April for me, avec un numéro unique vers l’assistance sociale que les salariés peuvent contacter selon leurs besoins. « April for me évite la stigmatisation et décharge le manager. Ce dernier a malgré tout un devoir d’alerte. Il doit rappeler au salarié l’existence de la carte », poursuit Fabienne Ernoult. April a également signé un accord Well at work portant sur l’organisation du travail : télétravail, environnement du travail, déconnexion numérique et développement personnel.

Écoute et concertation

Le secteur public n’est pas en reste. Voilà trois ans, la CPAM de Meurthe-et-Moselle a mis en place un protocole concernant le bien-être au travail. Le télétravail a été développé, des séances de stretching avec un kinésithérapeute ainsi que des séances de sophrologie ont été organisées. « Malgré ces initiatives, la qualité de vie au travail était mal notée par nos salariés, se souvient Véronique Toulouse, directrice de la CPAM de Meurthe-et-Moselle. Il y a un an, nous avons donc organisé une réunion avec nos employés pour savoir quelles étaient leurs attentes. » Un groupe pionnier de 20 personnes s’est porté volontaire. Ces derniers ont proposé à la direction de généraliser l’application sur le Net de Our Company afin de mesurer chaque jour le bien-être des salariés qui le souhaitaient, de façon anonyme. Les utilisateurs du site sont passés de 20 à 140 en l’espace de trois mois. À partir de là, des propositions ont été avancées sur la restauration ou encore la garde d’enfants. Le management collaboratif a aussi été mis en place avec un plan de formation à la clé.

Le management bienveillant, c’est ce que Patrick Négaret, directeur de la CPAM de Versailles, a instauré. « Nous nous appuyons sur ces leviers : services, confiance, fierté d’appartenance et autonomie. Trop de contrôle tue l’initiative, estime celui-ci. Les managers doivent admettre l’erreur afin que les salariés donnent le meilleur d’eux-mêmes ». Tout en respectant les normes du service public, Patrick Négaret a limité le temps passé en réunion et misé sur l’engagement. Désormais, chacun peut proposer une idée en lien avec l’organisation du travail sur la plateforme participative. Les horaires variables ont aussi changé la donne. Plus d’autonomie et d’articulation avec la vie privée ont donné d’excellents résultats au sein de la CPAM versaillaise : 30 % d’absentéisme en moins et le turnover a été divisé par deux.

D’autres entreprises ont dû traiter en urgence la thématique de la qualité de vie au travail. En 2010, après la vague de suicides qui a frappé France Télécom, Orange a lancé un nouveau contrat social visant à améliorer la qualité de vie de ses salariés. Outre le télétravail, le management en « mode agile » a été mis en place. Tous les deux jours, les salariés se réunissent avec leur manager pour identifier les points bloquants et trouver des solutions ensemble. Malgré cette nouvelle politique, dix cas de suicide ont été enregistrés en 2014 parmi les employés de l’entreprise. Preuve qu’un changement d’organisation prend du temps avant de porter ses fruits.

Le bien-être au travail prend l’accent européen

L’accord européen signé le 8 octobre 2004 par les partenaires sociaux concerne les risques liés au stress et les mesures susceptibles d’être mises en œuvre afin de prévenir ces risques. L’objectif est d’augmenter « la prise de conscience et la compréhension du stress au travail, par les employeurs, les salariés et leurs représentants » et « d’attirer leur attention sur les signes susceptibles d’indiquer des problèmes de stress au travail ». L’accord doit « fournir aux employeurs et aux travailleurs un cadre qui permet de détecter et de prévenir ou de gérer les problèmes de stress au travail » sans « culpabiliser l’individu ». « Dès qu’un problème de stress au travail est identifié, une action doit être entreprise pour le prévenir, l’éliminer ou à défaut le réduire ». Sans limiter les indicateurs révélant un état de stress au sein d’une entreprise, car ils sont multiples, l’accord européen précise malgré tout qu’un « un niveau élevé d’absentéisme ou de rotation du personnel, des conflits personnels ou des plaintes fréquents de la part des travailleurs sont quelques-uns des signes pouvant révéler la présence de stress au travail ». L’accord invite à l’identification d’un problème de stress par une analyse de facteurs tels que l’organisation et les processus de travail, les conditions de travail et l’environnement, la communication et les facteurs subjectifs (pressions émotionnelles et sociales, impression de ne pouvoir faire face à la situation, perception d’un manque de soutien).

V.A.

Auteur

  • Valérie Auribault