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Idées

Quand les libéraux prennent la défense des salariés

Idées | Livres | publié le : 07.06.2018 | Lou-Eve Popper

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Quand les libéraux prennent la défense des salariés

Crédit photo Lou-Eve Popper

Petit bijou d’intelligence et de précision, le livre de Patrick Artus et Marie-Paule Virard pointe les dérives du capitalisme sans jamais tomber dans la caricature.

Ce ne sont pas des marxistes-léninistes, le couteau entre les dents et la bave aux lèvres, prêts à en découdre avec quiconque défendrait le capitalisme. Patrick Artus et Marie-Paule Virard, respectivement directeur de la recherche et des études chez Natixis et ancienne rédactrice en chef des Enjeux-Les Échos, font plutôt partie des réformistes macroniens. Pourtant, leur livre risque de leur attirer la sympathie – toutes proportions gardées – de l’extrême gauche française. Au fil des pages, les auteurs font en effet un portrait à la fois déprimant et révoltant de la situation des salariés aujourd’hui.

Avec ce premier constat : on demande aux salariés de porter une part croissante des risques économiques à la place des actionnaires mais sans jamais les récompenser lorsque la situation de leur entreprise est au beau fixe. Autrement dit, « depuis quelques décennies, ce ne sont plus les dividendes qui s’ajustent en fonction de la conjoncture, ce sont les salaires et les emplois », assènent les auteurs.

Précarisation

Une situation d’autant plus préoccupante que les dernières réformes du travail ont fragilisé la capacité de négociation des syndicats et permis de licencier plus facilement. Des réformes légitimes, précisent néanmoins les auteurs, car « dans un monde de plus en plus concurrentiel, les entreprises ont besoin de réagir le plus rapidement possible aux chocs cycliques défavorables auxquelles elles sont confrontées ». Cette flexibilisation du travail doit cependant s’accompagner d’une sécurité plus grande pour les salariés qui perdent leur emploi. Problème, ce volet-là, promis pourtant par Emmanuel Macron, tarde à venir, regrettent-ils.

À cette nouvelle précarisation s’ajoute l’arrivée des nouvelles technologies qui vont, sans aucun doute, supprimer des emplois sans pour autant en créer de nouveaux plus qualifiés. Pour la première fois donc depuis deux siècles et demi, la théorie de destruction créatrice de Schumpeter ne se vérifierait pas. Les emplois répétitifs détruits dans l’industrie ne vont pas aboutir à une montée en compétences générale des métiers mais plutôt à un déplacement massif vers des postes peu qualifiés dans les services. Pour le dire vite, à l’avenir, un ex-cadre de General Motors aura moins de chance de devenir data analyst que de partir servir les cafés chez Starbucks… Pas très réjouissant donc.

Pour sortir de cette mauvaise passe, les deux auteurs proposent plusieurs solutions. Tout d’abord redonner du pouvoir aux salariés dans l’entreprise via la participation. Faire payer les entreprises qui licencient. Légiférer pour que la finalité de l’entreprise ne soit plus seulement le profit. Et surtout reprendre le contrôle du capital de nos entreprises européennes en s’assurant que les actionnaires soient des épargnants locaux et non plus des investisseurs américains ou asiatiques. Sans cela, la révolte des salariés prendra vite une tournure inquiétante. Le Brexit en donne déjà une petite idée…

Et si les salariés se révoltaient ?

Patrick Artus et Marie-Paule Virard, Fayard, 176 pages, 15 euros

Auteur

  • Lou-Eve Popper