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Entreprises fictives au service de vrais chômeurs

Liaisons Sociales Magazine | Formation Continue | publié le : 03.07.2017 | Laura Daniel

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Véritable jeu de rôle grandeur nature, les EEP (entreprises d’entraînement pédagogique) existent depuis les années 1980. Reproduisant les activités du secteur tertiaire, elles misent tout sur la pratique. Mais pour quelle efficacité ? Enquête.

« Pourquoi ce bon de commande est-il encore là ? Il devrait déjà être chez le fournisseur ! » En bonne cheffe d’entreprise, Muriel Banuelos dirige son animalerie d’une main ferme. Hors de question que les factures ne soient pas précisément consignées ou que les clients ne soient pas rappelés en temps et en heure.

Pourtant, autour d’elle, pas la moindre trace de chien, chat ou autre bête avec ou sans poils. Car le Royaume des animaux est en réalité une EEP, une entreprises d’entraînement pédagogique. Hébergée au sein du Greta de Saint-Denis, elle reproduit l’activité d’une entreprise de vente d’animaux.

« Ce sont des simulations. Le travail est réel, seule la production reste virtuelle. Nous n’allons évidemment pas faire la toilette à des chiens. En revanche, on va traiter le bon de commande des clients, facturer, organiser la livraison… », explique Muriel Banuelos, tour à tour directrice de l’animalerie et responsable de formation à l’EEP.

Un environnement professionnel

Au premier abord, on a bien du mal à percevoir une animalerie dans cette petite salle. Et ce n’est pas les quelques photos d’animaux accrochées aux murs qui suffisent à y remédier. Mais, après quelque temps passé avec le personnel, le réel et le fictif deviennent plus flous.

Chèques, factures, bons de commande : seule la mention « fac-similé » permet de distinguer le matériel utilisé des documents officiels. Et tout est fait pour se rapprocher d’un environnement professionnel.

Après avoir passé l’accueil, tenu par une secrétaire stagiaire, on entre dans un véritable open space. Chacune des 24 participantes venues se former aux métiers du tertiaire dispose de son propre bureau, ordinateur et téléphone. Au centre de la pièce, une grande table de réunion sert à distribuer le courrier et discuter des projets en cours.

Un jeu de rôle

Reliées en réseau, les EEP s’alimentent mutuellement dans un jeu de rôle grandeur nature, permettant d’avoir de vrais interlocuteurs au bout du fil. Chacune reçoit les catalogues et propose ses services aux autres membres du groupement.

Magasin bio, création de site Web, agence de voyage, jardinerie, spa, un large panel d’activités est représenté. Un concept qui peut parfois être difficile à appréhender pour les nouveaux arrivants.« Au début, c’était un peu bizarre, c’est sûr ! », s’exclame Marie Decolline, une Haïtienne souriante de 40 ans en reconversion professionnelle après une carrière d’agent de sécurité.

À ses côtés, Mariem Benarab, la cadette du groupe âgée de 20 ans, acquiesce. « J’ai eu du mal à comprendre le concept, je trouvais ça assez compliqué. Il m’a fallu du temps pour trouver mes repères. »

L’auto-école de l’entreprise

Il y a deux ans, elle s’est retrouvée sans rien lorsqu’un patron, qui devait l’embaucher en alternance, s’est ravisé. « J’ai pensé que, sans diplôme, je ne pourrais jamais être recrutée. Du coup, je suis restée chez moi sans rien chercher », raconte-t-elle.

Pour cette jeune femme arrivée en juin à l’EEP, cette formation est d’abord un moyen de retrouver confiance en elle. Un profil récurrent chez les participants aux parcours pourtant bien distincts, allant du primo-demandeur d’emploi aux personnes en reconversion professionnelle ou en situation de handicap.

« Il y a presque toujours un échec lié à la scolarité. Ils arrivent avec un historique qui n’est pas évident, alors on évite de les remettre directement à l’école », souligne Christian Houis, l’un des formateurs.

Auteur

  • Laura Daniel