logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

"Il est impossible d'en rester à un tel statu quo quand on constate que la machine est grippée à ce point"

Liaisons Sociales Magazine | Dialogue Social | publié le : 10.12.2014 | Emmanuelle Souffi

Image

Le conseils des ministres examine ce 10 décembre la réforme des prud'hommes. Ancien président de la chambre sociale de la cour de cassation, Alain Lacabarats estime qu'il est urgent d'agir.

La réforme des conseils de prud'homme (CPH) est enfin en marche...
C'est un serpent de mer ! Ca fait soixante ans qu'on parle de réforme sans la faire. Les premières propositions datent de 1953. Mais le sujet est extrêmement sensible car les conseillers prud'hommes sont très attachés au paritarisme. Cette juridiction doit évoluer en tenant compte de ce paramètre. Il est impossible d'en rester à un tel statu quo quand on constate que la machine est grippée à ce point ! Les délais d'attente dépassent quinze mois en moyenne. Or, nous sommes dans un domaine qui touche aux droits de personnes qui ont le plus besoin d'avoir des décisions rapides ! Pour une justice qui intéresse autant l'entreprise et le quotidien du citoyen, on ne peut pas en rester là. D'autant qu'on peut parfaitement mieux assurer son fonctionnement en établissant des règles qui n'ont pas d'implication financière particulière.

Qu'est-ce qu'il faut changer ?
Sur les délais excessifs qui ont conduit les CPH à être sanctionnés à plusieurs reprises, il faut mettre en place des calendriers de procédure. Ce qui permettrait de faire tenir les affaires à l'audience. Les renvois sont trop nombreux. Quand on sait qu'on a beaucoup de temps avant de plaider un dossier, on ne s'en occupe pas. On communique les pièces à la dernière minute. L'oralité, telle qu'elle a été conçue, n'existe plus. La plupart des demandeurs sont représentés. Il faut aussi concentrer les compétences. La même affaire peut être suivie par plusieurs juridictions, ce qui multiplie les décisions dans tous les sens. Sur la rémunération des temps de pause, une question identique peut être soumise à 50 ou 100 CPH ! Les séries, c'est catastrophique car elles concourent à créer un contentieux artificiel et à engorger les tribunaux. Soit on détermine une juridiction unique compétente, soit on instaure un système d'actions collectives. Je suis également favorable à la création d'une saisine de la cour de cassation pour avis en cas de difficultés d'interprétation d'un accord.

Dans le rapport que vous avez rendu cet été à Christine Taubira, vous plaidez pour une formation obligatoire des conseillers. La ministre vous a entendu...
Elle est obligatoire chez les juges professionnels. Pourquoi les non-professionnels en seraient-ils dispensés ? Seuls 30 % des conseillers en suivent une tous les ans ! Ils participent de l'ordre judiciaire. C'est donc à l'autorité publique d'assurer leur formation. Depuis dix ans, l'école nationale de la magistrature (ENM) assure la formation aux règles de procédure des tribunaux de commerce. Il ne s'agit pas de stigmatiser les conseillers mais le problème des compétences se pose pour tout le monde ! C'est pour cela que j'ai proposé une formation commune et obligatoire dispensée par l'Ecole nationale des greffes et l'ENM tant sur le fonctionnement judiciaire que sur la déontologie. La rédaction du jugement, c'est le meilleur moyen d'assurer l'impartialité du juge. Le droit du travail est d'une extraordinaire complexité. Nous avons tous besoin d'outils d'aide à la décision. Les conseillers doivent également avoir accès à l'intranet du ministère de la justice qui rassemble toute la jurisprudence.

Auteur

  • Emmanuelle Souffi