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Les réformes du gouvernement déçoivent les DRH

Entreprise & Carrières | Relations Sociales | publié le : 30.10.2014 | Emmanuel Franck

Hausse du forfait social, contrat de génération, loi de sécurisation de l’emploi, suppression de l’obligation de financer le plan de formation, compte pénibilité, pacte de responsabilité : depuis deux ans, le gouvernement a pris des décisions intéressant directement les DRH. Qu’en pensent-ils ? Moins de bien que ce qu’espéraient sans doute les initiateurs de ces mesures.

HAUSSE DU FORFAIT SOCIAL : ÇA PASSE
Une des premières décisions du gouvernement en août 2012 a été de relever le forfait social appliqué à la participation et à l’intéressement de 8 % à 20 %, afin de renflouer les caisses de la Sécurité sociale. Cette hausse allait-elle contraindre les entreprises à revoir leurs accords à la baisse, comme le craignaient ses détracteurs ? Ou les entreprises allaient-elles l’absorber ? Réponse : elles vont maintenir leur effort : 37 % des DRH interrogés dans le cadre de notre baromètre prévoient de conserver leurs accords actuels, tandis que 19 % déclarent qu’ils vont diminuer le montant des abondements, de l’intéressement ou de la participation dérogatoire. En 2013, ils étaient presque aussi nombreux à envisager de réduire l’effort de l’entreprise (26 %) qu’à prévoir de le maintenir (24 %).
 
« Les entreprises se sont aperçues que l’épargne salariale restait, malgré la hausse du forfait social, plus compétitive que les augmentations de salaires », explique Luc Vidal, directeur général d’Inergie. « Pour une direction, il est risqué de réduire les rémunérations ou les avantages sociaux lorsque les prélèvements augmentent, analyse Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH et DRH de Solvay. Car les salariés pourraient demander une redistribution en leur faveur lorsque les prélèvements baissent : il ne faudrait pas que cela arrive avec le pacte de responsabilité. » Reste que 41 % de DRH ne savent pas encore comment réagir face à cette hausse. Sans doute attendent-ils que leurs accords d’épargne salariale expirent.
 
LE CONTRAT DE GÉNÉRATION N’INTÉRESSE PAS
Le contrat de génération, créé en mars 2013, avait pour objectifs d’inciter les entreprises à embaucher des jeunes, de maintenir les seniors dans l’emploi et de favoriser la transmission des savoirs des seconds vers les premiers. Pour ce faire, les entreprises employant moins de 300 salariés bénéficient d’une aide financière de l’État. Les autres doivent être couvertes par un accord collectif comprenant des engagements chiffrés d’embauche et de maintien dans l’emploi. La plupart (63 %) des entreprises interrogées dans le cadre de notre baromètre relèvent de la seconde situation.
 
Seuls 20 % des DRH déclarent que le contrat de génération les incite à garder des seniors. La perception est à peine meilleure (22 %) dans les entreprises de moins de 300 salariés, pourtant éligibles aux aides de l’État. Ils sont un peu plus nombreux (34 %) à estimer que l’objectif de transmission des savoir-faire est atteint. Seuls 21 % considéraient en 2013 que le contrat de génération favorisait l’embauche de jeunes. Du point de vue des DRH, la loi a manqué ses trois objectifs. Pire, elle a contribué à sortir les seniors de leur agenda (lire l’encadré p. 27).
 
« C’est une loi qui part d’un bon principe, commente Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH. Son principal apport est de lier les jeunes et les seniors et cela a été bien perçu. L’idée est qu’un senior, au crépuscule de sa vie professionnelle va transmettre son savoir à un apprenti. Mais c’est un peu une image d’Épinal qui ne correspond pas toujours à la réalité d’aujourd’hui. Maintenant, c’est l’entreprise entière, ce sont les équipes qui transmettent leur savoir aux arrivants. »
Hubert Landier, expert en relations sociales et vice-président de l’Institut international d’audit social (IAS), remarque que « le contrat de génération suppose de pouvoir mettre un senior en face d’un jeune, ce que ne peuvent pas faire certaines entreprises ». Pour lui, le contrat de génération est un « schéma théorique ». Le gouvernement espère que 500 000 seront signés d’ici à 2017 dans les entreprises de moins de 300 salariés. Pôle emploi en comptait 23 000 fin mars 2014.
 
AVIS PARTAGÉS SUR LES INCIDENCES DE LA FIN DU 0,9 % FORMATION
Afin d’« optimiser le financement de la formation professionnelle au profit des publics fragiles et de la compétitivité des entreprises », la loi sur la formation professionnelle de mars 2014 supprime l’obligation légale de dédier 0,9 % de la masse salariale au plan de formation. Cette réforme n’est pas anodine pour des DRH pour lesquels la formation est l’un des principaux leviers d’action : l’obligation légale leur garantissait ce budget. Dès lors, la fin de la 24-83 va-t-elle avoir une incidence sur leur capacité à maintenir la politique de formation de leur entreprise ?
Le Medef et la CGT se rejoignent pour dire que l’effort de formation des entreprises va globalement baisser (lire Entreprise & Carrièresn° 1195 du 3 juin 2014). Le Medef estime cependant que cette baisse ne devrait durer que deux ou trois ans, puisque les entreprises investiront de nouveau dans la formation. Les DRH interrogés dans le cadre de notre baromètre sont moins affirmatifs que les deux confédérations. Ils sont même très partagés.
 
Un peu moins de un sur trois (28 %) pense que la fin de l’obligation légale aura sans doute une incidence (à la baisse) sur leur politique de formation; 35 % en sont même certains dans les PME de moins de 500 salariés. A contrario, 30 % ne prévoient aucune incidence, et 42 % pensent que cela n’aura « pas vraiment » de conséquences.
 
« La bonne nouvelle est que 72 % des DRH pensent que le fin du 0,9 % n’aura pas vraiment d’impact sur leur politique de formation, analyse Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH et DRH de Solvay. Mais je crains que bien des PME ne parviennent pas à maintenir leur effort dans ce domaine. »
 
LA LOI DE SÉCURISATION DE L’EMPLOI NE SÉDUIT PAS
Votée en juin 2013, la loi de sécurisation de l’emploi introduit plusieurs innovations susceptibles de répondre aux besoins de flexibilité des entreprises. La mise en place des PSE est simplifiée et les délais cadrés ; une baisse temporaire des salaires peut être imposée par accord collectif de maintien de l’emploi ; la mobilité interne peut aussi être imposée par accord. En contre-partie, le législateur prévoit notamment de généraliser les complémentaires santé et crée une portabilité des garanties santé et prévoyance pour les anciens salariés.
 
Interrogés un an après l’adoption de la loi, les DRH sont minoritaires (28 %) à penser...

Auteur

  • Emmanuel Franck