Quelque 116 000 salariés ou retraités d’Orange détiennent un peu plus de 5 % du capital du groupe. C’est bien, mais en deçà des 10 % d’actionnariat salarié dans les entreprises à horizon 2030 que prône la loi Pacte.
Pas moins de deux milliards d’euros : c’est ce que représentent les 5,3 % d’actions d’Orange que détiennent les salariés et retraités du groupe. Ensemble, ils sont 116 000 et forment l’une des plus anciennes associations d’actionnaires en France, puisqu’elle a plus de 20 ans. Un système bien rodé, donc, et qui pourrait – peut-être – servir d’exemple à d’autres entreprises françaises, si elles veulent faire en sorte que l’actionnariat salarié atteigne 10 % de leur capital à horizon 2030, comme le prône la loi Pacte.
Indépendante de toute organisation politique ou syndicale, l’Association d’actionnariat salarié du groupe Orange (AASGO) s’est récemment félicitée des décisions de l’Assemblée générale des actionnaires du 4 mai dernier (au-delà des 5,3 % du capital détenu par les salariés, l’État détient 23 % d’Orange, faisant de lui le principal actionnaire du groupe avec ces derniers). L’association s’est montrée satisfaite non seulement du renouvellement, qu’elle avait soutenu, du mandat de Stéphane Richard, Pdg du groupe, mais aussi du partage « de la valeur ajoutée, qui récompense les efforts des salariés : 40 % vont à la masse salariale (l’augmentation des salaires en 2018 sera de 2,5 % ; ce qui représente 125 millions d’euros) ; 30 % à l’investissement ; 23 % aux impôts en France et dans les pays où le groupe opère et 7 % à la rémunération des actionnaires, via les dividendes », selon Marc Maouche, président de l’AASGO, cité dans le communiqué de presse de l’association, publié à l’issue de l’Assemblée générale du 4 mai. En outre, un adhérent de longue date de l’AASGO, Luc Marino intègre le Conseil d’administration d’Orange, précise l’association.
De là à dire que les actionnaires salariés pèsent ou pèseront véritablement sur la façon dont Orange mène sa stratégie d’entreprise, il y a un pas… Dans un entretien au quotidien La Croix, paru le 30 avril dernier, Sébastien Crozier, président du syndicat CFE-CGC du groupe Orange, avouait bien volontiers que l’actionnariat salarié d’Orange était « encore en phase de développement » et qu’il n’avait « pas atteint la maturité qui lui permettrait de se prononcer sur l’opérationnel stratégique ». Charge aux actionnaires salariés de se forger une expertise dans ces domaines.
D’autant qu’il va leur en falloir, si, comme le souhaite la loi Pacte, l’actionnariat salarié est porté à 10 % à horizon 2030 dans les entreprises. À cet égard, Marc Maouche, de l’AASGO, indique, toujours dans le communiqué de presse de l’association, « regarder vers les 10 % du capital ». « Nous attendons de la part de Stéphane Richard et du conseil d’administration l’annonce de prochaines opérations de distribution/vente d’actions à des conditions avantageuses pour les salariés et anciens salariés. Il y a une véritable attente chez de nombreux salariés », précisait-il. Reste qu’aujourd’hui, selon l’analyse de Sébastien Crozier dans La Croix, l’idée de doubler le poids de l’actionnariat salarié chez Orange n’est pas si facile à mettre en œuvre. Pour l’instant en tout cas, il n’augmente que de 0,2 % à 0,3 % par an… Pour atteindre l’objectif qu’ambitionne la loi Pacte, il faudrait demander des efforts considérables aux salariés. « Il faudrait lever 160 millions d’euros par an, pendant dix ans », précise ainsi Sébastien Crozier. Pas évident que les salariés acceptent de « sacrifier », même pour un investissement rentable à l’avenir, une partie non négligeable de leur salaire, que ce syndicaliste calcule à 5 %…
« La France est le pays d’Europe qui compte le plus fort taux d’actionnariat salarié dans les entreprises. Pour ces dernières, c’est une source de performance économique, de cohésion sociale et de bonne gouvernance », déclarait Loïc Desmouceaux, président de la Fédération française des associations d’actionnaires salariés (FAS), en janvier dernier, lorsque la FAS a proposé 12 mesures visant à favoriser l’actionnariat salarié. Lesquelles vont de l’encouragement (y compris fiscal) de l’épargne salariale à un système favorable à la transmission d’entreprises non cotées aux salariés en passant par l’obligation, en cas d’augmentation de capital, d’offrir une tranche de 15 % aux salariés.