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Gestion RH : Le mécénat de compétences : une stratégie gagnant-gagnant

Le point sur | publié le : 24.09.2018 | Sophie Massieu

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Gestion RH : Le mécénat de compétences : une stratégie gagnant-gagnant

Crédit photo Sophie Massieu

Payer des collaborateurs pour qu’ils donnent une part de leur temps de travail à des associations d’intérêt général, c’est le principe du mécénat de compétences. Un atout pour développer la marque employeur ou la fidélité de ses collaborateurs.

La mise en place d’un logiciel de gestion des absences et des congés, la contribution à l’organisation des élections professionnels ou encore l’animation du réseau de bénévoles. Voilà quelques-unes des missions de Dominique Barbier, 61 ans, chez Emmaüs Défi. Signe particulier : il est en mécénat de compétences. Après 28 ans passés à la Société générale, où il a occupé de très nombreux postes, principalement dans les ressources humaines, il a choisi, depuis début 2017 et jusqu’à sa retraite en juillet 2019, de terminer sa carrière dans une association d’intérêt général soutenue par la banque. Payé à 70 % de son salaire, il travaille à mi-temps au sein d’Emmaüs Défi. Un temps partiel offert aux seniors par la Société générale depuis son accord sur la gestion de l’emploi de 2016.

Des parrainages individuels sur plusieurs mois de jeunes en insertion professionnelle, à des journées d’intervention en groupe pour réaliser une mission ponctuelle en passant par des journées interentreprises ou les mi-temps seniors sur plusieurs années, le partage des savoirs prend aujourd’hui de nombreuses formes.

Des réponses aux enjeux RH émergents

Par philanthropie ? Oui, en premier lieu, selon l’Admical, association qui forme et conseille les entreprises désireuses de se lancer dans une activité de mécène, financier ou de compétences. Mais pas seulement comme elle le reconnaît elle-même.

Jean-Michel Pasquier, fondateur de Koeo, plateforme qui met en lien associations bénéficiaires et entreprises mécènes, résume : « Le mécénat de compétences apporte des réponses aux enjeux RH émergents : la gestion de carrières des seniors, la marque employeur, les mobilités ponctuelles, la qualité de vie au travail… » Et à ses yeux, cet outil a donc le vent en poupe : Koeo revendique 2 500 associations partenaires, 80 entreprises accompagnées et, en 2017, 10 000 heures de mécénat réalisées (sur les 30 000 accomplies, au total, depuis sa création en 2009). « Le mécénat de compétences progresse, en même temps que la responsabilité sociétale des entreprises. » Et ce dans tous les secteurs. Les industries rejoignent les entreprises de services, pionnières.

La plus ancienne des problématiques RH gérée grâce au mécénat de compétences est la gestion des fins de carrière des seniors. Orange a compté parmi les précurseurs et mis en place des temps partiels seniors dès 2010. 2 500 salariés en ont bénéficié et aujourd’hui 720 interviennent encore dans diverses associations. Ces temps partiels vont d’un à trois ans : « 11 % des collaborateurs qui sont en temps partiel senior ont choisi ce dispositif, qui nous a permis d’ajouter un volet à ce que nous faisions déjà pour accompagner les salariés, seniors en particulier », se félicite Isabelle Deseille, directrice expertise RH du groupe Orange.

Nouvelles compétences et marque employeur

Autre atout du mécénat de compétences aux yeux des salariés autant que des entreprises : l’acquisition de nouvelles compétences. En partageant ce qu’il sait, un collaborateur apprend, lui aussi, quelque chose. Il développe sa « créativité, son empathie, sa capacité à résoudre des problèmes », explique Sylvain Reymond, directeur général de Pro Bono Lab, plateforme de mise en relation créée en 2011. Le mécénat de compétences est pour lui un « levier de développement des carrières et de la performance économique de l’entreprise ».

Un point de vue que ne démentent pas les associations bénéficiaires, à l’image de Rémi Tricart, directeur général d’Emmaüs Défi : « Nous sommes convaincus qu’il y a quelque chose à gagner certes pour l’association, mais aussi pour l’entreprise et pour les mécènes. » Pour preuve, certaines entreprises utilisent le mécénat de compétences comme outil de formation. À l’instar de Carrefour, dont les futurs directeurs d’entrepôt consacrent trois semaines de leurs deux ans de cursus à Emmaüs Défi. Pas étonnant, dès lors, que le mécénat sert aussi à attirer les talents et à renforcer l’attachement des collaborateurs à une entreprise qui leur permet « de se sentir généreux », souligne Cécile Jouenne-Lanne, directrice de la citoyenneté de la Société générale.

Une question de pérennité

Nombreuses sont les entreprises à affirmer que les questions sur leurs valeurs et leurs actions philanthropes font l’objet de questions des futures recrues. Par conséquent, si l’entreprise dégage du temps rémunéré pour s’engager au profit d’une cause, sa marque employeur s’en trouve valorisée. Et elle gagne à tous les coups : « Cent pour cent de ceux qui ont choisi de participer aux actions de mécénat en sont très contents », observe Cécile Jouenne-Lanne, de la Société générale. Il peut toutefois y avoir des chocs des cultures. Pour les éviter, la phase d’entretiens préalable, voire d’immersion comme chez Emmaüs Défi, s’avèrent capitale. Léa Achaud, directrice territoriale APF France Handicap du Loiret et de l’Eure-et-Loir, le confirme : « Ne plus avoir les mêmes cadres que dans leur entreprise peut les déboussoler. Chez nous par exemple, tout doit se construire avec les adhérents, donc cela peut prendre du temps. » Alors, lorsqu’elle a recruté, en novembre dernier, Patricia Gauclin, collaboratrice d’Orange durant 38 ans au sein de la direction des systèmes d’information, elle s’est assurée en amont de ses motivations et de sa volonté de s’inscrire dans la démarche associative. Et lui a fait une fiche de poste sur-mesure pour lui permettre d’enrichir ses compétences humaines. Et c’est ainsi qu’outre ses missions d’accueil et d’accompagnement, elle a pu développer des activités qui lui sont chères : un atelier d’écriture et un de yoga. « Au début, j’ai eu du mal à trouver mes marques », confie-t-elle, aujourd’hui tout à fait intégrée.

Très divers, les besoins des associations sont aussi pléthoriques. Plus que ne le sont les offres des entreprises, selon le Pro Bono Lab, qui assure donc que le mécénat de compétences a de beaux jours devant lui. D’autant que Sylvain Reymond pointe une prise de conscience des sociétés : « Elles savent que leur prospérité dépend de celle de leur écosystème. S’engager, c’est pour elles prendre en charge les fragilités de leur environnement et ce faisant, elles assurent leur propre pérennité. »

Auteur

  • Sophie Massieu