« L’enjeu, c’était de ne pas donner le sentiment que l’on créait une école pour les nuls ! » Lorsqu’une entreprise choisit de proposer un cycle de formations aux savoirs de base (maîtrise de la lecture, de l’écriture, du b.a.-ba de l’informatique ou des mathématiques…) à ses salariés, l’affaire est toujours un peu délicate. Alexandre Godard, directeur général adjoint d’Alpa, une PME industrielle spécialisée dans la production de barres d’acier pour le génie civil, en sait quelque chose, lui qui vient, le 2 mai dernier, de remettre une première fournée de certifications CléA à 21 salariés de cette entreprise de 280 collaborateurs située à Porcheville, dans les Yvelines. C’est d’ailleurs lui qui, après s’être rendu compte des lacunes de certains salariés sur les savoirs fondamentaux, a tiré la sonnette d’alarme. « Nos opérateurs de terrain disposent d’un savoir-être, mais certains rencontrent des difficultés, notamment avec la maîtrise de l’outil informatique, mais aussi dans l’utilisation des normes d’orthographe. Sans ces compétences utilisées au quotidien, ils ne peuvent pas évoluer dans l’entreprise et ça peut vite devenir bloquant pour l’activité de production », explique-t-il. Sans compter que les salariés peuvent aussi en souffrir. « Certains collaborateurs âgés sont victimes de la fracture numérique générationnelle : il leur est parfois difficile d’accéder à des documents diffusés via l’Intranet, comme leurs fiches de paie par exemple. » C’est le groupe IGS, partenaire de longue date d’Alpa, qui a proposé à l’entreprise industrielle un premier projet de formation construit autour de CléA, le certificat à l’acquisition des compétences de base développé en 2014 par les partenaires sociaux du Comité paritaire national de l’emploi et de la formation (Copanef). D’abord outil exclusivement paritaire, CléA a ensuite essaimé sur le marché privé auprès des prestataires ayant satisfait à un appel d’offres lancé par le Comité paritaire. L’IGS fait partie de ces premiers organismes privés à avoir saisi l’opportunité d’inscrire le certificat dans son catalogue d’offre de formations. Dans un premier temps en partenariat avec Orange, puis seul. « Pour nous aussi, c’était une nouveauté. CléA ne fait partie de notre gamme de prestations que depuis un peu moins de dix-huit mois ! », témoigne Jean-Philippe Leroy, DGA en charge de l’alternance et de l’apprentissage au sein de ce groupe plus connu pour ses établissements d’enseignement supérieur que pour ses formations en entreprise.

Environ 80 salariés présentant des difficultés à maîtriser les savoirs de base ont été identifiés par Alpa. Une première salve de recrutements a été lancée en coopération avec les instances représentatives du personnel. « Nous avons la chance que chez nous, partenaires sociaux et direction partagent la même appétence pour la formation. Pour communiquer auprès des salariés, nous avons beaucoup insisté sur l’acquisition finale du diplôme. Pour certains, c’est le premier qu’ils auraient l’occasion de décrocher », souligne Alexandre Godard. La première promotion de 29 stagiaires, répartie en deux « classes » (baptisées « Pythagor » et « Ornicar »), a débuté les cours en septembre 2017. Pas toujours dans des conditions faciles pour cette entreprise qui fonctionne en trois-huit, week-ends compris, et au sein de laquelle il a fallu veiller à ne pas dépeupler les équipes au risque de nuire à la production. À quoi s’est ajoutée la problématique de fournir aux apprenants un accès à Internet pour suivre la partie de la formation exclusivement accessible en e-learning. Un écueil surmonté grâce à la fourniture de tablettes numériques par Orange, équipées de la plateforme Solerni, l’outil de formation digitale de l’opérateur télécoms, mais aussi grâce à la présence constante du formateur. « On ne travaille pas en silo, explique Sophie Richard, responsable du projet CléA à l’IGS. La présence du formateur est constante auprès des apprenants, que ce soit physiquement lors des séquences présentielles ou en ligne, voire au téléphone, durant les sessions e-learning. » En bout de course, 21 salariés ont été diplômés après avoir validé leur formation. Et les huit qui manquent à l’appel sont toujours engagés dans le cycle d’apprentissage. D’autres leur emboîteront le pas, y compris dans d’autres filiales du groupe Riva puisqu’une seconde session de formation vient de débuter chez Iton Seine, une entité sœur d’Alpa située à Bonnières-sur-Seine.

• Effectif : 280 collaborateurs.

• Budget formation annuel : environ 400 000 euros, dont la moitié dédiée aux formations autres qu’obligatoires.

• Coût de la formation CléA : 203 589,65 euros, pris en charge en partie par Opcaim, l’Opca de la métallurgie.