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Indemnisation : « Le chômage partiel, ça ne paye pas le loyer »

Le point sur | publié le : 04.02.2019 | Lucie Tanneau

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Indemnisation : « Le chômage partiel, ça ne paye pas le loyer »

Crédit photo Lucie Tanneau

Chez Passion beauté, la moitié de l’effectif est au chômage partiel. La gérante, Yolande Till, demande que l’État reconnaisse une « catastrophe commerciale » car le chômage partiel ne compensera pas la baisse de chiffre d’affaires et la perte économique du plus gros mois de l’année.

Le rond-point de la zone commerciale de Longeville-lès-Saint-Avold, en Moselle, est occupé par les gilets jaunes depuis le 17 novembre 2018. Le groupe d’une vingtaine de personnes en semaine atteint 200 ou 300 personnes chaque week-end. Il bloque le passage des clients et paralyse les commerces, où travaillent près de 600 personnes. Parmi eux, l’institut Passion beauté, situé sur la zone commerciale Heckenwald. « Notre chiffre d’affaires se fait sur la Saint-Valentin, la fête des mères et Noël… Mais depuis le 17 novembre, on est quasiment à l’arrêt : c’est 30 % de notre chiffre d’affaires de l’année que l’on n’a pas réalisé », indique Yolande Till, la gérante. Le premier samedi du mouvement, la patronne et ses huit salariés (dont deux à temps partiel) ont réalisé un chiffre de… 15 euros. « J’avais des objectifs de chiffre… c’était le premier jour du black friday », regrette-elle. Toute la semaine suivante est « catastrophique ». « Moins 99 % de chiffre d’affaires par rapport à l’année d’avant le samedi, – 99 % le lundi, – 71 % le mercredi… Trois jours sans chiffre d’affaires, ça met mon magasin en danger » alerte-elle. La dirigeante d’entreprise sollicite immédiatement son comptable, la mairie, le préfet et la Direccte. « Aussitôt, les autorités nous ont permis de recourir au chômage partiel », reconnait-elle. Son assistante de direction, qui avait déjà pris une partie de la semaine en congés payés, et une collaboratrice sont en chômage complet depuis, et trois autres salariés en chômage à mi-temps. « Et mon apprenti a démissionné : il venait en scooter et était bloqué, voire insulté, tous les jours, et il a peur de ne pas valider son diplôme si le magasin vient à fermer ! », alerte la patronne. « J’ai peur pour mes salariées : elles se garent à deux kilomètres et je vais les chercher sur le rond-point pour que les manifestants les laissent passer : ils me connaissent comme le loup blanc, car j’ai essayé de leur dire que je comprenais leurs revendications mais que je ne pouvais rien y faire et que, pendant ce temps, ils sont en train de nous tuer ! » Le mois de décembre n’a rien arrangé. « – 95 % le premier décembre, – 80 % le 15, et – 67 % le 23 alors que le samedi d’avant Noël est normalement le plus gros jour de l’année. » La gérante pense déjà à se séparer « d’une ou deux collaboratrices ». « Et encore, ça dépend si on arrive à retravailler : les clients changent vite leurs habitudes, et ça, quand on est commerçant, c’est terrible ! »

En demande de solution

Yolande Till a déjà demandé à répartir le paiement de la TVA et des charges. « Je pense que ça va être accepté, mais ça échelonne, ça n’annule pas, et sans chiffre d’affaires, je ne vois pas comment je vais les payer. » D’autant qu’elle a tenu à maintenir le salaire de ses employées, malgré le chômage partiel. « Je ne me voyais pas leur annoncer juste avant Noël qu’elles n’allaient avoir que 70 % de leur salaire, je connais leur conjoint, leurs enfants… c’est inhumain ! » En contact permanent avec les commerçants de la ville, mais aussi avec le vice-président du conseil départemental et la députée du secteur, Yolande Till demande une solution. Elle attend une réponse de la foncière pour le loyer (près de 20 % du chiffre d’affaires), et exige que l’État s’engage. « Je demande la situation de calamité commerciale comme cela existe pour les agriculteurs. Pour les inondations par exemple, des fonds sont débloqués, pourquoi pas pour nous ? », s’insurge la commerçante. D’autant que son assurance, « un gros contrat » ne l’indemnisera pas. « Je suis assurée pour la perte d’activité mais il faut que ce soit minimum quatre jours consécutifs », explique-t-elle. Son assureur a simplement renvoyé son contrat pour lecture en guise de réponse à ses préoccupations. « Ils veulent notre mort… On n’a même pas d’aide psychologique : j’ai été malade dans ma voiture un matin en arrivant, je ne sais pas quoi répondre à mes salariées qui pleurent… et quand on a alerté les gilets jaunes sur notre situation, ils nous ont jeté des pièces et traité de morue ! », raconte la gérante. L’accord de chômage partiel a été signé jusqu’au 31 janvier, mais il devra certainement être prolongé. « On ne sait même pas si on va pouvoir travailler les prochains samedis : les gens n’ont pas envie de venir se promener sur des zones qui sentent les pneus brûlés ! »

Auteur

  • Lucie Tanneau