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Le fait de la semaine

Loi pacte : Cinquante salariés : le seuil de tous les dangers

Le fait de la semaine | publié le : 11.02.2019 | Benjamin D’Alguerre, Olivier Hielle

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Loi pacte : Cinquante salariés : le seuil de tous les dangers

Crédit photo Benjamin D’Alguerre, Olivier Hielle

Après les ordonnances Travail et la loi « Avenir professionnel », le Pacte de Bruno Le Maire constitue le troisième volet du triptyque législatif visant au développement des entreprises. Si ce dernier texte vient simplifier la question des seuils sociaux, il contient également son lot de nouvelles obligations pour les entreprises, qui pourraient rencontrer des difficultés à s’adapter.

Trois seuils sociaux, sinon rien ! Le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) prochainement adopté par le Parlement impose une cure radicale d’amaigrissement pour les seuils sociaux, ces caps administratifs d’effectifs au sein des entreprises, à partir desquels de nouvelles obligations comptables, sociales, réglementaires ou fiscales s’imposaient aux employeurs. Terminés les 49 seuils qui existaient jusqu’à présent et leurs 199 obligations afférentes, place aux seuls seuils de 11, 50 et 250 salariés (à une exception près : celui de 20 salariés déclenche toujours l’obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés). À l’occasion de l’examen du texte au Sénat fin janvier, la majorité LR a même tenté d’y mettre un coup de rabot supplémentaire en votant, contre la volonté du gouvernement, un amendement visant à relever le seuil de 50 salariés à 100, provoquant au passage un tollé à gauche et le mécontentement de Bruno Le Maire, jugeant ce décalage excessif et dangereux pour le dialogue social dans les PME. « Cela [voudrait] dire que les entreprises entre 50 et 100 salariés, qui avaient un comité représentant le personnel, n’en auraient plus. Moi, je ne suis pas favorable du tout à cela. Je pense que l’on a besoin de dialogue social dans l’entreprise », expliquait-il sur Public Sénat à l’issue du vote. Tout au plus, le ministre a-t-il consenti à « étudier la possibilité » de relever légèrement ce seuil à 70 salariés, mais sans toucher aux IRP. En l’état, cependant, l’amendement sénatorial a de grandes chances de se voir retoqué par le Palais-Bourbon lors de son ultime examen du texte. « Il n’y a aucun moyen que cette mesure passe », confie Sylvain Maillard, député LREM de Paris et membre de la commission des affaires sociales de l’Assemblée.

Les très petites et les très grandes

Mais quid des effets concrets de cette réduction des seuils, destinée à assouplir la vie des entreprises et à réduire leur peur d’embaucher, selon les intentions initiales affichées par Bercy ? À en croire la CPME, les mesures de la loi Pacte devraient être indolores pour les employeurs de moins de 11 salariés. « Il s’agit certes du premier vrai seuil social, mais il n’est pas celui qui, compte tenu du niveau des obligations administratives et financières qu’il engendre, a l’effet le plus répulsif à l’égard de l’embauche et du développement des entreprises », indiquait la direction des affaires sociales de la Confédération des PME dans un document publié en février 2018 lors des premières annonces autour du projet de Bruno Le Maire. Tout au plus, ce seuil de 11 est-il celui à partir duquel se déclenche l’obligation de mettre en place un comité social et économique (CSE) aux pouvoirs réduits et où les employeurs sont incités à mettre en œuvre des plans d’intéressement des salariés aux bénéfices de l’entreprise. Une contrainte nouvelle, mais accordée en échange de la suppression du forfait social qui leur incombait jusqu’alors. À l’inverse, du côté des grandes sociétés, si le passage du cap de 300 salariés peut se révéler plus lourd en matière d’obligations – établissement d’un bilan social, création automatique d’une commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), obligation pour l’employeur de mettre à disposition des organisations syndicales un local dédié qui s’imposait auparavant dès 200 salariés –, les entreprises de cette taille sont la plupart du temps déjà armées en matière RH pour faire face à cette nouvelle donne sans trop de dégâts, comme le fait remarquer la CPME dans sa note d’analyse.

De nouvelles exigences plus pesantes

Dans cette configuration, le seuil des 50 salariés apparaît comme le plus problématique. À ce stade, en effet, les nouvelles exigences se font plus pesantes pour des entreprises pas forcément outillées en ressources humaines. Parmi les contraintes déjà issues des ordonnances Travail, des CSE désormais dotés de compétences étendues recouvrant peu ou prou celles des anciens CE, CHSCT et DP – devoir d’information et de consultation de l’employeur sur la marche générale de l’entreprise et ses conséquences sur l’état des effectifs ; droit de regard sur les politiques d’emploi, de formation, d’intégration du handicap ; présence possible d’administrateurs salariés dans les instances dirigeantes., etc. Toujours côté IRP, les employeurs de ces structures devront y accepter l’affichage syndical (en plus de celui du CSE), organiser au moins six réunions du CSE par an (dont quatre obligatoirement consacrées aux questions de sécurité et de santé au travail) et informer les autorités compétentes (médecine du travail…) de cet agenda social. Les élus du CSE pourront par ailleurs bénéficier de formations aux questions de santé payées par l’employeur. L’entreprise devra se doter d’un règlement intérieur et d’un accord de prévention des risques professionnels. À cela, la loi Pacte ajoute que les structures de 50 à 250 collaborateurs seront tenues de mettre en place un dispositif de participation des salariés aux bénéfices, mais aussi incitées dans la foulée à négocier des plans d’épargne d’entreprise (PEE), voire des plans d’épargne pour la retraite collective (Perco). 50 salariés, c’est également le seuil à partir duquel les entreprises ne bénéficieront plus des fonds mutualisés de la formation, selon les dispositions de la loi « Avenir professionnel ». À elles désormais de financer leurs « plans de développement des compétences » sur leurs fonds propres ou en imaginant des procédures d’abondement aux CPF de leurs salariés. Enfin, d’autres obligations surviennent dès 50 salariés : taux plein pour la contribution au Fonds national d’aide au logement (FNAL), participation de l’employeur au « 1 % logement », mise en place obligatoire d’un local de restauration, taxe pour le développement des industries de l’ameublement et des industries du bois. Bref : beaucoup à gérer pour des structures pas nécessairement équipées pour ça. Et donc un sujet de préoccupation pour les partenaires sociaux.

Un lissage sur cinq ans

Afin d’adoucir le franchissement des seuils sociaux (lorsque l’effectif d’une entreprise grimpe, par exemple, de 49 à 50 salariés), la loi Pacte prévoit un « lissage » des contraintes liées à ses dispositions (PEE, Perco…). Ainsi, les nouvelles obligations seront effectives uniquement lorsque le seuil sera franchi pendant 5 années civiles consécutives. Si l’effectif diminue et revient à un niveau inférieur au seuil, le seuil devra à nouveau être atteint pendant cinq ans pour générer l’obligation.

Auteur

  • Benjamin D’Alguerre, Olivier Hielle