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Leadership : Du management au « self-management »

Le point sur | publié le : 18.02.2019 | Lys Zohin

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Leadership : Du management au « self-management »

Crédit photo Lys Zohin

Fatigué du gâchis d’énergie et de talents dans les entreprises, Bernard Marie Chiquet s’est lancé dans la formation à l’holacracie. Étude du parcours de ce combattant et de quelques clichés qui volent en éclat.

« Je souffrais », souligne Bernard Marie Chiquet, coach en « Holacracy » (il emploie la marque déposée) et fondateur d’iGi Partners, un cabinet de conseil en management… « Je souffrais de voir combien j’étais inutile, mal utilisé, sous-utilisé dans les entreprises auxquelles j’ai appartenu. Et je n’étais pas le seul. Nombreux étaient mes pairs, managers comme moi, qui pensaient que seule une fraction – 10 %, 20 % peut-être – de leur potentiel était réellement exploitée », soupire-t-il. Parle-t-il de ses postes d’executive director chez Capgemini ou de senior partner chez EY ? Peut-être, mais pas seulement. Et qu’elles soient françaises, américaines ou autres, ne semble pas non plus expliquer la situation… Selon lui, le système, celui de la hiérarchie, mais aussi des réunions inutiles, des jeux de pouvoirs et des coups tordus, « est tout simplement arrivé à ses limites », estime le coach, qui a créé sa société en 2008, après dix ans de recherches, de lecture, d’exploration. « Je me suis toujours intéressé au management, c’est une culture forte chez moi, explique-t-il. Je me suis centré sur l’intelligence collective, j’ai regardé la sociocratie, bref, je me suis renseigné sur toutes sortes d’outils sur le marché pour permettre au potentiel des collaborateurs et des managers de se déployer, pour que tous se sentent utiles et bien utilisés. » Son choix se porte finalement sur l’holacracie, un concept peaufiné aux États-Unis, où il a été mis en place depuis une dizaine d’années dans quelques entreprises fortement médiatisées comme Zappos. Depuis, il est devenu le chantre de la méthode en France et guide aussi bien des start-up comme YellowScan que des multinationales comme Danone, dans des secteurs aussi divers que l’industrie, avec l’Atelier du Laser, à Valence, et l’épicerie, avec Arcadie, un distributeur d’épices bio basé dans le Gard.

Accélérateur de réussite

Et tout de suite, il met en garde. « Il y a beaucoup de malentendus sur l’holacracie, s’écrie-t-il. D’abord, il ne s’agit pas de faire ce qu’on veut. Ce serait malvenu ! ». Et si l’on peut se passer de hiérarchie, pas question de croire que l’on peut se passer de fonction managériale. Il n’en est rien. Et pas question non plus de penser que l’holacracie est un foutoir où chacun ferait ce qu’il voudrait. La méthode implique de respecter de nombreuses règles, qui ne conviennent d’ailleurs pas à tout le monde. « Mais si vous acceptez d’être payé par l’entreprise, vous devez accepter les règles », résume Bernard Marie Chiquet. En outre, « certains pensent que si l’on donne une autorité, il est facile de l’assumer, relève le coach. En fait, pas du tout, les managers veulent avant tout l’approbation des équipes ». Et enfin, dernier malentendu, « certains estiment que l’holacracie est le retour du chacun pour soi. C’est l’inverse, s’exclame le promoteur de la méthode. Elle permet au contraire de développer le leadership et le self-management de chaque collaborateur ». C’est, en somme, un nouveau contrat social qui émerge au sein de l’entreprise, fondé sur l’auto-management plutôt que la hiérarchie, et qui, Bernard Marie Chiquet et d’autres en sont convaincus, « est un accélérateur de réussite » des entreprises, à travers la libération du potentiel des collaborateurs.

Petit abécédaire des grands concepts

Le principe de base de l’holacracie est qu’au lieu de s’appuyer sur un système managérial vertical, elle distribue l’autorité et le leadership via des cercles interdépendants et auto-organisés, qui rassemblent des « rôles » dont sont investis les collaborateurs (et qui sont ajustés régulièrement). Le tout sur fond de « raison d’être » de l’entreprise, partagée par tous.

Les rôles et les cercles

Chaque cercle (qui peut inclure des sous-cercles) d’une organisation qui a adopté l’holacracie poursuit les objectifs fixés et mesure les résultats. Il s’adapte et évolue en fonction des besoins. Les cercles rassemblent des « rôles », dont l’entreprise a besoin pour fonctionner. Par exemple, elle a besoin de marketing pour promouvoir ses produits (et cultiver sa raison d’être). Attention, le rôle n’est pas une personne en tant que telle, mais évidemment, une personne, à un moment donné, l’incarne, ou plutôt « l’énergétise » selon l’expression de Bernard Marie Chiquet, fondateur d’iGi Partners, un cabinet de conseil en management spécialisé dans la diffusion de l’holacratie. Chaque personne dans l’entreprise peut avoir, et a souvent, au moins à un moment donné, plusieurs « rôles ». Celui ou celle qui tient le rôle doit avoir toute l’autorité nécessaire pour en conduire les activités et prendre toutes les décisions requises, dans le périmètre d’action du « rôle ». Par ailleurs, il ou elle est « redevable ». Autrement dit, la personne qui tient le rôle se doit de mener toutes les actions nécessaires pour atteindre les objectifs fixés et est tenue pour responsable.

Les réunions de triage et de gouvernance

Les premières, pour lesquelles on élit un « facilitateur » (qui passe en revue la liste des points à évoquer, invite les participants à en soulever d’autres, distribue la parole…) sont celles qui permettent de trier le tout-venant dans la vie de l’entreprise. Tout commence par un tour d’inclusion –  « sorte de météo intérieure », selon la belle expression de Pierre d’Hauteville, le dirigeant de YellowScan converti à la méthode – pour savoir où chacun en est, puis viennent le partage des nouvelles et la revue des indicateurs permettant de mesurer là où en est le « cercle », dans sa contribution à la raison d’être générale de l’organisation, sans oublier l’évocation, par les uns et les autres, des problèmes, appelés « tensions » dans le vocabulaire holacratique, que les collaborateurs peuvent rencontrer. Problèmes appelés à trouver rapidement leur résolution sous la forme d’initiatives lancées et de décisions prises. À cet égard, un secrétaire, différent du facilitateur, prend notes de toutes les décisions afin de partager ensuite l’information. Les deuxièmes réunions, de gouvernance, sont moins fréquentes et s’appliquent à évoquer des « tensions » plus graves et susceptibles de modifier l’organisation. Elles sont grosso modo organisées de la même façon que les réunions de triage (facilitateur, secrétaire, etc.).

La constitution

Comme son nom l’indique, ce document est à la base de ce qui régit la vie de l’entreprise. Il inclut la raison d’être de la société et l’organisation du travail (avec les concepts de cercles, de rôles, de triage, de gouvernance….). Il doit évidemment être accepté par tous, y compris le dirigeant de l’entreprise qui adopte l’holacracie et soumet son propre pouvoir aux règles de la constitution. Enfin, rien n’est figé. « Si la structure de la constitution reste fidèle aux principes fondateurs (autour du « rôle », du « cercle » et de la « gouvernance »), elle se doit néanmoins de tenir compte des changements qui s’opèrent et rester pertinente », précise, à cet égard, Bernard Marie Chiquet, fondateur d’iGi Partners, un cabinet de conseil en management.

Auteur

  • Lys Zohin