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Recrutement : Le numérique fait bouger l’intérim

Le point sur | publié le : 04.03.2019 | Nathalie Tran

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Recrutement : Le numérique fait bouger l’intérim

Crédit photo Nathalie Tran

Le secteur ne cesse d’évoluer sous l’impulsion du numérique et l’arrivée de start-up qui font émerger de nouveaux modèles. Mais aussi en raison d’une pénurie de compétences qui obligent les acteurs à repenser leur sourcing et la façon de s’adresser aux candidats.

L’intérim en quelques clics, voilà ce que proposent aujourd’hui des plateformes telles que Bruce, Qapa et bien d’autres. Ces pure players, qui investissent depuis peu le marché, bousculent le paysage du travail temporaire. « Nous sommes repartis d’une page blanche. D’ailleurs, sur les 50 salariés de l’entreprise, aucun ne vient du secteur de l’intérim, explique Pascal Lorne, cofondateur de GoJob, l’une des premières start-up à avoir réinventé le métier. À l’inverse des entreprises de travail temporaire traditionnelles qui, elles, partent du besoin de l’entreprise pour rechercher ensuite un candidat, nous partons du besoin de l’intérimaire auquel nous proposons une mission qui correspond à ses compétences. »

La promesse de ces nouveaux acteurs : un service plus réactif, disponible 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, reposant sur un algorithme capable de matcher offres de mission et candidats en un temps record. Qapa intérim évalue à 50 minutes le temps écoulé entre le moment où le recruteur dépose son offre sur son site et la prise de poste par l’intérimaire. De son côté, le candidat n’aura passé que 36 minutes entre son inscription et la signature de son contrat.

Toutes les étapes du recrutement sont digitalisées, de la formulation du besoin au paiement, en passant par la signature du contrat de mise à disposition et le relevé d’heures, ce qui permet à ces nouveaux acteurs d’offrir un service au meilleur prix. Soit 10 % à 15 % sur les contrats signés. Ces tarifs compétitifs leur permettent de toucher une clientèle de TPE-PME, qui jusqu’ici avait peu recours à l’intérim, trop cher pour elles. Des start-up comme Alphyr avec MisterTemp’, ou Staffmatch, ont également profité de la dynamique du secteur et de l’accélération des nouvelles technologies pour attaquer le marché de l’intérim en proposant, quant à elles, un modèle hybride, ou plutôt « physital ». Comme leurs consœurs 100 % numériques, elles offrent une gestion de l’intérim en ligne et une prestation 24/7, mais elles restent fidèles aux fondamentaux du métier et plus particulièrement aux entretiens physiques en agence. « Nous avons digitalisé tout ce qui n’avait pas de valeur ajoutée, mais notre métier reste le recrutement et nous souhaitons apporter le meilleur service possible à nos clients, entreprises et intérimaires », insiste Vincent Rech, PDG de Staffmatch.

La jeune pousse compte une dizaine d’agences. « Si les premiers services sont apparus en 2015, le mouvement a véritablement commencé en 2016-2017 », constate le cabinet Xerfi, à l’origine d’un rapport sur le marché de l’intérim digital.

L’innovation gagne tout le secteur

Face à cette nouvelle concurrence, la riposte des géants du secteur ne s’est pas fait attendre. À commencer par les trois leaders historiques qui ont non seulement accéléré l’automatisation de leur process, multiplié les innovations digitales dont les chatbots pour enrichir l’expérience candidat ou présélectionner les intérimaires, mais surtout se sont aventurés sur le terrain de leurs challengeurs. Randstad a dégainé le premier en lançant, en 2016, Randstad direct, une prestation de recrutement en ligne à destination des TPE-PME, suivi par Manpower avec Direct recrutement et Adecco avec Mon agence en ligne.

Là encore, il s’agit surtout d’une digitalisation des processus, ces entreprises s’appuyant sur leur vivier d’intérimaires et l’expérience de leurs conseillers. Un plus que les entreprises de travail temporaires (ETT) « classiques » ne manquent pas de mettre en avant. « Nous jouons un rôle de tiers de confiance. Or celui-ci ne peut s’exercer dès lors qu’il n’y a aucun contact physique entre le client, le candidat et la plateforme. Le digital n’est qu’un outil, dont nos adhérents se sont emparés à leur manière », souligne Isabelle Eynaud-Chevalier, déléguée générale de Prism’emploi, l’organisation regroupant les professionnels du secteur. François Béharel, président du groupe Randstad France, notamment, est convaincu que le marché a besoin de « tech » et de « touch ». « Parmi les acteurs qui sont arrivés sur le marché en proposant du 100 % numérique, certains font aujourd’hui le chemin inverse et ouvrent des agences car ils se rendent compte qu’on ne peut pas se passer de l’humain », remarque-t-il. C’est en effet le cas de plateformes comme GoJob, qui développe à présent une présence physique et couvre plus d’une trentaine de villes en France.

Une évolution de la demande

« Notre métier est très technique et répond à un cadre juridique rigoureux. Il ne consiste pas seulement à rapprocher des entreprises et des candidats. Derrière, nous devons gérer des personnels, élaborer la paie, assurer la prévention et la sécurité au travail des intérimaires, les former, assurer leur employabilité… Le numérique ne peut remplacer la relation humaine », renchérit Sophie Sanchez, directrice générale de Synergie. En effet, si les nouvelles technologies ont permis au secteur de se réinventer et ont ouvert de nouveaux business aux ETT, dont celui des petites entreprises, l’enjeu pour l’ensemble des protagonistes reste le même : trouver les profils répondant aux attentes de leurs clients. Or c’est là que le bât blesse. « Les entreprises veulent recruter mais ne trouvent pas les compétences adaptées à leurs besoins, et cela quel que soit le secteur », explique Christian Boghos, directeur général communication, marketing et influence de ManpowerGroup. Ce que confirme Christophe Catoir, président France du groupe Adecco : « L’évolution des demandes des clients est une deuxième onde de choc sur notre marché », reconnaît-il.

Cette difficulté d’adéquation entre l’offre et la demande oblige les spécialistes de l’intérim à revoir la manière dont ils s’adressent aux candidats. Manpower France se pose en « imprésario » ou « agent de talents ». Un rôle qui consiste à dénicher des candidats ayant du potentiel, à leur assurer un taux d’emploi entre 90 % et 100 % sur l’année, à les faire grandir en les formant de sorte qu’ils progressent au même rythme que les attentes des entreprises, avec pour objectif de porter le portefeuille de talents de 20 000 à 40 000 d’ici la fin de l’année. Un talent n’étant pas forcément un candidat surqualifié ou surdiplômé, mais quelqu’un qui répond à la demande d’un bassin d’emploi donné. C’est donc la compétence qui prime, peu importe la forme du contrat. Une nouvelle donne qui a poussé Adecco à se tourner vers le freelancing avec le lancement de Yoss, une solution digitale destinée à rapprocher les grandes sociétés des indépendants. Une source supplémentaire de talents à exploiter…

De société d’intérim à agence d’emploi

Les entreprises de travail temporaire ne cessent de se diversifier depuis la loi de cohésion sociale de 2005. La plupart d’entre elles réalisent des recrutements pour le compte de leurs clients en vue d’une embauche en CDI ou CDD, engagent des apprentis pour les mettre à disposition des sociétés utilisatrices, et font même du placement avec des partenaires tels que Pôle emploi, l’Afpa ou des collectivités territoriales. Enfin, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel va leur permettre d’ajouter une corde à leur arc puisqu’elles peuvent désormais proposer des prestations de conseil en évolution professionnelle (CEP) dans le cadre de l’appel d’offres de France Compétences.

Auteur

  • Nathalie Tran