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Sur le terrain

Management : Comment Natixis a simplifié son organisation

Sur le terrain | publié le : 20.05.2019 | Lys Zohin

Natixis a récemment fait évoluer ses managers vers des rôles de leaders managers, de leaders experts ou de project leaders. Son but ? Rendre son organisation plus agile en clarifiant les rôles et en réduisant le nombre de niveaux hiérarchiques.

Tout a commencé fin 2016, lorsque la direction de Natixis, un établissement financier spécialisé dans la gestion d’actifs, la banque de financement et d’investissement, l’assurance et les paiements, a pris connaissance des résultats du baromètre qu’elle réalise tous les deux ans auprès de ses 16 000 collaborateurs, en France comme à l’international. « Malgré des résultats en hausse sur de nombreuses dimensions, les salariés nous renvoyaient le fait que les rôles et les responsabilités restaient peu clairs et que les process de décision n’étaient pas assez rapides. Ils exprimaient également une attente de plus d’autonomie », souligne Cécile Tricon-Bossard, DRH adjointe de Natixis.

Comme dans de nombreuses organisations, Natixis avait vu se multiplier au fil des années des postes de managers, notamment pour offrir à certains collaborateurs – en particulier les meilleurs experts – une évolution de carrière et une reconnaissance interne. Résultat de cette situation, une organisation en silos avec un nombre croissant de « chefs » qui n’avaient parfois que quelques collaborateurs dans leur équipe et un intérêt limité pour le management… De quoi entretenir une certaine confusion sur la responsabilité et le rôle exact de chacun et rallonger les circuits de décision.

Pour la direction de Natixis, la réponse à cette situation ne pouvait venir que d’un travail en profondeur sur son organisation visant à réduire le nombre de niveaux hiérarchiques et à valoriser les profils d’experts et de responsables de projets autrement qu’en leur confiant des responsabilités managériales. Cela entraînait mécaniquement une diminution du nombre de managers, par un accroissement de la taille des équipes, mais une professionnalisation des managers davantage centrés sur leur fonction managériale et le développement de leurs collaborateurs.

Coconstruction

Avec l’appui d’un cabinet de conseil externe, Natixis a d’abord créé des rôles de leadership différenciés : les leaders managers, les leaders experts, et les project leaders qui, malgré des réalités professionnelles différentes, ont pour responsabilités communes de faire rayonner leur expertise, leur projet ou leur équipe, d’accompagner la transformation de l’entreprise et de développer des relations fortes avec des partenaires internes et externes. Trois parcours de carrière d’égale importance ont été définis, intégrant des passerelles permettant de passer de l’un à l’autre, avec l’objectif de valoriser tous les profils, notamment ceux d’experts et de chefs de projets. Restait à implémenter sur le terrain ces nouveaux profils. « Au-delà du changement d’intitulé, nous avons voulu que leur contenu soit clair et avons largement communiqué auprès de l’ensemble des collaborateurs. Un modèle de leadership a également été formalisé autour de six dimensions (Bienveillance et Exigence : inspirer pour créer de l’engagement, construire la confiance et responsabiliser, entreprendre et savoir remettre en cause, libérer les talents, jouer collectif) et a permis de préciser les comportements attendus de l’ensemble des leaders », indique la spécialiste en ressources humaines de Natixis. Cette clarification ne veut pas dire que tous les leaders doivent avoir le même style de leadership… Mais « tous doivent montrer une appétence pour le leadership et prendre le temps de monter en compétences dans ce domaine, notamment via des parcours de formation dédiés », précise Cécile Tricon-Bossard. Un dispositif spécifique d’accompagnement du changement et d’appropriation de ces nouveaux rôles, basé sur des sessions d’information, des ateliers de travail, des formations ou du coaching leur a été proposé.

Accord avec les syndicats

La mise en œuvre de ce nouveau modèle d’organisation et la création de ces rôles différenciés ont fait l’objet de discussions avec les représentants du personnel. Un accord de mobilité collective fonctionnelle a été signé en juillet 2017 avec deux organisations syndicales représentatives (CFTC et SNB CGC) pour encadrer le déploiement progressif dans les métiers. Cette simplification, qui visait à responsabiliser davantage les collaborateurs et raccourcir la ligne hiérarchique, conduisait à réduire le nombre de managers et à en faire évoluer certains vers de nouveaux rôles de leaders, experts ou projets. Se posaient alors deux questions. D’abord, pouvait-on imposer unilatéralement à certains managers un nouveau rôle de leader sans management ? Et sinon, comment traiter ces situations ?

La négociation a permis de définir un seuil de collaborateurs gérés à partir duquel un manager pouvait refuser une telle évolution et de préciser le dispositif pour gérer ces cas de figure (via un reclassement interne ou externe, sur la base du volontariat). À partir de six collaborateurs gérés, l’évolution vers un rôle de leader sans management a ainsi été considérée comme une modification du contrat de travail nécessitant l’accord formel du collaborateur. En deçà, le manager peut être affecté à un rôle de leader différent dans le cadre d’une nouvelle organisation, pour autant qu’il reste dans la même famille d’emploi et que le poste soit d’un niveau équivalent. « Nous avons eu très peu de refus et encore moins de départs », relève à cet égard Cécile Tricon-Bossard.

Objectifs atteints

Depuis le déploiement de ces nouvelles organisations simplifiées, qui s’est fait sur 2017 et 2018, le taux de managers est passé de 18,5 % de l’effectif à 13,2 %, soit une baisse de 29 %. La part des leaders s’élève, elle, à 20 % de l’effectif, dont 65 % de leaders managers, 26 % de leaders experts, et 9 % de project leaders, un certain nombre de collaborateurs ayant été promus leaders à cette occasion. Natixis compte ainsi désormais 898 leaders experts et 296 project leaders, en plus des 2 258 managers. En outre, comme prévu, la taille moyenne des équipes a augmenté, passant de quatre à six collaborateurs. Et enfin, autre effet attendu, le maillage de l’organisation a été réduit de deux niveaux hiérarchiques en moyenne. Résultat de cette petite révolution, des progrès significatifs ont été relevés dans les résultats du dernier baromètre interne, fin 2018, notamment sur le rôle de chacun et l’efficacité du processus de prise de décision. Mieux, « la notion de “leader” est entrée dans le vocabulaire interne, certains l’utilisent dans les informations de leur profil LinkedIn », souligne Cécile Tricon-Bossard. Pas question cependant pour Natixis de se reposer sur ses lauriers. « Tous les trois mois, nous faisons un point au Comité de direction générale et nous partageons un certain nombre de KPI. Au-delà de la simplification de nos organisations, il s’agit de faire évoluer nos modes de fonctionnement. Nous avons bien conscience que c’est une vraie transformation de la culture et comme tout changement culturel, cela nécessite un temps long ».

Auteur

  • Lys Zohin