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Le grand entretien

« Ma vision de la fonction RH est celle d’un strategic partner »

Le grand entretien | publié le : 03.06.2019 | Jean-Paul Coulange

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« Ma vision de la fonction RH est celle d’un strategic partner »

Crédit photo Jean-Paul Coulange

Le patron des ressources humaines et de la transformation du Groupe PSA explique en quoi consiste cette nouvelle fonction et en quoi elle l’implique dans la définition de la stratégie de l’entreprise.

Pourquoi avoir créé une direction des ressources humaines et de la transformation ?

Début 2018, le président et le comité exécutif du Groupe PSA ont estimé que c’était le bon moment pour mettre en place une direction qui englobe les femmes et les hommes, l’immobilier, le digital et l’IT. Mettre l’ensemble de ces activités dans la même dynamique est un levier d’accélération de la transformation de l’entreprise et de mise en cohérence des actions engagées. Premier exemple, les nouveaux espaces de travail. En partant des besoins des collaborateurs, nous avons défini une politique immobilière qui a permis, en trois ans, de réduire de 17 % le nombre de mètres carrés, avec des espaces de travail plus agréables et réellement tournés vers les besoins des collaborateurs. Autre exemple, lorsqu’on décide d’accélérer la migration des systèmes informatiques, le fait d’avoir l’ensemble des ressources associées permet de gagner du temps. Cela fait sens avec nos valeurs « gagner ensemble avec agilité et efficience ».

Dans certaines entreprises, le pilote de la transformation est le chief digital officer (CDO). Pas chez PSA ?

Le pilotage de la transformation est mené au sein de cette nouvelle entité où travaillent ensemble le CDO et le directeur de l’IT. L’objectif est de bien comprendre ce qui se passe dans chacune des directions et de pouvoir proposer une vision, une capacité à faire en tenant compte des besoins de transformation et des outils existants. Cela nous permet d’avoir une rapidité d’exécution bien supérieure à celle d’une organisation en silos. Au sein de cette entité, ma vision de la fonction RH est celle d’un strategic partner et pas d’une fonction support. Dans les années 1990-2000, le terme de business partner renvoyait un peu à cette idée. L’ambition que je partage avec mes équipes de la direction de la transformation, mes collègues du comité exécutif et les parties prenantes est d’être un acteur stratégique de la transformation de l’entreprise. Une fonction RH et de la transformation anticipe, travaille sur la stratégie, sur toutes les dimensions de l’entreprise, à la croisée de l’ensemble des paramètres économiques et sociaux car tout est imbriqué. Il n’y a pas de réussite de l’entreprise sans performance sociale.

Encore faut-il que la direction générale partage cette vision ?

C’est le cas chez PSA, où la politique sociale est partie prenante de celle de l’entreprise. Chacune des interventions de notre président fait allusion à la participation qualitative des partenaires sociaux. Toute la transformation de l’entreprise est portée et accompagnée par eux. Nous leur présentons la stratégie dans des comités paritaires avec un niveau de transparence extrêmement élevé. J’y fais intervenir les membres du comité exécutif concernés dans un mode interactif. Cette relation de confiance est fondamentale pour travailler sur des accords de performance. Notre spécificité est d’avoir un accord-cadre mondial qui nous assure du bon déploiement de la politique sociale partout dans le monde et des accords de performance – 183 en 2018 – dans tous les pays. En France, la plupart des accords sont signés par cinq organisations sur six, représentant 80 % des salariés, avec un fort taux de représentation puisque nous venons de finir notre cycle électoral avec un taux global de participation aux élections de 80 %.

Comment expliquez-vous ce taux de participation ?

Les salariés reconnaissent la valeur ajoutée des partenaires sociaux, qui ont participé activement à la période de reconstruction de l’entreprise avec des décisions courageuses. Cette qualité du dialogue social nous permet aujourd’hui de redresser Opel à une vitesse cohérente avec notre plan d’action grâce à la qualité de la relation avec notre partenaire IG Metall. Nous y avons signé quatre accords avec un objectif commun, celui de rendre l’entreprise durablement performante après de nombreuses années de pertes financières. In fine, la cogestion n’est d’ailleurs pas si différente de la coconstruction. Le point commun est le respect de nos partenaires.

Comment avez-vous obtenu l’aval des organisations syndicales sur les ruptures conventionnelles collectives (RCC) ?

Nous avions auparavant un Dispositif d’adaptation des emplois et des compétences (DAEC) et donc un dialogue social continu sur ce sujet. Nous avons été la première entreprise à mettre en œuvre cet accord car ce dispositif s’inscrivait dans notre calendrier social et les mesures proposées étaient définies avec les partenaires sociaux. La maturité de notre dialogue social a ainsi permis d’obtenir cinq signatures sur six. Je suis convaincu qu’à partir du moment où on explique que l’objectif est d’installer durablement de l’activité dans le meilleur intérêt des salariés, on arrive à ce type d’accord.

Sur quels axes repose la politique RH de PSA ?

Outre le leadership social que nous venons d’évoquer, la politique RH repose sur le talent management. La règle d’or, c’est la méritocratie, fondée sur les résultats obtenus dans l’entreprise. C’est la performance qui protège l’entreprise et la personne, c’est elle que nous devons apprécier. Savoir reconnaître la performance et la valoriser fait partie des responsabilités de la fonction RH et de l’ensemble de la ligne managériale. Le plan Push to Pass vise aussi à renforcer l’émergence de talents internationaux. Aujourd’hui, 17 % de nos managers (contre 13 % en 2015) ont un profil international. Ils correspondent à 35 % des nominations au Top Management. Autre priorité pour les RH, l’expérience salarié, qui concerne en tout premier lieu la protection et l’intégrité physique des collaborateurs. En 2018, notre taux d’accidentalité est de 0,8 pour 1 000, alors qu’il est de 29 pour 1 000 dans la métallurgie. Autre indicateur, la baisse du niveau de stress depuis quatre ans. Le niveau d’hyperstress constaté à partir de 15 000 à 20 000 questionnaires est de 6,6 en 2018 – selon les spécialistes le meilleur résultat est de 7,5. Dans ce questionnaire, les collaborateurs notent les cinq leviers positifs et les cinq leviers négatifs, ce qui permet de bénéficier d’une surveillance constante avec les services médicaux et sociaux et de réagir de manière instantanée, tant individuelle que collective en faisant intervenir les services de santé au travail, la fonction RH et la ligne hiérarchique.

Comment accompagnez-vous les fortes mutations technologiques du secteur automobile en termes de compétences ?

Nous avons mis en œuvre une démarche expertise qui s’appuie sur l’identification d’experts et de maîtres experts (260 experts et 35 maîtres experts) dans l’ensemble de l’entreprise afin de travailler sur les besoins en compétences à moyen et long termes. Dans quatre domaines, R &D, sales on marketing, manufacturing et digital and data engineering, nous avons défini les réponses à apporter en matière de mobilité, de formation, voire d’acquisition de compétences à l’extérieur… Nous avons mis en place avec les partenaires sociaux un observatoire des métiers et des compétences (central et local) qui classifie les métiers sensibles, les métiers en équilibre et les métiers en tension. Un métier sensible est exposé à un risque d’emploi ; il est à l’équilibre lorsque l’activité est durablement stable et en tension quand il y a des besoins de compétences. En travaillant avec les partenaires sociaux, nous avons ramené en cinq ans de 23 % à 6 % le taux de métiers sensibles. Nous avons également le souci de transparence vis-à-vis de nos salariés. Ainsi, tous les ans, chaque collaborateur reçoit l’information de la qualification de son métier. Je crois beaucoup à la sécurisation de l’emploi par des parcours professionnels afin de renforcer l’employabilité en interne et à l’extérieur de l’entreprise. L’objectif est de se mettre dans une dynamique d’apprentissage tout au long de la vie professionnelle.

Parcours

Diplômé de Sciences Po Paris, Xavier Chéreau a fait toute sa carrière au sein du groupe PSA depuis 1994 dans la fonction ressources humaines. Il a notamment été DRH des deux sites de Poissy (78) et Trémery (57), DRH de la division industrie et R &D, avant de devenir vice-président en charge des ressources humaine en 2015, puis vice-président en charge des RH et de la transformation en 2018. Xavier Chéreau est également membre du comité éditorial d’Entreprise &Carrières et de Liaisons sociales magazine.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange