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Le grand entretien

« Les Opca constitutifs ont su faire “un” avec “tous” »

Le grand entretien | publié le : 01.07.2019 | Benjamin d’Alguerre

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« Les Opca constitutifs ont su faire “un” avec “tous” »

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

Malgré son périmètre atypique, l’opérateur de compétences des Entreprises, salariés et services à forte intensité de main-d’œuvre (Opco ESS FIMO) semble avoir su passer outre son problème de cohérence de champ pour se mettre en ordre de marche. Rencontre avec son trio dirigeant.

Pouvez-vous nous dresser un portrait-robot de l’Opco des services et salariés à forte intensité de main-d’œuvre trois mois après son agrément ?

Valérie Sort : L’Opco regroupe quatre anciens Opca : Opcalia (interpro et interbranche), le Fafih (hôtellerie-restauration), le Faf.TT (travail temporaire) et Intergros (commerce de gros B to B). À quoi s’ajoutent la branche propreté, alors adhérente de l’Opca Transports et services, et d’autres activités hier abritées par différents Opca, comme la formation professionnelle ou l’enseignement privé. Aujourd’hui, nous comptons 32 secteurs représentés au sein de l’Opco. Ce nombre évolue puisque certaines branches s’apprêtent à nous rejoindre (comme les salariés des diocèses) alors que d’autres, initialement adhérentes, nous ont finalement quittés (le textile-cuir-habillement qui a rejoint l’Opco 2i de l’industrie). Par ailleurs, dans le cadre de la restructuration des branches, certaines d’entre elles ont entamé des processus de fusion. L’enseignement privé en formation ouverte et à distance se rapproche de l’enseignement privé, etc. L’Opco couvre environ 250 000 entreprises (dont la moitié de moins de 50 collaborateurs) et près de 4 millions de salariés. Selon nos projections, le périmètre financier de l’opérateur de compétences oscille autour d’1,2 milliard d’euros. Pour information, nous n’avons pas retenu l’acronyme « ESS FIMO » pour désigner l’Opco. Nous travaillons avec un cabinet extérieur pour lui trouver une autre identité qui deviendra aussi la marque qu’il portera.

Transport aérien, hôtellerie-restauration, propreté, sécurité privée, intérim, portage salarial, formation professionnelle, diocèses… il semble difficile de voir dans votre Opco la cohérence de champ que recommandait pourtant le rapport Marx-Bagorski…

Hervé Bécam : Nous avons effectivement un peu perdu le lien « institutionnel » induit par le rapport, mais c’est la conséquence du processus de rapprochement des Opca et des branches tel qu’il s’est déroulé. À l’origine, la branche des cafés, hôtels et restaurants, d’où je viens, avait l’injonction d’intégrer l’Opco 10 (les entreprises de proximité), mais ce scénario ne nous convenait pas puisque cet opérateur de compétences accueille un certain nombre de professions libérales dont les pratiques en matière de formation sont trop éloignées des nôtres pour que l’alchimie fonctionne. À cette époque, le Medef et Opcalia avaient lancé le projet Wellcom autour d’une quinzaine de branches. Ce « douzième Opco » nous est alors apparu plus intéressant. Las, le ministère a refusé cette option et exigé que l’Opco 11 (alors en construction autour de la sécurité privée, de la propreté et du travail temporaire) s’élargisse à d’autres branches, dont celles pour la plupart qui étaient parties prenantes du projet Wellcom. Il y a eu quelques frottements entre nous, mais tout le monde a fini par se conformer aux demandes de l’exécutif. Rien ne dit d’ailleurs que la situation de l’Opco est figée. Par exemple, nous avions entamé, dans le champ du Fafih et en amont des agréments, des discussions avec les acteurs du tourisme pour que ceux-ci nous rejoignent dans un même Opco au vu de la proximité de nos activités et de nos besoins.

Jamil Aït-Idir : Qu’importent les querelles passées entre l’Opco 11 « originel » et le projet Wellcom : ce qui doit être salué aujourd’hui, c’est la capacité avec laquelle les quatre Opca d’origine ont su générer suffisamment d’intelligence collective pour réussir à travailler ensemble, dans l’intérêt des adhérents. À faire « un » avec « tous ». L’Opco est aujourd’hui piloté dans une perspective interbranches, ce qui lui permettra d’accueillir les entreprises « non branchées », voire de nouvelles branches. L’objectif est désormais de créer un pilotage général central tout en laissant aux branches suffisamment de marges de manœuvre. Par exemple, s’il existe un EDEC (engagement de développement des compétences) dans une branche et qu’il se révèle intéressant, pourquoi ne pas le transformer en « EDEC Opco » valable pour toutes ?

La réforme impose aux Opco une implantation dans les territoires. Avoir récupéré les réseaux régionaux d’Opcalia constitue-t-il un atout sur ce plan ?

V. S. : Assurément, d’ailleurs c’est un point fort global car toutes nos structures d’origine sont assises sur un réseau ancré territorialement. La délégation propreté, par exemple, est très territorialisée. Aujourd’hui, les équipes régionales des cinq ex-Opca constitutifs en sont au stade où elles se rencontrent et étudient des perspectives d’intervention communes sur le terrain.

L’Opco va-t-il encourager la mise en place de politiques de versements conventionnels au sein des branches pour les entreprises de moins de 50 salariés ?

V. S. : Les membres de notre conseil d’administration sont unanimes à penser que l’Opco est un outil au service des branches qui le composent. C’est un changement culturel important par rapport aux anciens Opca interpro ou même sectoriels pour certains d’entre eux. Les branches restent donc maîtresses de leurs politiques conventionnelles. Par exemple, le secteur du travail temporaire dispose d’un investissement formation bien supérieur au plancher légal. À l’inverse, pour d’autres secteurs n’ayant pas fait le choix du conventionnel, malgré leur engagement significatif en faveur de la formation des salariés de leurs entreprises, il est certain que le retour d’expérience sur le modèle du travail temporaire peut favoriser de nouvelles réflexions stratégiques branche par branche.

Dans quelle mesure ?

V. S. : Difficile d’en dire davantage pour le moment. Le conseil d’administration lancera ses premiers travaux sur la stratégie et l’offre de service à partir de septembre-octobre. Nous aurons une vision plus claire à ce moment-là.

J. A.-I. : L’Opco sera porteur des initiatives décidées par les branches et des moyens de mutualisation qu’elles auront choisis. Les entreprises ne sont jamais seules face à leurs besoins de formation : elles peuvent s’appuyer sur les travaux des CPNE (commissions paritaires nationales de l’emploi) de leurs branches ou sur ceux des sections paritaires professionnelles (SPP) de l’Opco qui sont en cours d’installation. Des scénarios de mutualisation sont encore à inventer. Par exemple : l’organisation des JO de 2024 impactera directement au moins quatre de nos branches adhérentes (sécurité, propreté, hôtellerie-restauration et intérim). Il y aura sans doute des choses à imaginer au niveau de l’Opco en matière de développement des qualifications.

Comment envisagez-vous le pilotage des politiques d’alternance au vu du caractère très disparate des branches qui composent l’Opco ?

V. S. : Là encore, ce sera aux branches d’en décider. L’Opco est en train de mettre en place une commission ad hoc sur l’alternance, mais elle n’aura pas vocation à piloter les politiques des branches. En revanche, l’Opco disposera des outils d’identification des besoins et sera en mesure d’appuyer les branches (élaborations de référentiels, mise en place de mesures de contrôle-qualité ou d’évaluation, etc.) dans la mise en place de leurs stratégies. Ce sera davantage un rôle de structuration que de direction. De toute façon, avec 32 secteurs représentés (et donc potentiellement entre 25 et 32 SPP), le rôle de l’Opco ne peut pas être celui d’un décideur comme pouvaient l’être les Opca d’hier. Il ne faut pas oublier que notre priorité doit être le service de l’entreprise adhérente et de ses salariés. Les clients finaux, ce sont eux !

Parcours

Valérie Sort

Après une longue carrière chez Agefos PME (conseillère technique, puis directrice déléguée en charge de la veille stratégique), Valérie Sort devient directrice d’activité « emploi, formation, orientation » chez Amnyos Consultants (2016-2017) avant de prendre la direction du Faf.TT (Opca de l’intérim). Elle est directrice préfiguratrice de l’Opco 11.

Jamil Aït-Idir

Salarié et syndicaliste au sein du groupe McDonald’s, il est secrétaire de la Fédération des ports et docks CGT et vice-président de l’Opco 11.

Hervé Bécam

Dirigeant de l’hôtel-restaurant La Butte à Plouider (29), il est vice-président confédéral de l’Umih (Union des métiers des industries hôtelières) et président de l’Opco 11.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre