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Sur le terrain

Formation : Le Centre Pompidou met l’art au service de l’entreprise

Sur le terrain | publié le : 01.07.2019 | Lys Zohin

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Formation : Le Centre Pompidou met l’art au service de l’entreprise

Crédit photo Lys Zohin

L’institution, qui fête ses 40 ans, s’appuie sur une dimension historique, celle de contribuer aux débats de société, pour proposer aux entreprises des formations exécutives fondées sur la relation à l’art. Témoignage de l’un des bénéficiaires, Stéphane Tisserand, de la MAIF.

Il faut contourner une œuvre de Louise Bourgeois, puis se repérer au bleu d’Yves Klein pour arriver à la salle de formation du Centre Pompidou. Depuis un an environ, Beaubourg a « renoué avec une vocation initiale, adoptée dans le sillage de mai 1968, celle de contribuer aux débats de société », explique Marion Laporte, responsable de l’École pro, à la direction des publics et initiatrice des ateliers de formation que dispense désormais l’institution aux entreprises. « Beaubourg n’est pas qu’un musée, relève ainsi cette spécialiste. Notre ambition a toujours été de développer l’intelligence sensible. Nous le faisons, par exemple, avec des ateliers pour enfants et nous avons pensé qu’il était intéressant de transposer cette médiation artistique dans le monde des adultes et de l’entreprise. »

Le musée a mis au point plusieurs modules de formation, portant les uns sur la créativité, la transformation digitale, l’innovation, les autres sur le leadership, l’engagement ou l’intra-entrepreneuriat, en association avec des organisations spécialisées dans la formation. Au-delà des formats « standard », le Centre Pompidou peut également plancher sur un thème particulier, en fonction des souhaits du client. Mais toujours avec un même rituel. D’abord, une master class, guidée par un artiste ou un expert, sur le thème choisi pour la formation. Ainsi, « en résonance au questionnement d’une entreprise sur sa marque, nous avons posé la question : “Qu’est-ce que la signature ?”, en citant, bien entendu, les rayures de Daniel Buren et le bleu Klein », détaille Marion Laporte.

Ensuite, une visite commentée du musée. Mais pas n’importe comment. Les œuvres devant lesquelles s’arrête le spécialiste qui mène la visite ont toutes quelque chose à dire aux participants. « Nous avons dispensé une formation auprès de salariés d’un promoteur immobilier, raconte Marion Laporte. L’objectif de la DRH était de faire en sorte qu’ils ne se contentent pas de vendre des mètres carrés, mais que leur travail et leur discours envers les clients aient un sens, une âme », poursuit-elle. Quoi de plus pertinent dans ces conditions que de faire entrer ces vendeurs dans le Jardin d’hiver de Jean Dubuffet, sorte de grotte aux contours flous du fait de différents niveaux de surface, blanche, soulignée de traits noirs ? « Après cette expérience sensorielle, qui fait perdre les repères, nous leur avons posé la question des mètres carrés par rapport à cet espace. Évidemment, leur perspective avait changé », poursuit Marion Laporte.

Pas de côté

Celle de Stéphane Tisserand, responsable des affaires publiques pour la MAIF, a elle aussi évolué. D’autant qu’il était pour le moins sceptique au départ. « Les formateurs de Thinkers&Doers (l’une des organisations auxquelles est associé le Centre Pompidou pour ses formations exécutives) nous ont démarchés, se souvient-il. Je ne suis pas allergique à l’art, loin de là, mais la promesse me paraissait bien trop belle… » À la demande de la direction, il décide quand même de tester la formation, d’autant que la compagnie d’assurances avait un besoin précis : elle planchait à ce moment-là sur la notion d’engagement vis-à-vis de la société. Depuis, d’ailleurs, elle a annoncé qu’elle devenait une entreprise à mission. « Une journée peut-être, mais certainement pas les deux jours prévus », s’était dit Stéphane Tisserand.

Pourtant, au fil de la première journée, il s’est pris au jeu de la réflexion en faisant un pas de côté grâce à l’art. Et non seulement il est revenu le lendemain, mais en plus, il soutient la formule aujourd’hui. « Alors que je pensais perdre mon temps, cela n’a certainement pas été le cas, et certaines des réflexions qui ont émergé au cours de ces deux jours m’habitent encore aujourd’hui », dit-il. Des réflexions suscitées notamment par les différentes œuvres, vues à travers le prisme de l’engagement de l’artiste. « Et bien sûr, lorsqu’on est arrivé au Bauhaus, associant des artistes très différents, la notion d’engagement pour une même cause, au sein d’une entreprise, de la part de tous les collaborateurs, quel que soit le parcours personnel et professionnel, a fait encore plus sens », dit-il.

Après la master class et la visite guidée du musée, la formation de l’École pro de Beaubourg se poursuit avec un atelier. Dans le cas de Stéphane Tisserand, le designer qui le menait a demandé aux participants (venus de différentes entreprises et d’horizons variés) de se mettre d’accord, en quelques minutes, sur une phrase qui incarnerait leur « manifeste » de l’engagement. « Cela a été passionnant », souligne le responsable des affaires publiques de la MAIF. Là encore, il a été parfaitement en adéquation avec l’idée que l’ensemble des collaborateurs peuvent regarder dans la même direction, en particulier dans une entreprise à mission, dans le respect des individualités et des différences.

« Quand je pense que dans les formations classiques, on repart avec une série de powerpoints ! », s’exclame-t-il.

Ce qu’il a mis dans sa besace, en sortant du Centre Pompidou, est bien différent. Moins palpable, « plus centré sur des compétences molles », comme il dit, ou, comme l’exprime Marion Laporte, « sur une expérience sensorielle » plus diffuse – « je suis incapable de vous dire comment cela se traduit dans mon quotidien », avoue Stéphane Tisserand – mais utile. « Cela m’a prouvé concrètement la nécessité d’embarquer les salariés, très vite, dans un projet et d’associer tout le monde pour plus d’efficacité », dit-il. Dans la foulée, la MAIF vient de nommer un chief mission officer, afin de la guider sur la route de l’entreprise à mission et de franchir les étapes.

Salle vide

D’autres étapes, avec d’autres objectifs, dans d’autres entreprises, pourront également être franchies grâce à la formation exécutive du Centre Pompidou. Et si, au détour d’un couloir, la salle de formation paraît totalement vide, c’est en fait pour laisser la place à la réflexion… « L’architecte auquel nous avons fait appel a repris les codes des bureaux », explique Marion Laporte.

Murs blancs et moquette grise. Mais en soulevant, à l’aide d’une clé, un premier pan du plancher, on découvre… une kitchenette pour offrir le café aux participants. Un autre pan se rabat et ce sont des tables, un écran géant, des sièges qui apparaissent. Un autre encore s’ouvre et c’est un petit salon, qui servira aux discussions des participants. Comme le musée lui-même, la salle de formation de Beaubourg recèle bien des trésors. Et les participants peuvent même en emporter certains – totalement immatériels – avec eux…

Auteur

  • Lys Zohin