logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Chroniques

Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chroniques | publié le : 15.07.2019 | Denis Monneuse

Image

Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Le paradoxe des célibataires sans enfants

Pour les employeurs, le salarié idéal demeure bien souvent une sorte de stakhanoviste des temps modernes entièrement dédié à son travail, donc corvéable à merci. Dans l’imaginaire collectif, il s’agit donc d’un homme célibataire ou bien marié à une femme qui ne travaille pas ou peu, si bien qu’elle peut gérer l’essentiel des tâches domestiques et éducatives, libérant ainsi son mari de ce qui pourrait entrer en concurrence avec son activité professionnelle. À l’opposé, les femmes ayant des enfants passent pour des salariées moins focalisées sur leur travail. Leurs managers ont donc moins tendance à leur confier des missions stratégiques et à les promouvoir à des postes à responsabilité, ce qui contribue in fine à la création d’un plafond de verre.

Cette vision du travailleur idéal peut paraître quelque peu datée, mais elle est surtout en partie erronée si l’on en croit les conclusions d’une étude publiée dans Academy of Management Journal par Tracy Dumas et Jill Perry-Smith, respectivement chercheuses à l’université de l’Ohio et à l’université Emory aux États-Unis. Leur objectif était d’évaluer l’impact des structures familiales et des activités après le travail sur la focalisation sur le travail.

Pour cela, elles ont mené une enquête par questionnaires et ont demandé à des salariés de tenir une sorte de journal de bord pendant cinq jours. Le questionnaire, rempli par 353 anciens élèves d’une université américaine, portait sur leur concentration et dévouement au travail. Qu’en est-il ressorti ? Que les salariés célibataires sans enfants se déclaraient moins focalisés sur le travail que les salariés ayant une vie de famille. Le journal de bord a permis quant à lui d’aller plus loin pour mieux comprendre cette première découverte. Il est alors apparu que les activités après le travail que prévoyaient les salariés expliquaient ce lien entre structure familiale et focalisation sur le travail.

En effet, les salariés célibataires sans enfants prévoient essentiellement des activités de loisirs en dehors de leur temps de travail, ce qui les place dans une position de totale distraction par rapport à leur activité professionnelle. Les salariés qui ont une famille prévoient quant à eux plus de tâches domestiques, tâches qui exigent une organisation et une planification importante, donc des réflexes proches de ceux exigés au travail. Ces salariés restent dans un état d’esprit productif. Il y a donc paradoxalement moins de ruptures chez eux entre le travail et le hors travail qu’entre ceux qui pensent et anticipent leurs loisirs du soir pendant leur journée de travail.

Cette étude est intéressante car elle est assez contre-intuitive. Elle va à l’encontre de l’image des salariés avec enfants dont la vie de famille serait nécessairement un frein à leur dévouement au travail. Au contraire, les salariés qui savent qu’ils doivent absolument quitter leur poste de travail avant une certaine heure pour s’occuper de leurs enfants peuvent se montrer plus efficients que leurs collègues qui, ayant moins de contraintes, auront plus tendance à prolonger leur déjeuner ou leurs pauses-café.

Auteur

  • Denis Monneuse