logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les clés

L’économie est-elle profondément misogyne ?

Les clés | À lire | publié le : 02.09.2019 | Lydie Colders

Image

L’économie est-elle profondément misogyne ?

Crédit photo Lydie Colders

Dans ce livre féministe, engagé et non sans humour, la journaliste suédoise Katrine Marçal s’attaque au machisme de la pensée libérale, d’Adam Smith à nos jours. Une lecture tonique, en faveur de la reconnaissance du travail des femmes sous toutes ses formes.

L’économie aurait-elle un problème de genre ? Dans cet essai caustique et souvent drôle, la journaliste suédoise Katrine Marçal entend démontrer que la pensée libérale dominante a toujours nié le rôle central des femmes, pilier de la société. Du père du libéralisme Adam Smith à nos jours, son livre met en pièces ce machisme économique, depuis ses origines jusqu’à nos jours. Entrée en matière : Adam Smith, vieux célibataire ayant vécu longtemps avec sa mère. « Toute sa vie, elle a veillé sur son fils. Elle est partie intégrante de la réponse à cette question qu’Adam Smith omet de se poser : qui prépare le dîner ? ». Sans les soins de sa mère et globalement l’implication des femmes dans l’éducation des enfants, ce philosophe n’aurait jamais pu écrire La Richesse des Nations, assène-t-elle. Ce problème du travail domestique féminin méprisé par les économistes, la journaliste s’y s’attarde longuement : elle prône de l’intégrer dans le PIB, « alors que dans notre monde, une femme consacre environ les deux tiers de sa journée de travail à des tâches non rémunérées », contre un quart pour les hommes. Inégalités entre vie professionnelle et vie privée, mépris pour les métiers de soins exercés en majorité par les femmes, le livre décrypte en une dizaine de chapitres souvent mordants cette invisibilité des femmes, pilier du système et pourtant oubliées de la pensée « égoïste » de « l’homme économique ».

Travail des femmes, le prix à payer

Dans ce regard mondial, on pourra objecter que l’auteure ne tient guère compte du poids de la culture. Si elle reconnaît que la situation du travail des femmes en Occident s’est nettement améliorée, dans l’accès à des métiers intéressants, Katrine Marçal revient un peu classiquement sur le coût de se conformer « à la masculinité » du discours libéral. « Le conflit vie privée-travail est dépeint comme un problème féminin. Il appartient donc à la femme de trouver des solutions : être plus combative au travail, diminuer ses horaires, mieux agencer sa liste de choses à faire ». En creux, sa réflexion sur le déni du libéralisme concernant le « corps » (la maternité), les soins ou même les sentiments, « devenus des préférences » mercantiles, s’avère nettement plus subtile et sensible. « Est-ce que d’Adam Smith avait besoin de sa mère ou était-ce elle qui avait besoin de lui ? », questionne l’auteure. La vérité, selon elle, c’est que l’économie ultra-rationnelle oublie que nous sommes tous interdépendants…

Auteur

  • Lydie Colders