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Sur le terrain

Compétences : BMW recrute d’anciens collaborateurs à la retraite

Sur le terrain | publié le : 23.09.2019 | Marion Leo

Pour mener à bien sa transition vers l’électrique, le constructeur automobile allemand mise non seulement sur de nouvelles compétences, mais aussi sur le savoir-faire et l’expérience de ses anciens collaborateurs partis à la retraite.

Dans le film « Space Cowboys » de Clint Eastwood, quatre astronautes à la retraite se font rappeler par leur ancien employeur, la NASA, pour une mission cruciale : sauver la terre. C’est un peu ce qui se passe aujourd’hui dans l’industrie allemande, à part qu’il ne s’agit pas de sauver la terre, mais des entreprises en mal de main-d’œuvre. Plusieurs fleurons industriels – Daimler, Thyssen-Krupp, Bosch, Otto Group, l’équipementier ZF – ont ainsi lancé des programmes destinés à « réactiver » leurs anciens collaborateurs à la retraite. Ces derniers interviennent comme consultants dans le cadre de projets précis et limités dans le temps. Chez le constructeur automobile Daimler, le programme avait même été baptisé « Space Cowboys – Daimler Senior Experts » en 2013, lors de son lancement.

En janvier 2019, BMW (93 000 salariés) a mis à son tour en place son « Senior Experten Programm ». Celui-ci se distingue des autres initiatives par son ampleur. Le constructeur a ainsi contacté des milliers d’anciens collaborateurs à la retraite et informé l’ensemble de son personnel du dispositif. L’entreprise recherche des « retraités maison » dans tous les secteurs (R & D, management, RH, services informatiques…). La marque de voitures de luxe est-elle donc touchée par la pénurie de main-d’œuvre qualifiée sévissant outre-Rhin ? « Oui, en partie », répond Martina Hatzel, porte-parole pour les RH de BMW. « Pour l’instant, nous n’avons pas de difficultés de recrutement, car BMW bénéficie d’une marque employeur extrêmement forte. Mais c’est devenu plus difficile. Pour le digital, par exemple, nous sommes en concurrence avec de nouveaux entrants comme Google. »

Tirer profit des savoirs

En fait, les motivations de BMW sont multiples. Elles sont d’abord d’ordre démographique. Selon la porte-parole, le groupe entend se préparer au départ des baby-boomers qui va bientôt débuter et toucher tous les secteurs. Mais l’idée est également de tirer profit des savoirs très spécifiques et de la vaste expérience des anciens collaborateurs. « Des connaissances qui partiraient en fumée, sinon », note-t-elle. Face aux défis du passage à l’électrique, et alors même qu’on ignore souvent le type de compétences qui seront nécessaires dans un avenir proche, quelle contribution les anciens collaborateurs peuvent-ils apporter ? « Nous avons besoin de nouvelles compétences, certes, mais aussi des savoir-faire des plus âgés », répond Martina Hatzel, avant d’ajouter : « Même à l’ère du numérique, nous continuerons à construire des voitures. » L’aide des « anciens » est donc la bienvenue.

Pour mobiliser ces derniers, BMW a fait appel à un prestataire de services externe, Modis, nouvelle filiale high-tech d’Adecco. Le prestataire a conçu une plateforme Internet qui permet aux diverses unités de l’entreprise de faire connaître leurs besoins et aux retraités intéressés de présenter leur profil, leurs compétences et leur disponibilité. La plateforme matche ensuite les données et met en relation le département et le retraité. Celui-ci est ensuite embauché en CDD par Modis et travaille en tant qu’intérimaire, à temps plein ou partiel, chez BMW. Une mission peut durer de plusieurs semaines à plusieurs mois. Sa rémunération se fonde sur le dernier taux horaire perçu avant son départ à la retraite. À l’image de BMW, la plupart des groupes allemands concernés ont recours à des prestataires spécialisés pour dénicher les collaborateurs retraités intéressés.

Un taux d’emploi des seniors de 58 %

Ces initiatives s’inscrivent dans une tendance de fond de la société allemande : l’augmentation constante du nombre de travailleurs âgés en activité et de celui des retraités actifs. Ainsi, le taux d’emploi des seniors de 60 à 64 ans est passé de 20 % à 58 % entre 2000 et 2017, avait noté le gouvernement dans son dernier rapport, publié fin 2018, sur les effets de la loi portant progressivement l’âge du départ légal à la retraite de 65 à 67 ans. Le nombre de seniors encore en activité est passé, quant à lui, de 6 % à 15 % entre 2003 et 2016, selon le dernier Golden Age Index publié par le cabinet PwC. Chez BMW, plus de 350 retraités se sont inscrits sur la plateforme au cours des six premiers mois et 20 missions ont déjà été effectuées. Les motivations de ces seniors sont multiples. Elles vont d’un revenu supplémentaire au sentiment d’être utile en passant par le plaisir de travailler, la reconnaissance, le contact avec des plus jeunes et le fait de rester en forme. « Tant que je serai en bonne santé, je continuerai », expliquait, il y a quelques années, l’un des premiers « Space Cowboys » de Daimler.

Auteur

  • Marion Leo