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Sur le terrain

Question de droit : L’indemnisation du préjudice d’anxiété étendue à toute substance nocive ou toxique

Sur le terrain | publié le : 23.09.2019 | Laurent Beljean

La reconnaissance en 2010 du préjudice d’anxiété a tout d’abord été limitée par la jurisprudence aux salariés exposés à l’amiante et ayant travaillé dans un établissement classé Acaata. Par un arrêt du 5 avril 2019, la Cour de cassation a étendu le bénéfice d’une telle indemnisation à tous les salariés exposés à l’amiante, sur le fondement de la responsabilité de droit commun.

Mais le bénéfice du préjudice d’anxiété est-il offert aux salariés exposés à d’autres substances nocives ?

Plus de sept cents salariés embauchés en qualité de mineurs ont travaillé dans les bassins miniers de Lorraine, avant que leur employeur ne fasse l’objet d’une liquidation judiciaire.

Les intéressés, estimant avoir été exposés à des substances nocives, ont alors saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir le versement de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice d’anxiété ainsi que pour manquement à l’obligation de sécurité.

La cour d’appel rejetait les demandes des salariés, considérant qu’ils n’entraient pas dans le périmètre d’indemnisation défini en 2010 rendant ainsi leur préjudice non indemnisable, et que l’employeur avait satisfait à son obligation de sécurité en ayant fourni des moyens individuels et collectifs de protection.

À tort selon la Cour de cassation qui, dans plusieurs arrêts joints du 11 septembre 2019, a estimé qu’en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, un salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi, peut agir contre son employeur pour manquement à l’obligation de sécurité.

Autrement formulé, un employeur est susceptible de voir sa responsabilité engagée si le salarié démontre avoir été exposé à une quelconque substance nocive dont on sait qu’elle entraînera selon de fortes probabilités le développement d’une maladie grave, et que cette exposition a généré une angoisse personnelle.

À l’évidence, la charge de la démonstration de ces conditions multiples incombe au salarié. De son côté, il revient à l’employeur, si ces conditions sont réunies, de tenter de s’exonérer en démontrant qu’il avait satisfait à l’ensemble des mesures de prévention et de protection à sa charge.

Il est à craindre que cette jurisprudence génère un contentieux abondant relatif aux conditions d’exécution du contrat de travail. Il reviendra aux juges du fond d’appliquer strictement les conditions inventoriées par les Hauts magistrats.

Auteur

  • Laurent Beljean