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L’emprise au travail : un problème occulté ?

Les clés | À lire | publié le : 24.02.2020 | Lydie Colders

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L’emprise au travail : un problème occulté ?

Crédit photo Lydie Colders

Si de nombreux ouvrages ont traité du harcèlement professionnel, ce livre de Wadih Choueiri, consultant en organisation d’entreprise, s’intéresse à « l’emprise au travail », la domination malsaine qu’un manager peut avoir sur un collaborateur. Une analyse psychologique de cette souffrance souvent niée par l’entreprise, selon l’auteur.

Comment caractériser une relation de pouvoir qui vire à l’emprise ? À la différence du harcèlement, le phénomène « d’emprise » s’exercerait « de façon inconsciente » et insidieuse dans la relation de travail, selon Wadih Choueiri. S’appuyant sur la psychanalyse, et des témoignages de salariés ayant souffert de cette situation, le consultant explique les rouages de cette relation malsaine entre un chef qui tente de faire d’un salarié « sa chose » et ce dernier « qui rétrécit, se sent pris en étau, sans moyen d’action apparent » jusqu’à perdre confiance en lui et s’épuiser. S’il s’en défend, l’auteur dépeint ce qui ressemble fort à la perversion narcissique. Avec d’un côté un manager capable d’être généreux, protecteur mais aussi manipulateur et méprisant, cherchant « à vous faire faire des erreurs que vous aurez à cœur de réparer, vous mettant dans une situation d’impuissance ». Si les récits sont glaçants, le consultant ne rentre pas dans la victimisation. Et amène ceux qui acceptent une telle soumission à s’interroger sur « leurs blessures », leur soif de reconnaissance : « l’emprené est une personne sensible, qui se remet en cause. Il est mû par des idéaux et peut être fasciné par autant de pouvoir », explique-t-il.

Une « souffrance » qui questionne l’organisation

De même, l’auteur refuse d’incriminer trop vite ceux qui exercent l’emprise. « Certaines personnes iraient beaucoup trop loin, sans se rendre compte des effets engendrés. D’autres, au-delà de la logique de performance attendue, exerceront une prise excessive pour nourrir leurs pulsions. » Son livre donne quelques clés rapides pour que les salariés arrivent « à désacraliser le pouvoir de l’empreneur ». Problème : les témoignages montrent que, faute d’appui, les victimes finissent par quitter leur emploi, dans le cadre parfois d’un déni des DRH sur ces questions. Face à ces relations « destructrices », Wadih Choueiri entend donc sensibiliser les entreprises à agir « face à cette souffrance qui échappe aux risques psychosociaux ». La réflexion est hélas trop conceptuelle, invitant les dirigeants à quitter « le dogme » du pouvoir tout-puissant pour s’ouvrir à davantage « de démocratie » et d’autonomie participative. Ou à créer des « lieux ouverts et de partage, utiles pour réduire la violence et promouvoir la capacité d’action des salariés ». Un appel à libérer la parole un peu juste, face à la gravité du sujet…

Auteur

  • Lydie Colders