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Entretien : « En matière d’égalité, les PME ne font pas partie des mauvais élèves »

Le point sur | publié le : 02.03.2020 | I. L.

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Entretien : « En matière d’égalité, les PME ne font pas partie des mauvais élèves »

Crédit photo I. L.

Patrice Roussel est professeur à l’université de Toulouse 1 et chercheur (CNRS) en gestion des ressources humaines à TSM Research. Ses travaux, réalisés à partir des données 2016 de l’Insee et publiés en 2019, révèlent un écart salarial de près de 87 % entre les secteurs qui rémunèrent le mieux les femmes et ceux qui leur allouent les plus bas salaires.

Quel est l’objectif de vos travaux ?

La particularité de ces données est de mettre le doigt sur l’origine des écarts de salaires entre hommes et femmes. Par secteur, quand nous agrégeons les données, nous obtenons un écart de salaire moyen de 18,4 %. Ce pourcentage cache des différences et de fortes disparités. Tant que nous nous basons sur des moyennes nationales, les mauvais élèves se cachent derrière ce score moyen et les bons élèves ne sont pas reconnus.

Les secteurs bien portants sont-ils les moins discriminants ?

Non. Au contraire. Les femmes gagnent moins dans les secteurs les plus rémunérateurs. Ainsi, dans la finance, l’écart de rémunération entre hommes et femmes est de 51,83 %. Parmi les secteurs bien portants, il y a tout de même de bons élèves. C’est le cas de l’industrie aérospatiale. Les femmes y occupent des postes de cadres en RH, en marketing. L’écart de rémunération est de 9 %.

Où les femmes sont-elles le moins discriminées ?

Elles sont moins discriminées dans les secteurs où l’on gagne le moins. Au sein des secteurs qui comprennent des écarts salariaux entre 5 % et 9 %, on trouve par exemple les secteurs de la construction, réparation et maintenance navale (un peu moins de 9 %) ou le commerce de détail d’équipements automobiles (5,44 %).

Vos travaux portent sur les différences de rémunération entre hommes et femmes dans 650 secteurs. Les données sont-elles également disponibles par taille d’entreprise ?

Cette analyse par secteur ne permettait pas de disposer de données croisées avec la taille de l’entreprise, ni avec la zone géographique. Concernant les PME qui emploient entre 50 et 250 salariés et qui sont donc concernées depuis le 1er mars par l’obligation de mettre en place le calcul d’un index de l’égalité salariale femmes-hommes, je ne pense pas qu’elles fassent partie des mauvais élèves. La raison n’est pas que le management y est plus vertueux qu’ailleurs, mais qu’il y a moins de salariés par établissement. Le secteur concerné par les entreprises de petite taille est le commerce de détail, celui du textile où les écarts de salaires entre hommes et femmes sont faibles et celui de l’alimentaire où les écarts sont en faveur des femmes.

Pensez-vous que la mise en place d’un index de l’égalité salariale femmes-hommes est réalisable pour les PME de 50 à 250 salariés ?

Pour celles dont l’effectif est compris entre 50 et 150 salariés, cela risque d’être difficile sauf peut-être pour certaines start-up dans le secteur de la high-tech qui regorgent de données chiffrées. Les chefs de ces PME auront peu de temps à consacrer à cette tâche supplémentaire. Ce sera sans doute leur expert-comptable qui, moyennant finance, s’en chargera. Pour les PME qui comprennent entre 150 et 250 salariés, elles emploient bien souvent un DRH, les données sont disponibles et, par conséquent, le calcul de l’index sera réalisable.

Selon vous, la mise en place d’un index de l’égalité salariale femmes-hommes est-elle la panacée ?

L’introduction d’un tel indicateur est une démarche intéressante et vertueuse au niveau des branches et des entreprises. L’index va dans la bonne direction et va aider les chefs d’entreprise à changer de regard sur leur culture managériale et leur culture d’entreprise.

D’un point de vue politique et économique, que montre votre analyse ?

Ces données permettent de mettre le doigt sur le climat social du pays et expliquent en partie la crise des gilets jaunes. Il y a un écart de 87 % entre les secteurs les moins rémunérateurs (en dessous de 20 000 euros par an et par salarié) et ceux qui offrent les meilleurs salaires. La prime Macron, les exonérations de charges… ne devraient-elles pas être exclusivement concentrées sur les secteurs qui offrent les plus bas salaires ?

Les discriminations envers les femmes doivent-elles trouver une solution exclusivement au sein de l’entreprise ?

La solution ne viendra pas uniquement de l’entreprise, mais également de l’école, de la société. La discrimination envers les femmes est d’abord un problème sociologique avant d’être celui des RH.

Auteur

  • I. L.