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Sur le terrain

États-Unis : The Body Shop se convertit à l’embauche ouverte

Sur le terrain | publié le : 16.03.2020 | Caroline Crosdale

La filiale américaine de la chaîne de produits de beauté va simplifier les recrutements saisonniers. Les premières candidatures seront acceptées, sans aucune vérification…

La filiale américaine de la chaîne de magasins de produits de beauté The Body Shop a décidé de sauter le pas. Cet été, le groupe va lancer l’opération « embauche ouverte ». En clair, le premier candidat qui se présente est accepté… On ne vérifie plus le casier judiciaire, on ne fait plus de tests d’urine pour détecter une éventuelle consommation de drogue. Andrea Blieden, la gérante de The Body Shop aux États-Unis, a expliqué dans le magazine Fast Company sa nouvelle approche. L’entreprise, qui fait partie du groupe brésilien Natura and Co, se contente de trois questions. Avez-vous le droit de travailler en Amérique ? Pouvez-vous tenir pendant huit heures ? Êtes-vous capable de soulever 22 kg ? Si le candidat répond oui trois fois, il décroche un premier poste de débutant. Cette technique d’embauche simplifiée surprend. Mais Andrea Blieden ne l’a pas inventée. Elle s’est en fait inspirée de l’exemple de la boulangerie industrielle Greyston, dans l’État de New York. Ce fabricant de brownies au chocolat pratique « l’embauche ouverte » depuis 1982. Son fondateur, le défunt Bernie Glassman, était un bouddhiste zen désireux de créer un monde plus juste. Les anciens taulards, les sans-logis, ou ceux qui n’ont pas terminé leurs études au lycée peuvent donc venir s’inscrire sur la liste d’attente de Greyston. On ne leur pose pas de questions. Lorsqu’un poste se libère, on les appelle et on leur propose un apprentissage à l’usine. Mike Brady, le directeur de Greyston, est persuadé de la pertinence de son approche. Et à un moment où le taux de chômage se situe autour de 3,6 % outre-Atlantique, il dit avoir découvert un nouveau vivier de talents, pour l’instant peu exploré. Et depuis 2018, Mike Brady anime le Centre pour l’embauche ouverte, qui propose des ateliers de deux jours aux autres patrons, afin de leur faire découvrir sa méthode.

Faible turnover ?

C’est ainsi que la direction de The Body Shop s’est familiarisée avec ce nouveau concept. La chaîne, créée par Anita Roddick, est connue pour son approche sociale et éthique. Elle met l’accent sur l’usage d’ingrédients naturels, le packaging recyclable et le refus de tester les produits sur les animaux. En élargissant son recrutement aux cabossés de la vie, The Body Shop ne fait donc pas un si grand écart. En juin dernier, l’équipe RH a rendu visite à Greyston, dans la banlieue new-yorkaise. Les chefs de service du centre de distribution se sont impliqués. Et un test a été lancé pour les fêtes de fin d’année. Sur cette période, le centre de distribution de The Body Shop embauche généralement 200 saisonniers. Contrairement aux années précédentes, les CV n’ont pas été épluchés. Et les résultats en ont étonné plus d’un. En novembre 2018, ces emplois temporaires et mal payés avaient connu un taux de turnover de 38 %. Le mois suivant, de 43 %… Mais lorsqu’en 2019, The Body Shop a « ouvert » l’embauche, le taux de rotation est passé à 14 % en novembre et 16 % en décembre. Le groupe qui d’habitude demandait à trois agences de travail temporaire de lui trouver du personnel, a travaillé avec une seule agence.

Les chefs de service ont échangé avec les saisonniers. Ces derniers avaient eu tellement de mal à trouver un emploi qu’ils n’avaient aucune envie de gâcher la chance qui leur était donnée. Au contraire, ils se sont accrochés. Et la productivité a grimpé… Andrea Blieden, la gérante de la chaîne, a été convaincue par ce premier test. Elle a décidé de développer l’embauche ouverte cet été dans les magasins. Quelque 800 postes, parfois 1 000, au plus fort de la saison, sont ainsi à pourvoir. Chez Greyston, on souligne les économies réalisées sur le recrutement. Le tri des CV, les vérifications de casiers judiciaires et autres enquêtes sur le passé des candidats coûtent plus de 4 000 dollars par personne. Autant utiliser cet argent en formation des nouvelles recrues…

L’initiative de The Body Shop a été accueillie avec un certain scepticisme par des experts en RH. Alonzo Martinez, par exemple, qui s’occupe de la vérification des CV chez Hire Right, met en lumière les risques de poursuites judiciaires de l’entreprise pour « embauche négligente ». Si une nouvelle recrue s’attaque à ses collègues ou s’en prend à une cliente, « de bonnes intentions génèrent de mauvaises conséquences », écrit-il dans le magazine Forbes. Mais l’embauche d’ex-détenus, par exemple, peut aussi apporter de bonnes surprises. Le groupe hospitalier Johns Hopkins leur réserve ainsi 20 % de ses postes de débutants. Une enquête menée sur 500 embauches, pendant plus de trois ans, montre que le turnover des ex-prisonniers est inférieur à celui des salariés qui avaient un casier judiciaire vierge !

Auteur

  • Caroline Crosdale