logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Chroniques

Les objectifs, mécanisme immunitaire face à la crise du Covid-19 ?

Chroniques | publié le : 25.05.2020 | Fabien de Geuser, Charles-Henri Besseyre des Horts

Image

Les objectifs, mécanisme immunitaire face à la crise du Covid-19 ?

Crédit photo Fabien de Geuser, Charles-Henri Besseyre des Horts

Parmi toutes les interrogations liées à la crise actuelle, il y a celle de son imprédictibilité(1). Celle-ci constituerait en fait l’apothéose de la remise en question de toute possibilité de se projeter dans l’avenir, même à court terme. On savait que des événements pouvaient mettre en défaut un plan, un budget, un horizon quelconque. L’imprédictibilité restait dans un intervalle acceptable et constituait une sorte d’imprédictibilité gérable. Mais la crise du Covid-19, par son ampleur et surtout par le fait qu’elle a quasiment totalement arrêté subitement l’activité économique et transformé de manière instantanée nos méthodes de travail, explose complètement tous nos plans et objectifs. On peut alors parler d’une imprédictibilité radicale. Pire, cette imprédictibilité radicale risque de devenir la norme, car chacun d’entre nous a perçu, dans la situation actuelle, le murmure des prochaines grandes crises sanitaires, écologiques ou sociales.

Cela a bien sûr

de nombreuses conséquences. Mais on voit bien que l’un des outils centraux de nos entreprises, le management par objectifs, cher aux DRH, est clairement remis en question par cette nouvelle normalité, celle de l’imprédictibilité radicale. Comment en effet fixer des objectifs quand tout peut se renverser et comment mesurer la performance de chacun en la comparant à ces objectifs lorsque des événements majeurs peuvent complètement neutraliser toute tentative d’attribution de responsabilité ? Face à ces incertitudes majeures, on peut défendre le point de vue selon lequel la fixation d’objectifs pourrait être au contraire l’un des remèdes à la crise managériale engendrée par le Covid-19.

Car les objectifs

servent aussi à se préparer en réfléchissant à des scénarios, mais également à la manière de réagir « au cas où ». On le fait tous en « en gardant un peu sous la pédale ». C’est ce qu’on appelle le « slack ». Les objectifs donnent un cap qui permet de s’orienter dans un environnement incertain, de maintenir son attention sur ce qui compte. Ils permettent aussi la coordination, car les objectifs des uns deviennent souvent les moyens ou les contraintes des autres. Et ils sont rassurants, car ils donnent un peu de formalités dans un monde qui devient de plus en plus flou. On sait à peu près comment on va être mangé. Ils orientent, rassurent, permettent la coordination, entretiennent le sentiment d’équité et justice dans le traitement RH… Pas mal, en situation de crise !

Alors, bien sûr,

les résultats vont être différents des objectifs. C’est la leçon du Covid-19, mais cela veut simplement dire que l’on doit apprendre à gérer des écarts, à reconnaître que ces écarts ne sont pas forcément des fautes, mais des opportunités ; à travailler mieux les plans d’actions et les capacités de réaction et de résilience ; à assurer une fixation négociée et participative des objectifs, à se montrer équitable et juste dans les diverses formes, financières et non-financières, de reconnaissance. Bref, pour les DRH, à aider les managers à mieux savoir piloter en eau trouble dans un contexte qui a pourtant, au cours des dernières années, remis en cause le sacro-saint entretien annuel de performance.

Les objectifs

risquent donc bien de survivre à la crise du Covid-19 : peut-être même pourraient-ils constituer l’un des principaux mécanismes de défense face aux crises futures. Les objectifs, comme mécanisme immunitaire face à la crise : un rêve ou une réalité ?

Même si cette dernière est d’ailleurs discutée. Voir par exemple les travaux de Frédéric Keck à ce sujet : Les Sentinelles des pandémies : chasseurs de virus en Chine, éditions Zones Sensibles, 2020.

Auteur

  • Fabien de Geuser, Charles-Henri Besseyre des Horts