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Le fait de la semaine

Covid-19 : Le travail à l’heure du masque

Le fait de la semaine | publié le : 31.08.2020 | Benjamin d’Alguerre

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Covid-19 : Le travail à l’heure du masque

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

Un nouveau protocole sanitaire applicable le 1er septembre prévoit l’obligation du port du masque dans les entreprises pour contrer les risques de contamination au coronavirus. Le gouvernement écarte la possibilité de dérogations à cette nouvelle règle, mais préconise le télétravail en guise d’alternative.

Un masque et ça repart ? À compter du 1er septembre, le port du masque sera « systématisé » – comprendre : obligatoire – sur le lieu de travail. Open spaces, salles de réunion, bureaux partagés, vestiaires et même couloirs seront ainsi concernés. Seule exception à la règle : les bureaux privatifs à condition que l’occupant y soit bien seul. Dura lex, sed lex : cette obligation d’un type nouveau pour les entreprises fait suite à une recommandation émise par le Haut conseil à la santé publique (HSCP) le 14 août 2020, mais répond surtout à un impératif économique. À l’heure où la crise du coronavirus a entraîné, en quelques mois, une chute de presque 11 de points de PIB, le pays ne peut s’offrir le luxe d’une nouvelle mise à l’arrêt. « Il ne va pas être facile d’appliquer ces règles dans les entreprises et particulièrement dans les plus petites, mais si c’est le prix à payer pour éviter un nouveau confinement, alors allons-y », soupire Laurent Munerot, le président de l’U2P, la confédération des artisans et des professions libérales.

À la suite de plusieurs rencontres entre les ministères du Travail, de la Santé, les principales autorités sanitaires et les partenaires sociaux, un nouveau protocole de sécurité sanitaire remplaçant le précédent protocole de déconfinement a été finalisé le vendredi 28 août après la publication d’un avis du HCSP et rendu public le lundi 31 août… pour une application immédiate, dès le lendemain ! « Découvrir les règles le vendredi pour les appliquer le mardi, ça pique un peu, même si nous sommes déjà préparés depuis la sortie du confinement », confie le DRH adjoint d’un grand groupe énergétique français. N’empêche : le monde des ressources humaines s’attend déjà à subir le mécontentement, voire des situations d’obstruction, de la part de certains salariés. Une crainte pas nécessairement injustifiée puisqu’une étude réalisée fin août par le groupe de travail temporaire Qapa révèle que 38 % des Français refusent l’idée de porter le masque sur leur lieu de travail dont 26 % de fortes têtes prêtes à braver l’obligation légale ! Migraines en vue pour les services RH et les managers qui vont devoir à la fois jouer à la police du masque et justifier de leurs efforts en matière de respect des règles sanitaires auprès de l’inspection du travail en charge du contrôle de l’application du protocole. Il sera cependant difficile d’y échapper : « Le refus du port du masque par un salarié pourra faire l’objet de sanctions de la part de l’employeur pouvant aller jusqu’à l’avertissement ou le licenciement », prévient l’exécutif. Avis aux récalcitrants. Mais à l’inverse, un employeur qui ne répondrait pas à sa mission de protection de la santé des salariés s’exposerait à un droit de retrait ou même à des actions contentieuses pouvant donner lieu à d’importantes indemnisations.

Pas de dérogations… mais des assouplissements

Le coup est rude aussi pour le patronat, qui avait, dans un premier temps, plaidé pour que les mesures de protection contre la propagation de la Covid-19 soient laissées à l’appréciation des employeurs, puis, dans un second, tenté de négocier des dérogations au protocole en fonction des secteurs. « Pas de dérogations », a répondu le ministère du Travail après avoir un temps tergiversé sur la question. Pas de dérogations… mais quelques ajustements tout de même « pour répondre à certaines situations spécifiques ». À l’heure où ces lignes sont écrites (mercredi 26 août), le HCSP n’a toujours pas fait connaître ses dispositions, mais plusieurs sources semblent indiquer que les plateaux de télévision, certains chantiers ou salles de sport pourraient bénéficier de ce droit d’adaptation, à condition qu’il soit passé par la case du dialogue social. Des aménagements similaires pourraient également profiter en cas d’espaces de travail suffisamment vastes pour qu’un faible nombre de salariés puissent l’occuper sans masque si la distanciation physique le permet ou si l’employeur a investi dans d’autres protections comme les vitres en plexiglas.

« S’il n’y a que deux salariés dans un open space de 150 m2, l’opportunité du port du masque pourra être débattue », indiquait le 18 août dernier Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État en charge de la Santé au travail, à l’issue d’une rencontre avec les partenaires sociaux. Invité à la Renaissance des entreprises de France (LaRef), la nouvelle identité des universités d’été du Medef, Jean Castex a d’ailleurs confirmé le 26 août l’existence de ces possibilités d’assouplissements « pour éviter des mesures trop impérieuses », sans toutefois les détailler. Pas sûr cependant que ces aménagements, même consentis par les autorités du Travail, passent facilement, certains syndicats (en premier lieu la CGT) s’affirmant prêts à déterrer la hache de guerre en cas de situation qui pourrait être interprétée comme une mise en danger de la santé des salariés…

Le risque d’une hausse des clusters « entreprises »

Mais la sévérité de principe qu’affiche l’exécutif est aussi le prix à payer pour une rentrée confiante. « Les salariés ne doivent pas reprendre leur poste en s’imaginant que leur travail est un potentiel foyer de contamination », explique Élisabeth Borne. La crainte n’est pas infondée : sur les 268 clusters faisant actuellement l’objet d’une enquête, 60 sont liés au monde professionnel . 56 % des sondés de l’enquête Qapa avouent d’ailleurs leur crainte à l’idée de retourner au travail. Une série de guides professionnels consacrés à la sécurité sanitaire ont déjà été diffusés par les autorités du Travail et d’autres sont en préparation pour assister entreprises et salariés dans cette épreuve. Certains secteurs, à l’image de celui des abattoirs où les conditions d’humidité et d’hygiène facilitent de potentielles contaminations, font l’objet d’une attention particulière et les directions sanitaires associées à celles du Travail planchent sur l’élaboration d’une cartographie de ces branches « à risques » qui devrait être disponible « dans les prochaines semaines ».

Pour autant, le masque ne saurait constituer la seule réponse au risque d’une reprise lourde de la pandémie : respect des gestes barrières, de la distanciation sociale, lavage de mains régulier et désinfection systématique des locaux et des outils de travail. Reste également le développement de cette alternative au masque qu’est le télétravail. Le confinement a fait sauter un certain nombre de réserves patronales sur ce mode de travail à distance, malgré les difficultés pour les managers obligés de coordonner leurs équipes à distance. Fin août, le ministère a d’ailleurs incité les partenaires sociaux à accélérer le rythme de leur négociation en cours dans l’optique d’aboutir à un futur accord national interprofessionnel.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre