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Entretien avec Édouard Robin, Anact : « Un mode d’organisation collectif Intégrant l’ensemble des salariés »

Le point sur | publié le : 31.08.2020 | Gilmar Sequeira Martins

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Entretien avec Édouard Robin, Anact : « Un mode d’organisation collectif Intégrant l’ensemble des salariés »

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Chargé de l’élaboration des solutions de transfert à l’Anact, Édouard Robin estime que l’approche du télétravail doit désormais être globale et paritaire.

Que pensent les entreprises du télétravail ?

Nous avons mené pendant deux mois une consultation sur le télétravail et nous avons observé une évolution des mentalités côté employeur, mais aussi chez les salariés. Les salariés veulent passer plus de temps qu’avant la crise en télétravail, régulier ou occasionnel, et avoir plus de choix dans l’organisation du travail. Ce souhait rejoint celui des directions qui veulent mettre sur pied d’autres modalités d’organisation du travail. Il faut cependant bien distinguer la période de crise que nous avons traversée et ce qu’il se passe avec un retour progressif à des conditions normales. Aujourd’hui, il faut tirer les leçons de la période de crise pour construire un cadre de télétravail qui prend en compte ce qui a été positif, en termes d’efficacité et de performance pour l’entreprise, mais aussi pour la santé des salariés : la réduction des temps de trajet ou la mise en œuvre des capacités d’auto-organisation des salariés ont des effets positifs sur la santé. La construction d’un nouveau cadre pour le télétravail exige aussi de prendre en compte les effets négatifs et les risques liés au travail à distance, que le confinement a mis en exergue : l’usure provoquée par la durée exceptionnelle de cette période, le creusement des différences et des inégalités entre les personnes en télétravail, celles qui sont restées sur site et celles en chômage partiel, ces trois catégories pouvant se trouver dans une seule entreprise. Cette expérience de crise invite ainsi à repenser les liens et les fonctionnements entre les différents acteurs de l’entreprise, en interne entre métiers ou entre niveaux hiérarchiques, mais aussi avec l’extérieur, avec les sous-traitants et les clients bien sûr.

Quelle approche préconisez-vous ?

Le télétravail ne doit plus être pensé seulement comme un dispositif RH pour répondre à des attentes individuelles qui restent légitimes comme la diminution des temps de trajet ou la régulation des équilibres vie professionnelle/vie personnelle. Il est possible de penser le télétravail comme un mode d’organisation collectif intégrant l’ensemble des salariés, qu’ils soient télétravailleurs ou non. Pour cela, il est utile de partir des activités, de déterminer comment elles peuvent être « télétravaillées » et concevoir de nouvelles organisations. Cette analyse doit être menée de manière participative avec les salariés et paritaire en associant les représentants du personnel. Nous nous plaçons dans la continuité de l’ANI de 2013 sur la QVT et l’égalité professionnelle. Nous estimons qu’il faut instituer une conduite paritaire notamment dans l’analyse du retour d’expérience de la période de confinement, mais aussi dans les instances de pilotage. Il faut associer les salariés et leurs représentants à l’analyse de ce qui a eu lieu, au pilotage et à l’expérimentation et faire remonter ces contributions au niveau paritaire pour concevoir les orientations à donner au cadre nouveau ou adapté du télétravail de demain.

Faut-il associer les salariés à cette démarche ?

Ne pas associer les salariés et leurs représentants à la démarche d’analyse du retour d’expérience, c’est prendre le risque de passer à côté des enjeux qu’ils portent. C’est aussi se priver de l’analyse des salariés sur leur fonctionnement individuel et collectif, alors même que le télétravail reste basé sur le volontariat. Une conception inadaptée du télétravail accentue les risques qui pèsent sur l’organisation, sur les salariés et leur santé : risques liés à la surconnexion, risque d’isolement et de rupture avec le collectif, risque de répartition inégale de la charge de travail et perte d’efficacité… Il y a aussi un risque d’inadaptation du management, tenté par le contrôle, voire le surcontrôle, en augmentant le reporting. Durant le confinement, le renforcement de certaines pratiques de contrôle a contribué à augmenter l’usure éprouvée par les salariés. Le télétravail exige certaines conditions qui doivent prendre appui sur le cadre légal en l’adaptant aux contraintes et ressources de chaque organisation. Nous sommes favorables à la promotion d’accords paritaires ou à tout le moins de chartes unilatérales conçues paritairement. Un accord offre un cadre plus sécurisant pour tous les acteurs, plutôt qu’une série de simples discussions.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins