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Le fait de la semaine

Télétravail : Au bout des discussions, un accord ?

Le fait de la semaine | publié le : 07.09.2020 | Gilmar Sequeira Martins

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Télétravail : Au bout des discussions, un accord ?

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Érigé en panacée durant le confinement, le télétravail fera-t-il l’objet d’un ANI comme le réclament tous les syndicats engagés dans les discussions avec les organisations patronales ? Improbable lors des premières réunions, cette éventualité fait son chemin. Lentement.

La prochaine discussion sur le télétravail prévue le 11 septembre par les partenaires sociaux ouvrira-t-elle la porte à un accord interprofessionnel, ce que souhaite ouvertement le gouvernement ? Ou bien assistera-t-on à un remake des échanges de 2017 qui s’étaient achevés par de simples conclusions ? Pour l’heure, on s’achemine encore vers une issue conclusive que la CGT qualifie de « ridicule ». À l’instar des autres organisations syndicales, la centrale de Montreuil n’a d’autre objectif que la conclusion d’un ANI. Continuer sur la seule base d’accords d’entreprises serait contre-productif, y compris pour les sociétés, souligne Jérôme Vivenza, représentant de la CGT : « Si leurs accords sont différents, il y aura forcément des dysfonctionnements et de l’incompréhension, ce qui aurait des conséquences négatives sur la qualité du travail. »

Encadrer la « continuation d’activité à domicile »

La CFE-CGC se montre encore plus alarmiste. « Généraliser le télétravail sans négociation serait une grande erreur », assure Jean-François Foucard, secrétaire national chargé de l’emploi et de la formation. « Quand 90 % des salariés d’une entreprise télétravaillent un ou deux jours par semaine, si le système n’est pas organisé, vous n’avez plus jamais tout le monde en même temps sur le lieu de travail. Les équipes ne seront jamais au complet, comment une cohésion est-elle possible ? » La confédération de l’encadrement estime ainsi que « les entreprises seront tentées de recourir à la sous-traitance ou d’augmenter la robotisation » et conclut que « la généralisation du télétravail peut être une boîte de Pandore pour les salariés ».

Si un ANI doit être conclu, la CFE-CGC juge indispensable d’y inclure des mesures sur la « continuation d’activité à domicile » (CAD) instituée durant le confinement « car les faits majeurs comme la pandémie de Covid devraient revenir régulièrement avec des fréquences de cinq ou dix ans », souligne Jean-François Foucard. « Ce type d’outil doit être encadré. Il faut à la fois encadrer les conditions de son déclenchement, de sa gestion et aussi avoir des obligations sur la charge de travail car c’est un mode de travail dégradé. » Dans un tel cas de figure, l’entreprise doit aussi être tenue de négocier un accord. La CFE-CGC souhaite que les règles de repos actuelles (11 heures de repos consécutifs) soient aménagées et que les salariés soient mieux informés et disposent d’une « protection renforcée contre le licenciement ». Sur le télétravail « classique », la CFE-CGC souhaite que l’ANI prévoie la prise en charge des frais professionnels.

Pour la CFDT aussi, aboutir comme en 2017 à de simples conclusions ou une « synthèse paritaire » n’est pas envisageable. Sans surprise, Catherine Pinchaut, la représentante de la centrale réformiste, appelle à la conclusion d’un ANI qui « doit être un cadre en partie contraignant mais ouvert et flexible pour laisser place à des adaptations ». Selon la secrétaire nationale de la CFDT, un tel accord doit permettre de décortiquer chaque poste pour « analyser quelles activités peuvent être “télétravaillées” ». Fini donc les distinctions entre cadres et non-cadres.

Une modalité comme une autre

Ensuite, la formation du manager et du collaborateur doit être prévue. « Les managers doivent être formés à manager le travail de leurs équipes à distance », estime Catherine Pinchaut. Quant aux salariés, ils « doivent comprendre qu’ils ont une responsabilité individuelle à s’organiser, à participer à des moments d’échange avec les managers qui ont pour mission de contrôler. » Plus globalement encore, c’est sur « toute l’organisation du travail » que la CFDT souhaite dialoguer afin que le télétravail devienne « une modalité comme une autre du travail ».

La CGT voit grand elle aussi. La centrale de Montreuil estime que l’ANI doit avoir une portée large et « définir une articulation entre le télétravail régulier et le télétravail informel qui couvre aussi les cas de mobilité » afin d’assurer « la mise en place d’un socle de droits accompagnés de préconisations pour s’adapter aux réalités du travail ». Jérôme Vivenza insiste particulièrement sur le droit d’expression des salariés qui « doit permettre d’aboutir à la participation aux décisions concernant le télétravail » et compte inclure dans le cadre des négociations « le cas des collectifs de travail groupant des salariés de différentes entreprises, comme dans le secteur de la logistique par exemple ».

Devant l’unanimité des organisations syndicales et les signaux envoyés par l’exécutif, les organisations patronales ont su faire évoluer leur attitude. Certes, l’organisation de Geoffroy Roux de Bézieux n’a pas modifié l’objectif des rencontres avec les partenaires sociaux, en l’occurrence « analyser finement cet événement [le télétravail généralisé durant le confinement] afin d’identifier les enseignements à en tirer ». Une nécessité indispensable car, souligne Hubert Mongon, délégué général de l’UIMM, « le phénomène du télétravail s’est prolongé au-delà du confinement et est source de nouvelles opportunités dans les entreprises ». Avant la fin du mois de septembre, le Medef table toujours sur l’élaboration d’un « document de synthèse qui posera des analyses et des points de repère pour les entreprises, et éventuellement pour les branches, qui seraient intéressées pour mener des concertations sur ces sujets ». Une légère inflexion s’est cependant produite durant l’été. Avant la brève pause estivale, le Medef avançait « qu’il y a autant de formes d’organisation de travail à distance que de salariés et d’entreprises » et déduisait de ce constat l’inutilité d’un accord interprofessionnel, le bon échelon de négociation étant l’entreprise.

Interrogé par Le Monde avant la dernière réunion du 2 septembre, Geoffroy Roux de Bézieux semblait moins catégorique : « Quand le diagnostic sera finalisé et surtout partagé, il sera temps de discuter pour voir s’il y a matière à accord. » S’il ne figure toujours pas sur la feuille de route du Medef, la possibilité d’un ANI n’est plus totalement exclue. L’U2P module aussi son approche. S’il exclut toute indemnité liée au télétravail, son vice-président, Michel Picon, affiche une ouverture sous conditions : « Nous ne voulons pas de nouvelles normes qui s’appliquent de la même façon à toutes les entreprises, petites ou grandes. Si des normes nouvelles voient le jour, elles ne doivent pas être pensées uniquement en fonction du point de vue des grands groupes. Il faut prévoir des normes différenciées, par taille d’entreprise et nature d’activité. ». Bref, un ANI n’est pas une certitude, mais au moins une possibilité.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins