Pour les managers, c’est la rentrée. Elle intervient alors que les contextes de travail ont été fortement bousculés par le confinement et l’extension brutale du télétravail, qui ont révélé l’importance cruciale du management de proximité dans le bon fonctionnement des organisations. Dès avant la crise sanitaire, l’une des rares enquêtes quantitatives robustes sur le management avait montré un point essentiel : un mauvais management est identifié par les salariés européens comme la principale entrave à leur productivité au travail. Presque un quart (23 %) d’entre eux placent la déficience managériale en tête des obstacles à leur productivité. Cette étude publiée en avril 2019 par l’éditeur de logiciels ADP sous le titre « The Workforce View in Europe », couvre plus de 10 000 actifs européens dans huit pays (France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Pologne, Espagne, Suisse et Royaume-Uni).

La déficience managériale (avec 23 %) se place bien au-dessus des autres problèmes, comme l’inefficacité des systèmes et processus (18 %), le manque de personnel de soutien (18 %) ou l’inefficacité des technologies employées (16 %). Les salariés espagnols sont ceux qui subissent le plus un management en défaut (31 %), suivis des Italiens (27 %), Polonais (27 %) et Allemands (24 %). À l’inverse, la France échappe à la « malédiction de l’Europe du Sud », illustrée par l’Italie et l’Espagne, que l’on voit fréquemment se dessiner dans les enquêtes sur le management : seuls 15 % des Français identifient le management comme principal obstacle à la productivité (ce pourcentage monte à 23 % dans le secteur « arts et culture » et à l’inverse, atteint son minimum, soit 8 %, dans les services financiers).

Mais attention : les facteurs d’inefficacité interagissent et sont systémiques. En particulier, le « management à la française » peine à donner envie aux collaborateurs de s’impliquer dans un projet d’entreprise partagé. La conséquence est particulièrement visible dans l’enquête ADP : plus d’un quart (27 %) des salariés français sont pessimistes pour ce qui est de leurs cinq prochaines années professionnelles, proportion la plus élevée des pays étudiés.

ADP a d’ailleurs publié une enquête en novembre 2017 (Evolution of Work 2.0) menée dans 13 pays, qui montrait que les managers français apparaissent comme les moins bien considérés d’Europe par les salariés de leur pays et, plus inquiétant encore, qu’ils n’en ont pas conscience. Ainsi par exemple, dans le domaine crucial du management des talents, les salariés français sont les plus critiques mais c’est aussi en France que l’on observe la plus importante différence de perception : 60 % des employeurs estiment que leur entreprise est performante en matière de gestion des talents contre à peine 25 % des salariés.

En matière de qualité de la relation managériale, la notion d’empathie ou d’estime est clé : c’est elle qui soutient le reste, à savoir le respect, la reconnaissance, la loyauté et le fameux « engagement ». L’étude d’ADP montre que seuls 23 % des salariés français se sentent estimés au travail, score le plus bas de tous les pays étudiés, contre pas moins de 56 % des salariés hollandais ou 50 % des Allemands. Mais le plus perturbant est ailleurs : les employeurs n’ont pas conscience de cette déficience puisqu’ils sont 52 % à penser que tout va bien sur le sujet, soit un écart au-delà du simple au double…

Ce diagnostic doit nous alerter mais pas nous désespérer. D’autres études et recherches académiques montrent que la relation inverse est tout aussi pertinente : la qualité du management est un déterminant fondamental de la compétitivité. Chacun d’entre nous peut contribuer à la construction d’un management exigeant et bienveillant. Bonne rentrée à tous !