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Benoît Serre Partner au BCG, vice-président délégué de l’ANDRH

Chroniques | publié le : 05.10.2020 |

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Benoît Serre Partner au BCG, vice-président délégué de l’ANDRH

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Après la raison d’être, la raison de venir

Plusieurs dizaines d’entreprises réfléchissent ou sont en cours de négociation pour instaurer, généraliser ou encadrer le télétravail et les autres formes de « travail hors site » (tiers-lieu, coworking). Après un effet de mode en mai/juin où cela semblait être l’alpha et l’oméga du monde d’après, on constate un ralentissement non pas des intentions, mais de la mise en œuvre. C’est heureux, car changer le mode de travail c’est aussi modifier le rapport à l’entreprise, le rapport au lieu de travail, c’est au fond changer le travail. Une enquête ANDRH/BCG de juin dernier démontrait d’ailleurs que le principal risque perçu par les DRH était la perte du lien et du lieu social que constitue l’entreprise. Et pourtant, dans son enquête de septembre, l’ANDRH montre aussi que le télétravail est le second sujet de préoccupation des DRH (après les mesures sanitaires).

Si ce constat est généralement partagé, il demeure que de plus en plus d’organisations mesurant peu à peu l’impact réel de ce choix engagent une réflexion plus large pour faire du télétravail une opportunité de transformation. Apparaissent alors deux autres sujets qui encadrent le principal : le management et les locaux.

L’expérience soudainement acquise du télétravail généralisé et confiné a révélé parfois les failles de notre modèle classique de management fondé sur le contrôle et la présence. Dans le même temps, on a découvert que malgré l’impossibilité de manager classiquement, le niveau d’engagement comme la productivité n’étaient que peu touchés par cette période si troublée. Est-ce à dire que manager n’est pas utile ? Évidemment non, mais peut-être cela signifie-t-il que surcontrôler n’est pas pertinent ? Cela révèle aussi que l’autonomie, la confiance – en l’occurrence forcées – constituent des voies de management non seulement attendues, mais surtout efficaces. Ce constat amène de plus en plus d’organisations à remettre en cause leur schéma historique de management hiérarchique non pas pour permettre le télétravail, mais parce que c’est pertinent et souhaité par les managés. Instaurer ou étendre le télétravail est donc d’abord une affaire de management général de l’entreprise. Les organisations syndicales qui réclament un accord national interprofessionnel ne s’y trompent d’ailleurs pas puisqu’elles justifient notamment cette revendication par la nécessité de réglementer le management à distance. Refondre le modèle managérial de l’organisation emporte, outre la nécessaire réflexion sur les rituels managériaux et les modes d’évaluation du travail, la question du sens du travail résumé de plus en plus par la « raison d’être » dont la loi Pacte comme le rapport Notat-Senard ont fait légitimement la promotion.

Le second sujet qui apparaît de plus en plus dans les projets de télétravail est celui du site de travail sous un angle attendu : baisser son coût ou au moins le flexibiliser.

S’ajoute aussi désormais à « la raison d’être » une nouvelle exigence : « la raison de venir ».

Car repenser le lieu de travail lui-même, sa configuration, sa conception physique comme relais cohérent de l’ambition managériale posée est une obligation. Comme le disait Victor Hugo : « La forme, c’est le fond qui remonte à la surface ». Cette célèbre citation s’applique parfaitement bien aux enjeux du nouveau monde du travail. Favoriser un management collaboratif sans en tirer les conséquences sur le site de travail rend incompréhensible l’enjeu. De même, donner de la liberté d’organisation personnelle par le télétravail, renforcer l’autonomie et la confiance, maintenir le lien social et la cocréation doivent se retrouver dans la configuration physique – la forme – des sites de travail.

L’indéfinissable monde d’après apparaîtra à son rythme via ce triple enjeu de changer le management, refondre les modes de travail et repenser les espaces d’entreprise. C’est un « pas de trois » que les entreprises doivent engager dans le bon ordre et c’est peut-être cela « la lumière au bout du tunnel » que nous espérons tant.