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Entretien avec Cécile Dejoux : « Il est désormais possible d’avoir une gestion RH individualisée »

Le point sur | publié le : 19.10.2020 | Gilmar Sequeira Martins

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Entretien avec Cécile Dejoux : « Il est désormais possible d’avoir une gestion RH individualisée »

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Professeur des universités au Cnam et affiliée à l’ESCP BS, Cécile Dejoux analyse la montée en puissance progressive de la data dans les RH.

Comment appréhender la data ?

La data est un nouvel outil, un nouveau compagnon. Il est très important de comprendre qu’il y a deux façons de considérer la data. Soit elle peut être vue comme un ensemble de données internes à l’entreprise qui sont traitées ponctuellement, ou comme un flux de données qui va permettre de mettre sur pied des systèmes d’alerte et de prédiction. Soit la data est envisagée comme un service à la demande, comme un processus qui permet d’enrichir les process RH existants. La data ne peut pas être séparée de l’IA. De plus en plus de solutions IA entrent dans les services RH, que ce soit dans le recrutement, la gestion de carrière ou les analyses. L’IA est souvent associée à la big data, mais il existe aussi une small data qui permet, avec peu de données ou un tableau Excel, d’établir des prévisions, de mener des analyses ou d’avoir une aide à la décision. Il s’agit de l’IA symbolique qui est différente de ce qui est désigné par le terme de « machine learning ».

Que font les RH de la data ?

Aujourd’hui, dans les services RH, la data couplée à l’IA est surtout utilisée dans le recrutement, en particulier durant la phase de présélection, et dans le développement des talents. Il devient possible de mettre en relation les compétences des collaborateurs, les offres d’emploi, la formation, les plans de carrières et les entretiens d’évaluation. Il est désormais possible d’avoir une gestion RH individualisée. Les référentiels qui caractérisent les métiers et les postes sont toujours là, mais ils ne sont plus le cœur du sujet, ils deviennent moins nécessaires avec le pilotage par la data. Cela tient à l’apparition de nouveaux métiers situés hors de ces référentiels. Les métiers liés à la data en RH ne sont pas des métiers normalisés. Il n’est pas possible de faire de la data sans avoir une « pensée data ». Il faut savoir où est la bonne data, comment l’utiliser et comment faire de la RH individualisée. La data est désormais présente à tous les étages de la fonction RH, mais plus spécifiquement dans le recrutement, la gestion de carrières et les rémunérations. La data se fait aussi une place croissante dans la formation des collaborateurs avec l’émergence du learning analytics mais cela reste embryonnaire. Les RH doivent savoir repérer la data, savoir demander aux collaborateurs quelle data remonter vers la RH, comment réaliser de la data-visualisation et comment travailler avec des data-scientists. Les RH doivent aussi comprendre qu’ils doivent aller chercher de la data dans l’open data, qui complétera celle dont ils disposent déjà. Il devient possible d’obtenir de l’open data dans le domaine de la recherche d’emploi, dans un bassin d’emploi précis, pour savoir quelles sont les plus fortes demandes, par exemple. Toutes ces données sont libres d’accès et des structures comme Etalab les organisent. C’est d’ailleurs tout l’intérêt d’un data scientist que de pouvoir trouver des données internes et externes pour éclairer une problématique. Les RH doivent créer des experts métiers afin d’assurer le dialogue avec les data scientists. En amont, ils vont problématiser, et en aval, vérifier si les solutions proposées par les data scientists sont réalisables et généralisables. Pour mener une telle mission, ils doivent avoir une culture data. Sans cela, les data scientists ne fourniront pas les solutions qui pourront répondre aux problèmes.

Comment évolue le rôle du RH avec la data ?

L’objectif n’est pas d’utiliser toute la data RH, mais celle nécessaire à l’atteinte de certains objectifs : mieux recruter ou mieux rémunérer. La data peut aider à répondre à ces questions, mais le rôle du RH est de créer la problématique. Vis-à-vis de la data RH, les RH disposent de trois options. La première consiste à réfléchir aux besoins et à travailler avec des startups pour faire des proof of concept (PoC) afin d’établir la faisabilité avant de trouver une entreprise pour réaliser le produit. La deuxième option est accessible aux grandes entreprises qui ont un service IA consacré à différents métiers. Encore faut-il que les services RH disposent de l’état d’esprit nécessaire et comprennent la data, son univers, les briques qui la composent et les usages. La troisième option possible consiste à conclure des partenariats dans le cadre d’appels d’offres adressés à l’écosystème. Des entreprises confrontées à la même problématique peuvent aussi intégrer des stagiaires pour mener une réflexion et avoir un accompagnement sur la culture data.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins