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Spécial n° 1500

Ce que sont devenus les chefs du personnel

Spécial n° 1500 | Du chef du personnel au directeur des richesses humaines | publié le : 26.10.2020 | Catherine Abou El Khair

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Ce que sont devenus les chefs du personnel

Crédit photo Catherine Abou El Khair

Au cours des vingt dernières années, la fonction RH a gagné en importance auprès des directions générales, qui en reconnaissent la dimension stratégique. Mais le métier est constamment appelé à évoluer, face à un environnement mouvant et une remise en cause de son positionnement par les salariés.

RH. Cela fait désormais une quarantaine d’années que l’acronyme s’est imposé en France, effaçant petit à petit la « fonction personnel ». Venue du monde anglo-saxon, cette évolution sémantique a accompagné la reconnaissance du caractère de plus en plus stratégique de la fonction. « Dans les entreprises, on considère les ressources financières, matérielles, mais aussi humaines, c’est-à-dire les salariés », rappelle Caroline Diard, enseignante-chercheuse en management des ressources humaines et droit du travail à l’EDC Paris. Cette vision, qui s’est affirmée à partir des années 1980, reste d’actualité. « Jusqu’alors, le champ des RH était très centré sur lui-même. Les décisions liées au business étaient prises sur des critères financiers, techniques, commerciaux, mais tenaient rarement compte du capital humain », explique Charles-Henri Besseyre des Horts, professeur de management émérite à HEC.

Si le terme de « gestion des ressources humaines » s’est depuis bien installé dans le vocabulaire, c’est d’abord dans son acception comptable. Au moment même où il apparaît dans les années 1980, les entreprises entrent dans un cycle de crise économique sur fond de mondialisation. Sous l’effet de la financiarisation de l’économie, « on demande à la fonction RH d’être plus performante », poursuit Charles-Henri Besseyre des Horts. « On n’est plus dans la gestion du quotidien, mais dans la prévision, l’analytique. De l’audit social, on est passé à un contrôle de la gestion sociale », poursuit Caroline Diard. Le DRH devient un « business partner », selon l’un des rôles identifiés par l’américain Dave Ulrich à la fin des années 1990. Management de la performance, individualisation des rémunérations, importance du « retour sur investissement » : ces missions font toujours partie des attendus de la fonction RH. « Les experts en rémunération et avantages sociaux, chargés d’élaborer des politiques de rémunération attractives et performantes, contribuent au développement de la dimension stratégique de la fonction, liant performance économique et performance sociale », soulignait ainsi une étude de l’Apec revenant sur l’évolution de la fonction entre 2005 et 2015.

Pris par l’opérationnel

Mais si la présence du DRH dans les instances de direction ne se discute plus, les professionnels des ressources humaines peinent malgré tout à prendre du recul au quotidien. Dans deux tiers des entreprises, les professionnels RH estiment consacrer seulement 10 % à 20 % de leur temps aux missions stratégiques, selon le baromètre Bodet 2019 qui mesure depuis dix ans l’évolution de la fonction. « La fonction RH a une dimension stratégique de plus en plus présente, mais elle reste malgré tout prise par le quotidien et l’opérationnel », constate Benoît Raveleau, enseignant-chercheur en charge du baromètre et titulaire de la chaire RH de l’Université catholique de l’Ouest. Si la digitalisation de la fonction RH permet de libérer du temps dans certaines entreprises, elle n’est pas à la portée de tous. En 2019, 55,4 % des entreprises interrogées par Bodet n’étaient pas équipées d’un SIRH. L’emploi d’outils numériques plus performants est pourtant clé pour décentraliser certaines tâches auprès des managers et ainsi se « concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée : maintenir de bonnes relations sociales, préserver le climat interne, s’attacher au bien-être au travail, retenir les talents, développer les compétences, créer de la confiance », rappelle l’Apec.

L’actualité de ces vingt dernières années est loin d’avoir été un long fleuve tranquille ! « Les exigences sont de plus en plus importantes. Le cadre juridique évolue en permanence. De plus en plus, il faut sensibiliser, dans nos cours, à l’évolution du droit du travail. Et quand ce n’est pas l’environnement juridique qui évolue, c’est l’environnement économique ou sociétal qui change la donne », explique Gwenaëlle Poilpot-Rocaboy, présidente du réseau Référence RH, qui regroupe les formations françaises d’excellence en matière de ressources humaines. En plus de la mise en place des 35 heures puis de leur assouplissement progressif, la fonction RH a été confrontée à l’essor des risques psychosociaux, mais aussi à la délicate question de l’employabilité des salariés, accrue par les progrès technologiques. Le développement des compétences a été au cœur d’importantes évolutions législatives en 2014 et 2018, qui ont transformé la gouvernance de la formation professionnelle, renforcé les responsabilités des employeurs tout en invitant les salariés – via le compte personnel de formation – à prendre en main leur carrière. Avec les ordonnances Macron de 2017, qui ont bouleversé le paysage du dialogue social en entreprise et renvoyé de nouveaux sujets à la négociation, c’est autant de sujets que la fonction RH doit maîtriser. Pour 88 % des DRH et des RRH, la fonction s’est donc logiquement enrichie, selon le baromètre Cegos de 2019. Et leurs horaires de travail avec, pour 64 % des sondés.

Absence de « proximité »

De leur côté, les salariés sont les bénéficiaires des nouvelles politiques RH visant à améliorer l’expérience collaborateur, leur bien-être voire leur « bonheur au travail ». Une attention dont les services RH ne sont guère remerciés, à en croire le baromètre Cegos de 2019 : l’absence de « proximité » constitue le reproche n° 1 adressé aux DRH par les salariés. Pour la présidente de l’ANDRH, les relations entre les salariés et la fonction sont loin d’être au beau fixe. « La notion de DRH business partner a été tout à fait adaptée pendant un temps. Mais on en subit aujourd’hui le contrecoup, avec des salariés qui nous reprochent notre manque de neutralité. Pourtant, la fonction RH doit être autant au service des managers que des salariés », analyse Audrey Richard. La répétition de crises économiques, qui ont émaillé les deux dernières décennies, de l’explosion de la bulle internet en 2001 à la crise financière de 2008, sans oublier, bien entendu, la crise actuelle, n’a pas facilité la tâche des DRH alors contraints de conduire de douloureux plans sociaux qui ne leur donnent pas le beau rôle.

Directeur/trice des ressources humaines

À partir du milieu des années 80, les chefs du personnel cèdent progressivement la place aux directeurs/trices des ressources humaines et deviennent des « business partners ». La fonction passe d’une logique de coût à maîtriser à une logique de ressource à valoriser. Ce n’est toutefois qu’en 2007 que l’Association nationale des directeurs et cadres de la fonction personnel (ANDCP) prend le nom d’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH). Dans certaines entreprises comme la Maif, la DRH n’est plus aujourd’hui directrice des ressources humaines, mais directrice des richesses humaines.

Directeur/trice des RH et de la transformation

À partir des années 2010, la direction des ressources humaines s’est retrouvée en première ligne pour accompagner la transformation de l’entreprise, développer de nouveaux services et applis pour faciliter la vie des collaborateurs, et relever le défi des compétences. Le DRH devient alors directeur des ressources humaines et de la transformation (Orange), directeur des ressources humaines, de l’organisation et de la transformation (Saur) ou chief transformation officer en charge du capital humain (Altavia).

Directeur/trice des RH et de l’expérience collaborateur

Depuis environ cinq ans, certaines directions des ressources humaines placent l’expérience collaborateur au cœur de leur projet. C’est le cas d’Orange qui, depuis 2015, s’est doté d’une directrice de l’expérience salarié et de la marque employeur groupe. On retrouve également les appellations de chief people experience officer chez Talentsoft, de VP of employee experience chez Airbnb ou de directrice des ressources humaines et de l’expérience collaborateur à la Macif.

Directeur/trice marque employeur

Bien que le concept de marque employeur soit né dans les années 90 (déposé en France par Didier Pitelet en 1998), le titre de directeur/trice marque employeur n’apparaît que récemment, traduisant une préoccupation majeure des organisations : attirer et fidéliser les talents dans un contexte de pénurie. C’est le cas, par exemple, de la Cnam qui a nommé, en avril 2019, une directrice marque employeur et animation du réseau RH. D’autres organisations comme la fédération hospitalière de France (FHF) préfèrent le titre de directeur/trice des ressources humaines et de l’attractivité ou de directeur/trice général talents et culture (Accor).

Plus communément, on employait jusqu’ici le terme de directeur/trice des talents, directeur/trice du développement humain, voire de head of talent reech.

Chief mission officer

En 2019, la loi Pacte crée la société à mission. Première entreprise à endosser ce nouveau statut, la Maif crée le poste de chief mission officer au sein de la direction des ressources humaines. Son rôle : préciser les engagements sociaux et environnementaux que la société d’assurance mutuelle va se donner dans le cadre de son activité, veiller à ce qu’ils soient bien mis en œuvre au quotidien et mesurer l’impact des actions sur la performance.

Un titre que l’on retrouve également à La Parisienne assurances.

Chief happiness officer

Au milieu des années 2010, la QVT et, dans son sillage, le bien-être en entreprise sont à l’honneur. Né aux États-Unis dans les entreprises de la Silicon Valley, le métier de chief happiness officer ou directeur/trice du bonheur, en français, fait son apparition dans l’Hexagone. Notamment dans le groupe Karavel ou chez Just Eat France.

Auteur

  • Catherine Abou El Khair