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Le grand entretien

« Nous devons accompagner la reconversion de nos salariés »

Le grand entretien | publié le : 30.11.2020 | Laurence Estival

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« Nous devons accompagner la reconversion de nos salariés »

Crédit photo Laurence Estival

Après la signature d’un accord majoritaire, le DRH de Valeo revient sur les défis qui attendent le groupe et, au-delà, tous les acteurs de la filière automobile particulièrement secoués par la crise sanitaire et économique.

Prévoyant entre autres un gel de salaire pendant deux ans en contrepartie de l’engagement de ne pas recourir à des PSE, ni de fermer de site pendant deux ans, l’accord majoritaire signé le 30 septembre, après plusieurs mois de négociations, va-t-il permettre à Valeo de surmonter l’impact de la crise sanitaire sur le secteur automobile ?

À travers cet accord, la direction s’est engagée sur le maintien de l’emploi, en annonçant qu’il n’y aurait aucune fermeture de site, ni aucun PSE dans les deux ans à venir. Ce sont des engagements forts dans le contexte actuel. À court terme, cet accord va nous permettre de trouver les 100 millions d’euros d’économies que nous devions réaliser. Nous prévoyons, en France, une baisse de notre chiffre d’affaires de 10 % pour l’année 2020 et les coûts de personnels sont une composante importante qui pèse sur celui-ci. Le gel des salaires, tout comme le volet sur la révision des règles concernant l’épargne salariale ou encore la plus grande flexibilité demandée à nos collaborateurs, va donc dans le bon sens. Les négociations que nous avions engagées avec les partenaires sociaux s’inscrivaient certes dans le contexte de crise sanitaire, l’automobile étant, avec l’aéronautique, une des filières industrielles les plus touchées par la crise. Mais le déficit de compétitivité de nos activités en France est plus structurel : nous faisons face depuis plusieurs années à une perte de compétitivité en France. La crise n’a fait qu’accélérer notre obligation de réagir.

Comment expliquez-vous cette perte de compétitivité ?

Il y a d’abord les charges, plus élevées en France que dans d’autres pays. Cette différence de taux horaire pèse dans les réponses aux appels d’offres que nous avons du mal à remporter malgré la qualité de notre main-d’œuvre et notre engagement sur les technologies du futur. Ces surcoûts nous handicapent pour préparer l’avenir. La filière automobile est en pleine transformation avec le développement des véhicules électriques et autonomes. Pour réussir cette transition, nous avons massivement investi dans de nouvelles plateformes technologiques et, par conséquent, dans la nécessaire formation de nos salariés qu’elles impliquent. Les compétences demandées ne sont plus les mêmes.

C’est-à-dire ?

Quasiment tous les métiers sont concernés par cette évolution des compétences. Les ingénieurs doivent renforcer leurs compétences sur les logiciels dont le rôle dans les futurs véhicules sera beaucoup plus important qu’aujourd’hui. L’électronique prend également de plus en plus de place au cœur de la mécanique. Toutes ces mutations technologiques ont d’autre part un impact sur les opérateurs et sur la production : nous devrons demain produire par exemple moins d’embrayages ou faire face à de profondes transformations d’une activité comme l’éclairage. Sans parler des nouveaux moteurs électriques sur lesquels nous nous sommes déjà positionnés afin de répondre à la demande des constructeurs.

Comment entendez-vous répondre à ces défis ?

Dans le cadre de la négociation ouverte avec les partenaires sociaux, la recherche d’économies n’était qu’un des aspects. Nous avons aussi regardé avec eux comment mieux préparer l’évolution de notre secteur d’activité à moyen terme. C’est pourquoi l’accord signé comporte plusieurs volets dont celui sur l’APLD (Activité partielle de longue durée). S’il va nous permettre de conserver des ingénieurs sur des métiers en tension dont les projets ont été retardés, il comporte parallèlement un volet formation sur laquelle nous souhaitons investir pour mieux préparer nos salariés à aborder la relance. Beaucoup de nos usines sont intéressées par la possibilité de se positionner sur ces technologies du futur. C’est ce qui est fait à Etaples, par exemple, avec la localisation de lignes de production des moteurs électriques 48V.

Et ailleurs ?

Ce n’est pas forcément répliquable sur tout le territoire. Tout dépend en réalité du contexte local et nous devons faire preuve de souplesse. Nous avons la chance à Etaples de travailler en étroite coopération avec le service de l’emploi de ce bassin. Nous avons également continué à recruter des apprentis qui sont de plus pour nous un excellent moyen de préparer l’avenir.

L’accord signé avec les partenaires sociaux ne porte pas sur le télétravail. Que vous inspirent les annonces de PSA souhaitant le généraliser ? Et entendez-vous, vous aussi, aller dans cette voie ?

Le télétravail est déjà en place chez Valeo au niveau de notre siège social et des centres de R&D mais, parfois, également dans les usines. En moyenne, les salariés télétravaillent deux jours par semaine. La période actuelle pendant laquelle il a été étendu nous a permis d’explorer de nouvelles organisations du travail. Je suis certain qu’il en restera quelque chose. 72 % de nos salariés sont d’ailleurs satisfaits et les managers se sont eux également adaptés. Il faut toutefois trouver le bon équilibre.

Le développement du télétravail n’est-il pas aussi un moyen de faire des économies face à la crise et donc de regagner une partie de la compétitivité perdue ?

Il est en effet possible de faire quelques économies en revoyant les mètres carrés à la baisse. Mais je pense aussi que le développement du télétravail est un moyen de réfléchir sur les conditions de travail afin de regarder comment les rendre plus agréables en consacrant par exemple plus de surfaces à de nouveaux espaces collaboratifs afin de favoriser le travail en équipe qui est propice aux échanges.

Le développement du télétravail ne pose-t-il pas aussi la question du partage de la valeur ? Certains estimant que les gains sur l’immobilier et les charges pourraient être en partie redistribués aux collaborateurs sous forme monétaire ou en abaissant la durée hebdomadaire du travail.

Les efforts que nous faisons pour transformer nos locaux constituent eux aussi une réponse. C’est déjà ce que nous avons commencé à faire dans notre nouveau centre de R&D à Créteil. Il ne faut pas non plus surestimer les économies dues au développement du télétravail…

Parcours

Après des études juridiques et le Ciffop, Bruno Guillemet commence sa carrière en 1984 dans le groupe Sacilor. De 1989 à 2004, il rejoint le groupe Danone où il est tour à tour DRH dans les produits frais, DRH d’Evian et de Volvic, avant d’être nommé directeur de la politique sociale du groupe en 2001 et enfin DRH pour les Amériques basé aux États-Unis. En 2004, il est nommé DRH d’Alstom Transport puis DRH du groupe en 2010. Il rejoint Valeo en octobre 2015 en tant que directeur délégué ressources humaines du groupe.

Auteur

  • Laurence Estival