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Management à distance : Troops croit dans l’émotionnel

Sur le terrain | publié le : 15.03.2021 | Lys Zohin

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Management à distance : Troops croit dans l’émotionnel

Crédit photo Lys Zohin

Les 50 collaborateurs de la société éditrice de logiciels RH Troops sont en télétravail. La direction a coconstruit une formation pour les managers qui fait la part belle à la communication dans la gestion à distance des équipes.

Tout est parti, ou presque, d’un professeur de piano qu’a eu Émilie Legoff dans son enfance. La présidente de Troops, un éditeur de logiciels spécialisés en RH qu’elle a fondé en 2016, à Lyon, le décrit comme « un pianiste hors pair, mais nul en pédagogie ! ». C’est à partir de ce souvenir, et avec le recul de plusieurs mois de management à distance improvisé, qu’elle a décidé de passer à l’action. Elle a constaté, à ses dépens, que le travail à distance ne marche pas dans ces conditions. L’éditeur, qui accompagne les entreprises dans leur « phygitalisation », disposait, certes, des outils adéquats pour communiquer avec les équipes, après leur mise en télétravail brutale. « Mais les managers préféraient ne pas utiliser la caméra, perçue par les collaborateurs comme une intrusion », dit-elle. Il en a résulté un manque de perception de signaux faibles, comme la fatigue, la déprime, le mal-être et nombre d’incompréhensions… « J’ai appris trop tard que certains salariés vivaient mal le confinement et le télétravail », confie-t-elle. Sans oublier l’apparition de tensions parmi les 50 collaborateurs de Troops.

L’aspect relationnel, le phénomène dit de la machine à café ne pouvait plus avoir lieu. Mais comment dénouer les tensions en interne lorsque le profil des managers est davantage celui d’experts – des développeurs ou des ingénieurs qui prennent la tête d’une équipe grâce à leur expérience et leur expertise – que de spécialistes du management ? « 70 % environ de nos managers, en majorité des ingénieurs ou des développeurs, qui n’avaient pas peur du télétravail lorsqu’il a été mis en place, avaient des problèmes de communication, indique-t-elle. Excellents techniciens, ils ont certes la reconnaissance de leurs équipes pour leurs connaissances, mais ils n’ont pas été formés à la gestion des émotions. » Certains collaborateurs avaient des difficultés à travailler, dans des logements trop petits ou avec des enfants en bas âge à garder, tandis que les commerciaux, habitués aux contacts réguliers, en étaient privés.

Changer de perspective

Émilie Legoff a donc organisé la vie de l’entreprise de façon différente. D’abord, les salariés pourront passer toutes les deux semaines – « mais j’aimerais désormais que cela soit un peu plus souvent », déclare-t-elle – dans des espaces de coworking où ils se retrouveront avec d’autres membres de l’entreprise afin d’échanger. Ensuite, une réunion d’équipe a lieu tous les jours, à 9 heures. Émilie Legoff a également proposé des appels réguliers, tous les matins et une fois par mois, « façon entretien annuel », entre les managers et chacun des membres de leur équipe. Une manière, pour les managers à distance, de tenter de détecter les fameux signaux faibles.

Profils individuels

« Je n’ai pas réellement réussi à former les managers à entrer dans l’émotionnel. Ce n’est ni leur profil, ni leur culture », reconnaît Émilie Legoff. Ce qui ne l’a pas empêché de mettre l’accent sur ces compétences lors de discussions avec eux, visant à coconstruire le programme de formation de management remote. « Tout se faisait forcément à distance, ce qui excluait les jeux de rôles, par exemple », ajoute-t-elle. Enfin, des règles, sur les heures de disponibilité par exemple, ont été établies, en fonction des contraintes des uns et des autres. Si certains jeunes développeurs pouvaient travailler tard le soir, un manager ayant une famille préférait ne plus être sollicité à partir de 18 heures. Cette permission, donnée à tous d’exprimer leurs besoins, mais avec quelques règles communes, a été salutaire. « Si chacun doit s’adapter, nous avons tenté d’organiser et de former en fonction des profils individuels, des rythmes de travail et des contraintes », précise la présidente de Troops.

Reste maintenant « à tenir la distance ». Pour ne plus se sentir seuls, certains, dont elle fait partie, mettent quasiment en permanence un outil vidéo en place, afin de dialoguer au pied levé avec certains collaborateurs. D’intrusive, la caméra est désormais perçue par les équipes comme « plutôt sympa ». Émilie Legoff compte bien continuer à accompagner les troupes, et entrer, un jour, sur le terrain des émotions.

Auteur

  • Lys Zohin