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Les clés

Des créatifs trop pressurisés ?

Les clés | À lire | publié le : 19.04.2021 | Lydie Colders

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Des créatifs trop pressurisés ?

Crédit photo Lydie Colders

Dans Overbookés, Rahaf Harfoush, consultante spécialisée dans le numérique, décrit combien les cadres créatifs aux États-Unis sont piégés dans « une productivité effrénée », au risque de frôler le burnout. Un livre pour les créatifs au sens large, mais aussi une réflexion globale sur les travers des entreprises.

Les entreprises n’ont de cesse, à raison, de brandir la nécessité d’innover. Mais comment expliquer que les managers créatifs soient soumis à « rythme intenable », étouffés par « la pression de produire, produire toujours plus », au risque de craquer ? Dans son livre, Rahaf Harfoush, anthropologue et entrepreneuse dans le numérique (elle enseigne à Sciences Po, et a travaillé dans l’équipe de réseaux sociaux sous l’ère d’Obama), victime d’un burnout, tord le cou à ce culte de la productivité épuisante pour les travailleurs intellectuels au sens large. Ceux chargés d’avoir des idées, « de résoudre des problèmes », d’inventer des services, des campagnes en entreprise. Dans ce livre très américain, elle offre une vaste réflexion sur les organisations du travail et l’histoire culturelle qui mènent droit au surmenage. Mêlant histoire du management, psychologie, influence culturelle, l’auteure questionne la vulgarisation grandissante de la créativité, devenue une compétence « floue » valorisée par l’entreprise et les politiques. Ou la « rigidité » du taylorisme et de l’évaluation des performances, bien compris dans les groupes avec « leurs échanges de bonnes pratiques » entre créatifs. Une culture du rendement épuisante que « nous avons tous intériorisée », comme « si les idées naissaient sur les chaînes de montage ».

Faut-il être « un guerrier » du travail ?

Aux États-Unis, la croyance dans la « dévotion au travail » reste bien ancrée, selon Rahaf Harfoush. Le mythe « du self-made-man 2.0 », bourreau de travail (elle cite Tim Cook, actuel PDG d’Apple, ou Marc Zuckerberg chez Facebook), continue de véhiculer l’idée « qu’il faut se surpasser pour réussir ». Elle appelle donc « les créatifs » à prendre du recul sur cette ode à la compétition dangereuse pour la santé. Le propos, très large, vire parfois au politique. Citant quelques études (OMS, Gallup) l’auteure souligne que « l’épidémie de stress et de burnout » coûterait « trois cents millions de dollars par an » aux entreprises aux États-Unis. Dans une économie qui s’oriente vers le savoir, bousculée par le numérique, le surmenage des travailleurs intellectuels inventifs serait « un danger pour l’économie et la santé ». Rahaf Harfoush, elle, propose de « travailler moins » pour « éviter le cerveau en surchauffe », suggérant une semaine de « 30 heures » pour les créatifs. Prétentieux, injuste pour d’autres métiers ? Chacun jugera. Au passage, on notera que cette spécialiste de l’innovation voit d’un bon œil l’idée d’un revenu de base face à l’ubérisation. D’autant que l’IA, pour l’instant « rudimentaire », pourrait chambouler aussi les métiers intellectuels, des auteurs aux avocats.

Auteur

  • Lydie Colders