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Le grand entretien

« Maintenir un rythme de transformation supportable pour nos équipes »

Le grand entretien | publié le : 10.05.2021 | Muriel Jaouën

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« Maintenir un rythme de transformation supportable pour nos équipes »

Crédit photo Muriel Jaouën

L’opérateur public Pôle emploi, qui emploie 56 000 salariés – dont 93 % sous statut privé – a misé sur la « performance par la confiance ». À la manœuvre, un bataillon RH d’un millier de personnes.

Comment sont organisées les ressources humaines au sein de Pôle emploi ?

Au niveau local, Pôle emploi compte 900 agences au sein de 17 établissements régionaux, auxquels s’ajoutent trois établissements spécifiques : la direction générale, la direction des systèmes d’information et Pôle emploi services qui intervient en appui des régions. L’établissement emploie 56 760 personnes, dont 50 500 en CDI. Nos effectifs sont à 76 % féminins, affectés pour 78 % aux métiers de relation de service, pour 10 % au management et pour 12 % aux fonctions support. L’âge moyen est de 45,9 ans, l’ancienneté moyenne d’environ 14 ans. La fonction RH regroupe au total près de 1 000 collaborateurs, 200 au plan national qui définissent la politique en matière de RH et interviennent en cadrage et appui, 800 dans les établissements. Chaque établissement compte un directeur des ressources humaines en charge de la performance sociale. Ses équipes sont positionnées au niveau régional mais également, dans une logique de déconcentration, auprès des directeurs territoriaux.

Quels sont les grands axes de votre politique ?

En 2012, à ma prise de fonctions, j’ai tenu à structurer la fonction RH autour de trois convictions, trois principes d’action et une condition. La première des convictions est que la richesse d’un établissement de services repose sur les hommes et les femmes qui en assurent le fonctionnement. D’autre part, la fonction RH n’a de raison d’être que si elle est partagée avec les managers. Enfin, la performance sociale et la performance opérationnelle se nourrissent l’une de l’autre. Quant à nos trois grands principes d’action, ils consistent à inscrire les RH dans une approche très concrète, donc mesurable, et à placer l’expérience usagers au cœur de notre démarche, à créer de la valeur ajoutée pour les demandeurs d’emploi et les entreprises. La mise en œuvre de ces convictions et principes est conditionnée par le fait que la fonction RH doit être un partenaire stratégique de la direction générale et du comité de direction.

« Inscrire les RH dans une approche très concrète, donc mesurable », dites-vous. Que mesurez-vous ?

Chaque année, des objectifs de performance de Pôle emploi sont fixés par notre conseil d’administration. Ils font l’objet d’une déclinaison au sein de chaque établissement dans le cadre d’un dialogue de performance ascendant. La performance opérationnelle, sociale, sociétale et environnementale est mesurée au travers d’une vingtaine d’indicateurs. Nous avons mis en place un dispositif de prime de performance que nous étendons progressivement à l’ensemble des managers et nous négocions actuellement un dispositif de primes d’intéressement qui concernera l’ensemble des agents de Pôle emploi. Pour exploiter ces données, nous avons mis en place des outils et des compétences en IA.

Quels sont les grands enjeux RH de Pôle emploi ?

Le premier d’entre eux est l’accompagnement de la transformation. Depuis 2017, l’entreprise mise sur une performance par la confiance. Il s’agit de créer les conditions pour favoriser la coopération, la prise d’initiatives et les manœuvres. Cela passe notamment par l’évolution de nos modes de management et de nouveaux modes de travail liés entre autres au télétravail. Cette transformation s’inscrit sur un temps long, car on est clairement sur un terrain culturel. Le deuxième grand défi tient au développement des compétences. Dans des environnements qui évoluent en permanence, la capacité de nos collaborateurs à devenir les premiers acteurs de leurs projets et parcours professionnels est essentielle. C’est pourquoi nous avons mis à leur disposition des dispositifs d’autoévaluation et proposé un modèle de formations adapté aux nouveaux usages et contenus d’apprentissage. Pôle emploi consacre 60 millions d’euros à la formation de ses collaborateurs et délivre entre deux et deux millions et demi d’heures de formation par an, soit en moyenne six à sept jours par an et par collaborateur. Enfin, le troisième défi de l’entreprise renvoie au climat social et à la capacité de la direction et du management de rester à l’écoute du personnel, au travers notamment d’un baromètre social interne, mais aussi grâce à un dialogue social dense avec les représentants du personnel et les organisations syndicales.

Le climat social a-t-il été altéré par la pandémie ?

Il a nécessairement été marqué par les perturbations, les incertitudes et les inquiétudes du contexte dans lequel nous évoluons tous depuis plus d’un an. La crise touche directement l’emploi et, bien sûr, nos équipes sont très sollicitées. Il est à noter que, pour faire face à l’augmentation de la charge de travail, nous avons bénéficié d’un renfort d’effectifs. Pôle emploi est une jeune entreprise. La fusion de l’ANPE et des Assedic – imposée aux deux parties – n’a que douze ans. N’oublions pas qu’elle avait pour objectif de répondre à une situation de plein-emploi. Et puis la crise de 2008 est arrivée. Il a fallu une dizaine d’années pour que le pays s’en remette. Et lorsque l’emploi repart enfin franchement, nous devons affronter la pandémie et ses conséquences. Tout en faisant face à ces nouveaux enjeux, il nous faut maintenir un rythme de transformation qui soit supportable pour nos équipes. Nous avons notamment dû intensifier le télétravail dans le cadre des mesures sanitaires, tout en garantissant le service aux usagers et en veillant à maintenir la cohésion des équipes. Le télétravail ne doit pas mettre en péril la solidité des collectifs de travail.

Où en êtes-vous dans la mise en place du télétravail ?

Aujourd’hui, au quotidien, nous comptons près de 50 % de télétravailleurs. Dès 2017, un accord avait été signé, qui tablait sur une montée en charge progressive : 5 % de télétravailleurs la première année, 10 % la deuxième, 15 % la troisième. De facto, le télétravail a pris beaucoup plus vite que cela. Avant la crise, 30 % de nos collaborateurs travaillaient à distance, à raison d’un à deux jours par semaine. Nous ouvrons prochainement une négociation autour d’un nouvel accord, plus ambitieux que le précédent, avec une quotité hebdomadaire de deux à trois jours. Surtout, nous voulons inverser la clé du raisonnement. Ne pas se demander combien d’heures ou de jours de télétravail l’entreprise peut supporter, mais interroger et calibrer le besoin réel des collaborateurs à travailler sur site. Ce, au travers de trois variables : les nécessités d’accueil du public, les actions indispensables de cohésion du collectif et enfin la capacité individuelle de chaque agent à apprécier la part de présentiel nécessaire à son activité. Si cet accord est signé, nous expérimenterons ce modèle de septembre 2021 à septembre 2022.

Comment qualifieriez-vous le dialogue social à Pôle emploi ?

Il est riche, soutenu et parfois complexe. Au-delà des réunions de négociations, je préside une trentaine de comités sociaux et économiques centraux par an, soit bien au-delà de l’obligation légale. Les représentants syndicaux et les représentants du personnel représentent 1 000 équivalents temps plein. C’est autant que l’ensemble des personnels de la fonction ressources humaines. Personnellement, et en complément de l’action de mon adjointe en charge des relations sociales, je consacre plus de la moitié de mon temps au dialogue social.

Pôle emploi est un établissement public à caractère administratif, mais la plupart de ses salariés relèvent du droit privé…

Notre première contrainte consiste à faire cohabiter deux familles statutaires : les 93 % de collaborateurs relevant effectivement du droit du travail et le groupe de plus en plus restreint d’agents de droit public, qui ne représentent plus que 7 % d’agents, soit 4 000 personnes. Elles étaient 35 000 du temps de l’ANPE. Notre deuxième contrainte tient au reporting de plus en plus soutenu auquel nous obligent les grands corps de contrôle de l’État. Je m’interroge sur le rapport entre coût et bénéfices de ce type de gestion. Jugeons plutôt sur les résultats !

Parcours

Directeur général adjoint en charge des ressources humaines et des relations sociales de Pôle emploi depuis 2012, Jean-Yves Cribier exerce des fonctions de cadre dirigeant depuis 26 ans au sein du régime d’assurance chômage puis de Pôle emploi, où il a alterné des responsabilités opérationnelles en tant que directeur régional et des responsabilités fonctionnelles en tant que directeur des programmes de transformation, directeur de la maîtrise d’ouvrage et des systèmes d’information ou encore directeur du cœur de métier, en charge de l’offre de services de l’assurance chômage.

Auteur

  • Muriel Jaouën