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Les clés

Des entreprises trop puissantes face aux États ?

Les clés | À lire | publié le : 10.05.2021 | Lydie Colders

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Des entreprises trop puissantes face aux États ?

Crédit photo Lydie Colders

Dans Puissante et fragile, l’entreprise en démocratie, une sociologue et un consultant livrent une ample réflexion politique sur les dérives financières de la mondialisation. Un livre qui prône l’importance de l’État, pour « contraindre » l’action de l’entreprise vers un modèle plus vertueux.

Les grands groupes sont-ils dangereux pour la démocratie ? Comment articuler le lien entre l’entreprise et le politique ? Pour certains penseurs, des multinationales devenues plus puissantes que les États sont un danger pour la démocratie. D’autres jugent qu’il faudrait les obliger à se préoccuper des biens communs, et qu’elles « devraient compenser les dégâts qu’elles commettent, des licenciements à la destruction des ressources naturelles ». Dans ce livre-fleuve, la sociologue Dominique Schnapper et son fils Alain Schnapper, ex-consultant et praticien-associé sur la gouvernance, s’essaient à trouver un juste milieu, questionnant l’avenir de l’entreprise. Peut-elle devenir aux XXIe siècle un acteur politique au sens « étroit du terme » ? Est-ce compatible avec la mondialisation et « l’impératif de rentabilité » ?

Des monopoles inquiétants

Les Big Tech sont inquiétants pour la démocratie (il faut selon eux « lutter contre le monopole » des Gafam), d’autres groupes se sont financiarisés à outrance. Les auteurs sont en particulier critiques sur la sous-traitance massive en Asie qui fragilise l’innovation et la fabrication : la crise de la Covid-19 a montré « que la dimension politique de cette division du travail » à l’échelle mondiale avait été « négligée ». Ils fustigent cette quête de main-d’œuvre à bas coût en Chine ou en Inde au nom du profit, qui provoque « des dégâts irréversibles de perte de savoir-faire » et d’innovation. L’entreprise ne peut pas « survivre » hors-sol, rappellent-ils.

Face au mal-être démocratique et aux critiques sur l’actionnariat, les auteurs pointent les limites de la RSE, « qui vise simplement, dans le meilleur des cas, à limiter ou à compenser les conséquences négatives » des entreprises. Mais semblent voir dans la loi Pacte et le statut de « l’entreprise à mission » une ébauche pour l’avenir, afin de contrôler les dérives financières « et au moins d’orienter l’action de l’entreprise » vers un avenir souhaitable, sur le plan social et environnemental. À condition de ne pas en en faire « une opération de communication », mais « de repenser la vocation sociale et politique de l’entreprise ». Au vu des déboires récents de Danone, il est permis d’en douter. Les auteurs eux-mêmes l’admettent : impossible « de savoir si ce mouvement actuel signe l’amorce d’un rééquilibrage du rôle des États et des entreprises ». Mais ils insistent sur le rôle essentiel des pouvoirs publics pour leur imposer des contraintes. L’État seul pouvant en outre penser la redistribution et la justice sociale. Si le pouvoir de l’entreprise « échappait au contrôle démocratique de l’État », pour eux, l’avenir de la social-démocratie serait menacé, face aux Gafam et à la puissance de la Chine…

Auteur

  • Lydie Colders