logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le point sur

Le contrat de professionnalisation n’a pas dit son dernier mot

Le point sur | publié le : 07.06.2021 | Benjamin d’Alguerre

Image

Alternance : Le contrat de professionnalisation n’a pas dit son dernier mot

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

Le contrat d’apprentissage semble avoir triomphé du contrat de professionnalisation et être devenu la voie royale de la formation en alternance. Mais le succès de l’apprentissage reposant surtout sur une politique de financement déjà jugée trop généreuse en 2020, rien n’est nécessairement joué pour le second dispositif.

Est-ce la mort annoncée du contrat de professionnalisation ? Ce dispositif de formation qui, depuis 2006, permet à des jeunes jusqu’à 25 ans mais aussi à des demandeurs d’emploi et à des publics en insertion (sans limite d’âge) de décrocher une qualification professionnelle (diplôme, titre, certificat de qualification professionnelle…) par la voie de l’alternance a été relégué au rang d’outsider par la réforme « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » de 2018 au profit du contrat d’apprentissage. Les chiffres de l’alternance pour 2020 sont sans appel : avec 495 000 contrats d’apprentissage signés, l’apprentissage n’a jamais séduit autant de candidats. L’objectif de 500 000 apprentis que s’était fixé François Hollande pour 2017 est désormais atteint… quatre ans plus tard, par son successeur à l’Élysée.

Par comparaison, la professionnalisation fait pâle figure avec seulement 112 700 contrats signés en 2020. Soit quasiment 100 000 de moins qu’en 2019. Apprentissage en hausse, professionnalisation en baisse : le même constat est partagé par l’immense majorité des acteurs de l’alternance. À l’Opcommerce (Opérateur de compétences de la grande distribution et du commerce de centre-ville), la hausse record de l’alternance (65 814 contrats, soit une croissance de 234 % !) est tirée par l’apprentissage alors que la professionnalisation y recule de 25 %. Même cas de figure à l’Afdas où l’apprentissage (23 500 contrats, en hausse de 15 %), laisse la professionnalisation (6 780 contrats, en baisse de 20 %) loin derrière. À l’Afpa, dont le ratio professionnalisation/apprentissage se maintenait bon an, mal an aux alentours de 60 %/40 %, la tendance s’est renversée. p. 10

« Lorsque nous avons établi notre prévisionnel 2021, nous sommes restés prudents sur les objectifs d’alternants au vu de la période de crise sanitaire. Pourtant, à la fin du premier trimestre 2021, nous avons déjà atteint 110 % de nos objectifs de vente annuels pour le contrat d’apprentissage et ce malgré la Covid. Pour l’ensemble des contrats en alternance (contrat de professionnalisation et contrat d’apprentissage), nous avons déjà atteint pour la même période nos objectifs de vente à près de 78 % », confie Fabrice Yeghiayan, directeur national du développement de l’agence.

L’apprentissage 10 % plus cher que la pro

« La bascule d’un dispositif vers l’autre n’a rien d’étonnant. En 2018, l’exécutif a clairement fait le choix de l’apprentissage en tant qu’arme antichômage des jeunes », reconnaît Vincent Cohas, président de la commission alternance de la Fédération de la formation professionnelle (FFP). Le choix de reporter à 29 ans l’âge limite pour signer un contrat, le transfert du financement des CFA des régions aux branches professionnelles selon une nouvelle règle du « coût-contrat » plus généreuse que ne l’était l’ancien système du « coût préfectoral », la liberté offerte aux entreprises et prestataires de formation d’ouvrir leurs propres CFA ont constitué de sérieux coups de pouce à l’apprentissage par rapport à la professionnalisation.

Quant à la nature des certifications visées, elle avait déjà été en grande partie harmonisée par la loi Cherpion de 2011 laissant juste le certificat de qualification professionnelle (CQP) de branche comme unique exclusive du contrat de professionnalisation. Symbole de cette préséance : lors du déploiement des aides aux entreprises pour l’embauche d’alternants à la sortie du premier confinement en mai-juin 20201, la professionnalisation avait été tout simplement… oubliée avant d’être réintégrée dans le dispositif en catimini. « Financièrement, organismes de formation et entreprises ont toutes les raisons de miser sur l’apprentissage. Le dispositif est bien mieux financé et les aides à l’embauche plus importantes », résume Michel Abhervé, professeur d’Économie sociale et solidaire à l’université de Paris-Est-Marne-la-Vallée.

De fait, si, avec le système du « coût-contrat », le différentiel de financement est de 6 000 euros en moyenne par an pour contrat de pro (à raison d’une prise en charge de 9,15 euros de l’heure possiblement complétée par des dispositions conventionnelles de branches), il peut monter à 10 000 euros pour le même titre ou diplôme pris en charge au titre de l’apprentissage ! « Le rapport de l’IGF et de l’Igas de 2020 sur les conséquences financières de la réforme de la formation indique qu’un contrat d’alternance coûtera plus cher en apprentissage qu’en pro, en moyenne plus de 10 %. La plus grande part de ce financement ne va pas dans la pédagogie mais permet aux CFA d’absorber le coût induit par la complexité administrative de la réforme. Hier, ils n’avaient qu’un seul interlocuteur régional, aujourd’hui, les établissements généralistes doivent faire avec 11 Opco, ce qui représente un surcoût en termes de personnel ou de moyens », détaille Michel Abhervé.

Fusion ?

N’empêche. La bascule entre les deux contrats repose la question – arlésienne de l’alternance – de leur fusion dans un dispositif unique. Les critères différenciants – l’âge notamment – apparaissent aujourd’hui minimes. « La fusion ne poserait aucun problème tant que l’assiette des financements reste calculée sur l’ensemble des deux », note Vincent Cohas. « Les deux contrats sont valables pour quasiment les mêmes types de formations, impliquent tous les deux les Opco dans la tuyauterie financière depuis la réforme de 2018, demandent la mise en place de plannings d’alternance aux organismes de formation et des formulaires Cerfa aux employeurs et reposent sur la même relation tripartite entre l’établissement d’enseignement, l’alternant et l’employeur », abonde Roselyne Hubert, directrice du pôle alternance du groupe IGS Lyon.

Pour Bertrand Milas, directeur général de Cimes, la filiale d’externalisation de la formation et de l’alternance du groupe Cegos, « malgré leur proximité, les deux contrats n’ont pas forcément la même vocation. Le contrat de pro présente une dimension métier et une souplesse en termes d’objectifs et de durée absentes du contrat d’apprentissage. Certaines entreprises utilisent volontiers la pro dans des optiques de reconversion professionnelle, d’évolution de poste ou pour leurs politiques d’onboarding ». Retail, banque, assurances, grande distribution… le contrat de pro a encore ses adeptes. Surtout, l’avance prise par le contrat d’apprentissage reste fragile puisqu’elle repose largement sur un financement plus généreux… qui a déjà amené l’État à recapitaliser France Compétences à hauteur de 750 millions en 2020 et à demander aux partenaires sociaux de réfléchir à une plus grande frugalité pour l’instance. Cette situation pourrait amener les branches à revoir les financements de l’apprentissage à la baisse… et redonner ainsi de l’espace au contrat de pro.

(1) À raison de 5 000 euros par an pour un alternant mineur et 8 000 pour un majeur, elles resteront valables jusqu’au 31 décembre 2021.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre