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Benoît Serre : vice-président délégué de l’ANDRH

Chroniques | publié le : 23.08.2021 |

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Benoît Serre : vice-président délégué de l’ANDRH

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La liberté dans la confiance… ou inversement !

Pour la seconde fois, nous allons connaître une rentrée « aléatoire ». L’amélioration sur le front de la pandémie au printemps dernier avait conduit nombre d’entreprises à tester durant l’été leur nouvelle organisation avec comme objectif d’être prête en septembre. Pour certaines, cette rentrée pouvait être la première trace du « monde d’après » dont on a beaucoup parlé. Cela se traduit notamment par la mise en œuvre opérationnelle des milliers d’accords de télétravail signés en 2021 et pour d’autres, plus avancées, l’application d’un modèle de management rénové ou l’accueil dans des locaux repensés.

Certes, après cette si longue période où l’organisation du travail dépendait majoritairement des protocoles sanitaires décidés par les pouvoirs publics, les entreprises allaient pouvoir reprendre leur liberté d’organisation. C’est encore le cas aujourd’hui même si nous vivons une rentrée sous la menace d’une reprise non pas de l’activité mais de la pandémie. Malgré tout cela, la période est très intéressante sur un plan managérial et RH et il est pertinent de l’observer comme une transition entre deux époques.

L’un des constats qui peut être fait est qu’après avoir cru que les salariés en télétravail ne voulaient pas revenir, on constate que bien souvent la difficulté ne réside pas dans la présence mais dans la perte de la liberté absolue des moments où ils sont à distance.

La plupart des accords de télétravail – et c’est normal – prévoient des contraintes dans la mise en œuvre soit par déclaration préalable soit par validation managériale. Nous constatons que c’est là que le problème se pose : la perte de liberté dans mon organisation, la disparition du télétravail « open bar ». Les salariés concernés ont pu durant tout le premier semestre auto-évaluer la nécessité de venir ou pas et ils ont du mal à admettre que subitement, cette liberté d’appréciation leur soit retirée car ils l’ont vécuecomme un signe de confiance. Les règles imposées par les accords de télétravail sont donc parfois vécues comme un signe de défiance et de contrôle, ce que nombre n’admettent plus.

C’est le second constat qui peut être fait : l’exigence de confiance et de liberté d’organisation vient de faire une entrée fracassante dans le monde du travail. Comme toute nouveauté, cela vient perturber nos schémas classiques de management. L’entreprise comme l’individu doivent apprivoiser ce nouveau mode relationnel et cela exige du temps. C’est en cela aussi que cette rentrée peut sembler menaçante car tant que nous ne serons pas dans une situation sanitaire stabilisée, il sera très difficile de faire émerger ces adaptations inévitables – et à certains égards souhaitables – du monde du travail.

Enfin, le cumul de ces deux constats va conduire les entreprises à résoudre le conflit qui sous-tend également celui du passe sanitaire. Les débats sur ce point reposent en effet sur la confiance accordée aux vaccins et sur la liberté d’y recourir ou non. Autrement dit, les termes de l’enjeu sont les mêmes : confiance dans la capacité d’auto-évaluation de son temps de travail par le salarié et liberté du salarié de s’organiser pour assurer sa mission.

Voilà sans doute l’enjeu majeur de cette rentrée au-delà des dimensions économiques et sanitaires : favoriser l’instauration d’un monde du travail fondé sur la confiance et la liberté d’organisation et cela est d’autant plus urgent que nous constatons que cette aspiration est très forte dans les équipes qui y ont goûtée depuis 18 mois et n’entendent pas y renoncer. Pour autant, si les entreprises semblent également vouloir y parvenir, elles ne peuvent le faire sans contrainte ni prise en compte des réalités économiques, managériales et de production. Ce temps d’alignement et d’adaptation doit démarrer en cette rentrée en espérant que la pandémie ne viendra pas comme depuis de mois perturber cette nécessité. Les DRH auront une fois de plus à conjuguer les temps : celui de la pandémie, celui de l’impatience des salariés à vivre une nouvelle forme de travail et celui de l’entreprise à conserver des conditions d’activité adaptées mais inévitablement contraintes. Le défi est immense et ne fait que commencer… peut-être !