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Le point sur

« Il faut prévoir une clause de réouverture de l’accord de télétravail »

Le point sur | publié le : 23.08.2021 | Irène Lopez

Associé au département droit social de Baker McKenzie, Olivier Vasset rappelle les droits et les devoirs des salariés et des employeurs dans une nouvelle configuration. De fait, 30 % des DRH déclarent être confrontés à des demandes de salariés qui ont déménagé pendant les confinements ou qui envisagent de déménager et veulent savoir comment ils peuvent s’organiser, selon une enquête de l’ANDRH auprès de ses 5 200 adhérents. Même si cela ne concernerait qu’un faible nombre de salariés, le problème se pose néanmoins avec une certaine acuité pour les DRH.

Les salariés qui ont déménagé pour convenance personnelle, pendant le confinement, sans forcément prévenir leur employeur, en avaient-ils le droit ?

Juridiquement, ils en avaient le droit. Il s’agit là d’un principe lié à la vie privée. Ils n’ont aucune obligation de demander un accord préalable et il ressort des dispositions générales de l’article L. 1121-1 du Code du travail sur le respect de la vie privée du salarié que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». Il s’avère donc, qu’à l’exception de quelques emplois spécifiques nécessitant de résider à proximité du lieu de travail, les salariés sont libres de choisir leurs lieux de résidence.

Quels sont les droits et les devoirs des salariés et des employeurs en la matière ?

Depuis le déconfinement du 9 juin, les entreprises doivent déterminer, à l’issue d’échanges entre la direction et les représentants des salariés, un nombre minimum de jours de télétravail pour chaque employé. Élisabeth Borne, ministre du Travail, recommande de passer à deux jours de présentiel et trois jours de télétravail. Il y a beaucoup de négociations en cours pour définir les droits et devoirs de chacun. Dans les grands groupes, en général, un accord télétravail a été signé. Pour les petites entreprises, en l’absence de syndicats, l’employeur négocie directement avec le salarié et il peut demander au salarié de revenir travailler au sein de l’entreprise à 100 %.

Le déménagement peut-il constituer un motif de licenciement ou de sanction du salarié ?

Je suis prudent et partagé sur ce point, d’autant plus si le salarié établit que le travail est fourni. Il ne pourrait pas y avoir de licenciement dans ce cas-là. En revanche, si l’employeur apprend que le salarié a déménagé et que ses résultats et sa motivation s’en trouvent affectés, il pourrait le licencier pour cause d’insuffisance de résultats, mais pas en raison de son déménagement. En outre, si l’employeur n’a pas envie de perdre sa force de travail et s’il souhaite attirer de nouveaux collaborateurs, il sera pragmatique, s’adaptera au caractère hybride des nouvelles organisations et n’imposera pas cinq jours de présence au bureau. La négociation me semble être le meilleur moyen pour parvenir à un équilibre au sein des organisations. Elle pourrait prévoir la mise en place d’une clause de réouverture de l’accord de télétravail conclu pour réexaminer la situation dans six mois, et le réajuster le cas échéant.

Quelle est la règle avec les salariés qui ne souhaitent pas télétravailler ?

L’employeur ne peut leur interdire de venir travailler dans les locaux de l’entreprise cinq jours sur cinq. Nous avons pu observer la tentation, pour certains employeurs, de passer en mode zéro bureau pour des motifs d’économie immobilière. Mais l’employeur doit pouvoir mettre des locaux de travail à disposition de ses salariés, quitte à louer des espaces de coworking, sauf si le travail à distance est expressément indiqué comme unique mode d’organisation du travail lors du recrutement d’un collaborateur. Dans ce cas-là, l’employeur n’est pas tenu de mettre des locaux à disposition de ses employés.

Un salarié peut-il faire valoir un droit de retrait s’il estime que les règles sanitaires ne sont pas respectées dans son entreprise ?

On remarque effectivement une forme d’appréhension de la part de certains salariés face à la nécessité de retourner dans les locaux de leurs entreprises, alors que la situation sanitaire s’est considérablement améliorée.

C’est à l’employeur qu’il incombe en effet de s’assurer du respect des règles sanitaires dans les locaux de l’entreprise. Or si un salarié travaille dans un bureau de 20 m2 avec huit autres personnes, il pourrait exercer son droit au retrait et refuser de travailler dans ces conditions. Mais aucune entreprise ne prendrait ce risque.

Auteur

  • Irène Lopez