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Ne ratons pas le monde d’après !

Chroniques | publié le : 06.09.2021 | Benoît Serre, vice-président délégué de l'ANDRH

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Benoît Serre vice-président délégué de l’ANDRH

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Beaucoup d’éléments sanitaires indiquent que nous entrons dans une nouvelle phase de la pandémie. Nous y sommes encore, mais peu à peu s’observe un retour à la normale. Preuve en est que les pouvoirs publics ont annoncé d’une part la fin des protocoles sanitaires qui structuraient l’organisation des entreprises et d’autre part la fin du fonds de solidarité au 30 septembre. Avec cette période que l’on peut évaluer avec un optimisme raisonnable, apparaissent dès lors les premiers éléments d’analyse – empirique ou non – des conséquences de la Ccovid-19 sur le travail et la société en général. Il est intéressant de constater, d’ailleurs, que des signaux faibles ont surgi très rapidement en cette rentrée, même s’ils étaient déjà en germe avant l’été.

Le plus frappant est un rapport au travail repensé. Les chiffres le prouvent : 38 % de salariés seraient prêts à quitter une entreprise qui leur imposerait le 100 % présentiel, 30 % des DRH ont été confrontés à des demandes de déménagement, 43 % estiment que la flexibilité du lieu de travail est un facteur de réussite*. Ces quelques éléments sont également présents dans l’inflation des offres d’emploi intégrant nativement du télétravail comme des projets de réaménagement de bureaux annoncés ici ou là, sans compter les 20 000 accords de télétravail signés ces derniers mois ou en passe de l’être. À faire ces constats, on pourrait donc aisément en conclure que le « monde d’après » est arrivé et qu’il n’y a plus qu’à le réguler pour l’installer définitivement. Ce serait évidemment aller vite en besogne, car tous ces éléments sont concentrés sur une partie à ce jour minoritaire des salariés : celles et ceux dont le métier est déjà éligible au télétravail. Ce serait une grave erreur d’oublier qu’à l’heure actuelle une majorité de nos métiers ne sont que peu ou pas du tout télétravaillables. À ne parler que de cela, on risquerait une pénurie d’embauche massive dans des activités du quotidien, à commencer par le commerce. Le monde d’après ne saurait être réservé à certaines catégories d’emploi qui seraient finalement les grands et seuls « bénéficiaires » de cette crise. Dans le même temps, les entreprises ont besoin d’ajouter cette corde supplémentaire à leur attractivité. L’équation est complexe.

Les entreprises et leur DRH ne s’y trompent d’ailleurs pas quand elles cherchent d’abord à structurer, organiser, réguler les aspirations légitimes des individus vers plus de liberté dans l’organisation et plus d’autonomie dans le travail. Cette démarche nécessairement longue passe aussi par une réorganisation de certains métiers pour les assouplir dans leur exercice. Il y a enfin un enjeu d’adaptation du management qui après la présence, puis la distance doit désormais apprendre et organiser l’hybride.

Si nous allions trop vite sur ce chemin, le risque serait grand de voir se fracturer le corps social que nous cherchons aujourd’hui à réunir. Ce serait alors l’entreprise elle-même qui serait en danger, car elle repose aussi – peut-être surtout – sur le collectif humain qu’elle rassemble.

Pour réussir à tirer des conséquences durables et positives de cette crise inédite, il faut prendre le temps nécessaire à transformer sans déséquilibrer, avec des principes forts comme la confiance, la bienveillance et l’autonomie bien sûr, mais avec une obsession : l’équité entre les collaborateurs.

Les entreprises sont prêtes à cette révolution du travail et à en juger par la qualité du dialogue social durant cette pandémie, il apparaît que les partenaires sociaux le sont aussi. Il faudra donc que le législateur sache – et ait sans doute le courage – d’adapter au bon rythme notre droit du travail à cette nouvelle donne.

Récemment, la ministre du Travail a affirmé que pouvoirs publics comme acteurs sociaux « souhaitaient tous redonner la main aux entreprises pour leur organisation. » Cette louable volonté pourrait structurer le monde d’après !

* Slack/OpinionWay – 31/08/2021.

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  • Benoît Serre, vice-président délégué de l'ANDRH