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Bonus-malus : patrons et syndicats tous deux insatisfaits

Le point sur | publié le : 13.09.2021 | Irène Lopez

 

Pour des raisons différentes, les syndicats de patrons et de salariés s’insurgent contre le bonus-malus sur les contrats courts. Tour d’horizon des arguments des uns et des autres.

Dès 2018, le Medef s’est opposé à un bonus-malus sur les cotisations patronales d’assurance chômage. Une note de cadrage transmise par le gouvernement aux partenaires sociaux les avait en effet invités à l’époque à identifier de nouvelles règles pour inciter les employeurs à proposer des contrats de travail plus longs et à privilégier les embauches en contrat à durée indéterminée. Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, considérait à cet égard que le bonus-malus dissuaderait les entreprises d’embaucher. Même son de cloche dans l’autre organisation patronale, la Confédération des PME (CPME). Non seulement l’instauration d’un bonus-malus sur les contrats courts semble totalement impossible dans le secteur de l’hôtellerie, des cafés et de la restauration, de même que dans celui de l’évènementiel et des activités sportives ou de montagne, particulièrement affectés par la crise actuelle, mais en plus, « pénaliser les entreprises est un frein à l’embauche et une entrave à la compétitivité », estime ainsi Eric Chevée, vice-président de la CPME en charge des affaires sociales et président du Conseil économique et social régional (Ceser) Centre-Val de Loire.

Autre argument avancé par le patronat, celui de l’impossibilité de prévoir l’activité dans certains secteurs – auquel les syndicats de salariés tordent le cou : « 90 % des entreprises disent qu’elles n’ont pas de visibilité. Dans ces conditions, les CDI n’existeraient pas, tonne Jean-François Foucart, secrétaire confédéral CFE-CGC en charge de l’emploi et de la formation. Or 84 % des salariés en CDD reviennent chez le même employeur ! » Il plaide donc en faveur d’une cotisation de 20 % pour toute embauche de moins d’une semaine. Quant à Michel Beaugas, secrétaire général de l’Union confédérale des retraités-FO, il reprend l’étude sur les bénéficiaires des contrats courts de la Dares, en 2019, pour faire valoir les droits des salariés. « 20 % des salariés dans le privé ont signé au moins un contrat temporaire court. La durée n’excède pas 31 jours pour 4,8 millions de salariés. Ces contrats ont signifié un mois et demi de travail au maximum dans l’année. Alors que ce type de contrat présente plusieurs atouts pour les entreprises, en étant une variable d’ajustement lors de baisse ou d’augmentation de l’activité, il est bien moins avantageux pour les salariés », dit-il. Ce syndicat a porté une réforme de l’assurance chômage avec un bonus-malus pendant des années. « Mais pas celui instauré par le gouvernement, s’emporte Michel Beaugas. Ceux qui abusent des contrats courts doivent payer beaucoup plus cher : jusqu’à 8 %. Avec ce taux de cotisation, cela rapporterait 400 millions à l’assurance chômage. »

Différence de traitement

Par ailleurs, la date d’application effective est également pointée du doigt. Le gouvernement observe le recours aux contrats courts des 21 000 entreprises concernées par le bonus-malus depuis le 1er juillet, mais le dispositif ne sera appliqué qu’à partir de septembre 2022. « Les employeurs ne commenceront à payer un malus, ou à profiter d’un bonus, qu’à compter de l’an prochain », relève ainsi Cyril Chabanier, président de la CFTC. Il aurait vu d’un bon œil une application du bonus-malus en parallèle de celle du nouveau mode de calcul des indemnités pour les demandeurs d’emploi, effective depuis cet été. Une différence de traitement que déplore également Michel Beaugas, de FO. « Les entreprises ne commenceront à payer qu’en 2022. Autrement dit, pour elles, le gouvernement fait attention à ce que la crise soit bien terminée. À l’inverse, le nouveau mode de calcul des indemnités des demandeurs d’emploi qui les désavantage est d’ores et déjà applicable », souligne-t-il.

Quant à l’architecture même du dispositif, elle pose aussi question pour les syndicats. Si le malus sur la contribution à l’assurance chômage est justifié pour l’Unsa, l’architecture lui paraît cependant incohérente… « Ainsi, la modulation de la cotisation ne s’appliquera que si le taux de séparation de l’entreprise est différent du taux médian et non en fonction du nombre de contrats courts utilisés. Si toutes les entreprises d’un secteur réduisent la durée moyenne de leurs contrats dans la même proportion, le taux de séparation médian augmentera, mais les niveaux de cotisation des entreprises ne changeront pas », fait-elle valoir… La sélection de certains secteurs ne recueille pas non plus l’approbation des syndicats. « Un système plus universel touchant la quasi-intégralité des entreprises serait plus à même d’être efficace pour lutter contre les contrats courts, estime ainsi Jean-François Foucart, de la CFE-CGC. Cette réforme n’est pas à la hauteur des problématiques concernées. »

Reste enfin l’efficacité du nouveau dispositif. Pour le secrétaire général de l’Union confédérale des retraités-FO, il sera très relatif. Le syndicaliste se projette déjà au printemps 2022, après l’élection présidentielle… « Dans le sillage de l’échec des négociations entre partenaires sociaux en 2018, la réforme de l’assurance chômage a été mise en œuvre par décret. Or, ce que fait un décret, un autre peut le défaire. Tout peut changer », dit-il.

Auteur

  • Irène Lopez