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J’aime ma boîte ?

Chroniques | publié le : 25.10.2021 |

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Martin Richer : Management & RSE

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Par Martin Richer, dirigeant-fondateur de Management &RSE

Ce jeudi 21 octobre se tenait la 19e édition de « J’aime ma boîte ». Dans un pays où un Premier ministre (Manuel Valls) qui ose dire (en août 2014) « j’aime l’entreprise », déclenche une de ces polémiques dont nous avons le secret, déployer un message positif sur l’entreprise est bienvenu, surtout lorsqu’on rappelle qu’elle est le lieu d’un projet humain partagé. Mais encore faut-il que ce message soit juste, ce qui appelle trois conditions.

Ne pas céder aux sirènes de l’amour

Évitons de nous complaire dans l’angélisme. Certes, 65 % des salariés affirment « j’aime ma boîte » selon le sondage OpinionWay de septembre 2020 qui accompagne l’événement. Mais sur une longue période, on observe une diminution tendancielle de ce résultat depuis le point haut atteint en 2005 (79 %).

La crise sanitaire a cimenté les solidarités face au virus. Mais le ministère du Travail invite à la vigilance : début 2021, 21 % des actifs ressentent une intensité du travail accrue par rapport à l’avant-crise, 26 % des exigences émotionnelles plus fortes et 26 % un sentiment plus aigu d’insécurité de l’emploi. On trouve ici trois facteurs majeurs de stress professionnel, heureusement (en partie) compensés par une amélioration de l’autonomie au travail et du sentiment d’utilité et de sens au travail (Dares Analyses, mai 2021).

Identifier l’objet d’amour

L’affirmation « j’aime ma boîte » ne dit rien du véritable objet de cette affection. On ne peut parler d’engagement sans parler d’objet de l’engagement, c’est-à-dire le rapport d’un sujet (le salarié) à un objet précisément identifié : son travail, son entreprise, son manager, son dirigeant, ses clients, ses collègues, sa raison d’être… Cet objet reflète la complexité de ce rapport. Ainsi, les sociologues Dominique Méda et Lucie Davoine montraient dès 2008 que les Français aiment « le » travail mais sont très critiques sur « leur » travail (conditions et environnement de travail).

De même, dans le regard des salariés, aimer sa boîte et aimer son patron sont deux choses bien distinctes. D’après le sondage qui accompagne l’événement, 68 % des salariés disent que leur entreprise a fait son maximum pour les aider pendant le confinement. Cette reconnaissance de la part des collaborateurs est un atout de cohésion essentiel. Mais seuls 15 % estiment que la direction de leur entreprise s’est révélée meilleure que d’habitude pendant le confinement – contre 19 % moins bonne et 63 % ni l’un ni l’autre.

Savoir donner des preuves d’amour

L’entreprise n’est ni le lieu d’exploitation décrit par certains, ni un monde merveilleux où règne le bonheur. C’est en s’intéressant au travail, à ses motifs de satisfaction comme à ses difficultés, que les entreprises progressent. C’est le sens de l’initiative menée par l’Institut de l’entreprise avec ses Ateliers citoyens, qui a permis de mettre en lumière les sujets d’attentes prioritaires :

• Les nouveaux modes d’organisation du travail, y compris l’extension du travail à distance accélérée par les confinements.

• La qualité de vie au travail, prérequis indispensable à l’épanouissement.

• L’employabilité des salariés et la formation tout au long de la vie.

• L’inclusion des personnes éloignées de l’emploi mais aussi des profils atypiques, notamment le handicap.

• La parité, notamment dans l’accès aux postes à responsabilité.

• La diminution de l’empreinte carbone, enjeu éthique aussi bien qu’économique pour les entreprises.

On constate ainsi que la RSE et le développement durable ne sont pas étrangers à ces preuves d’amour attendues…

On aime sa boîte si on peut s’y impliquer. La grande enquête « Parlons travail » réalisée début 2017 par la CFDT montre que 72 % des salariés demandent à participer davantage aux décisions qui affectent leur entreprise et 84 % aspirent à des organisations plus démocratiques. Les preuves d’amour, là est le vrai défi !

Pour aller plus loin : « La crise de la délibération concerne l’entreprise et le champ politique » http://management-rse.com/la-crise-de-la-deliberation-concerne-lentreprise-et-le-champ-politique/